LE 18 FRUCTIDOR.
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eux; la vérité est que je n’ai vu ces messieurs, pour la premiére foisr que dans la voiture qui nous déporta å Cayenne. »
Un fait qui montre bien aussi la confusion qui existait alors dans les esprits au point de vue politique, c’est que Mme de Staél poussa plus que personne au coup d’État. « Elle ne voyait sans doute dans cette lutte, dit La Valette, que lo triomphe de ses opinions, je dirais volontiers de ses sentiments politiques, et je suis persuadé qu’eJle-n’avait pas prévu les proscriptions cruelles qui accablérent le parti vaincu; mais je-n’ai jamais vu une teile chaleur å les poursuivre, et il faut avouer que l’absence de ré-flexion petit seule expliquer qu’elle ait pris parti avec tant d’éclat pour des bommes, qui foulaient aux pieds la liberté et la représentation nationale, les deux plus chere objets de son culte. A cette époque, elle portait jusqu’å l’enthousiasme son admiration pour le général Bonaparte. » Bonaparte allait justement jouer en ces circonstances un role décisif dans le sens que désirait Mrao de Stael.
En effet, les agents royalistes semblant prendre la haute main dans les intrigues ourdies contre le Directoire, il n’était ni de l’intérét ni du gout de Bonaparte de s’y associer. Son ambition était dés lors d’ac-cord avec les convictions de son armée. Depuis quelques semaines déjår il avait entre les mains des papiers importants qu’il avait pris å Vé-rone dans les bagages d’un émigré, le comte d’Entraigues.Ce person-nage, espéce d’aventurier, aprés avoir été révolutionnaire exalté, s’était mis aux gages cle Louis XVIII, et devait périr, en 1812, (Tune fagon tragique, assassiné par des voleurs, ainsi que sa femme, ]a célébre chanteuse Saint-Huberti. Bonaparte n’hésita plus, il envoya son aide de camp, La Valette, å Paris et communiqua les papiers du comte d’Entraygues au Directoire, qui y trouva, sinon les indications d’un complot qui n’était pas encore formé, du moins les noms de ses acl-versaires les plus directs et des agents les plus dangereux du parti royaliste.
Hoche n’avait pas hésité å se mettre å la disposition du Directoire pour agir contre les Conseils. L’article G9 cle la Constitution de I’an III défendait au Directoire de « faire passer ou séjourner aucun corps de troupes dans la distance de 6 myriamätres de la commune ou le Corps législatif tient ses séances, si ce n’est sur sa réquisition ou avec son autorisation ». li n’y avait å Paris d’autres troupes que la garde constitutionnelle du Directoire, et son chef, Ramel, ne se serait pas prété NAPOLÉON Ier. 18