LES SAVANTS ET L’AEMEE.
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nier de guerre, obtint des saufs-conduits et put librement exécuter son voyage dans l’intérieur de l’Afrique. Il est å regretter que la mort, sur-venant trop vite, l’ait empeché de publier ses relations et de rendre hautement justice å l’humamté frangaise.
L’attitude intrépide des savants au milieu de ces dangers, ou le courage est plus clifficile que sur les champs de bataille, achevait de dissiper les sentiments plus affectés que réels de malveillance ou de dédain qu’une partie de l’armée avait pour eux. En Egypte, dit Cu-vier dans son éloge de Bertliollet, Bertliollet et Monge ne s’expo-saient pas moins que les militaires de profession; ils se montraient partout. Leurs noms étaient devenus célébres dans l’armée, et l’on était si accoutumé å les prononcer ensemble que bien des soldats croyaicnt qu’ils n’en formaient qu’un et ne désignaient qu’un seul homme, un liomme que, d’ailleurs nierne en le respectant, il n’aimaient pas trop, parce que c’était lui, disaient-ils, qui avait donné au général l’idée de venir dans ce maudit pays. Remontant le Nil dans une barque que les mamelouks fusillaient de la rive, on vit M. Bertliollet ramasser tranquillement des pierres (qui servaient de lest) et en rem-plir ses poches. « Que faites-vous lå? )) lui dit quelqu’un. « Si je suis tué, je veux aller au fond et que ces barbares ne maltraitent pas mon corps. »
De pareils traits répétés au bivouac ne pouvaient que faire naitre la Sympathie des anciens soldats de l’armée d’Italie. L’on entendit plus d’une fois dans les rangs, au moment de la bataille, eet ordre burlesque : « Attention, les anes et les savants au milieu des car-rés! » Cette plaisanterie, qui avait toujours du succés, indiquait plutot la resolution de protéger les savants que 1’intention de leur témoigner de l’liostilité.
Cependant les conséquences que redoutait Bonaparte aprés Abou-kir commengaient å se produire. Si la Porte avait souffert sans se plaindre l’occupation de l’Egypte, c’est qu’elle ne se sentait point as-sez forte ni assez appuyée pour défendre une province lointaine, å (lemi indépendante, contre une armée que ses derniers succés en Italie avaient réputée invincible. Mais désormais la fortune avait