TRAITÉ DE CAMPO-FORMIO.
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å ces mots, il s’emporte tout å coup, répond avec vivacité, puis avec violence, il frappe du pied, se leve, marche avec une agitation crois-sante, et s’approchant cl’un guéridon chargé cl’un magnifique cabaret de porcelaine, doublement précieux pour Cobentzel parce qu’il était un don de la grande Catherine, il le saisit, le lance sur le carreau, ou il se brise avec fracas, en disant : « Vous voulez encore la guerre, eli bien, vous l’aurez; elle est déclarée; mais souvenez-vous qu’avant trois mois j’aurai brisé votre monarchie comme je brise cette porcelaine. » Il quitte brusquement la salle, laissant les négociateurs terrifiés, et se jette dans sa voiture sans voir la mine suppliante de Gallo, l’ambas-sadeur napolitain, qui lui apporte respectueusement son chapeau. « Le diable d’homme, disait plus tard Talleyrand avec humeur, le diable d’homme trompe sur tous les points. Ses passions niernes vous échap-pent; car il trouve moyen de les feindre méme lorsqu’elles existent réellement! )) Ces paroles, dans la bouche cl’un tel persomiage, étaient moins un blåme moral que le signe du dépit et de la déception. Il était désagréablement affecté d’avoir trouvé un bomme qui put lutter avec lui sur le terrain ou il se croyait maitre. On comprend, du reste, que Napoléon n’ait pas tenu å se montrer naif avec Talleyrand, et il n’avait pas tort; car, dans cette lutte, c’est le diplomate de profession qui devait avoir tristement le dessus, en 1814, sur le grand empereur.
Quoi qu’il en soit, Cobentzel se håta de signer le jour méme l’ul-timatum de Bonaparte et de le lui envoyer å son quartier général de Passeriano. Le lendemain, 17 octobre, le traité définitif était signe. L’Autriche reconnaissait l’annexion å la France de la Belgique, de la rive gauche du Rliin et des iles loniennes; elle reconnaissait également la République cisalpine, formée des possessions de l’Au-triclie en Italie (Mantouan et Milanais) auxquelles s’ajoutaient Bo-logne, Ferrare, enlevées au pape; les Etats du duc de Modéne, que l’Autriclie devait indemniser par le Brisgau, la Valteline et ]es provinces orientales de Venise (Crémone, Bergame, Brescia). Bonaparte exigea aussi que Lafayette, Bureau de Puzy et Latour-Maubourg, qui étaient, au inépris du droit des gens, retenus dans