NAPOLEON Ier.
La veillede la bataille d’Austerlitz, dans une conversation longue et variéequ’il eut aprés diner avec son état-major, on en vint, aprés avoir surtout parlé de littérature, ä rappeler la Campagne d’Égypte.
« A ce propos, dit Ségur, passant å un sujet plus conforme å notre situation presente et aux habitudes de la plupart de ceux qui l’entouraient: «. Oui, reprit-il, si je m’étais emparé d’Acre, je prenais le turban ; je faisais mettre de grandes culottes ti mon armée, je ne l’exposais plus qu’å, la derniére extrémité; j en faisais mon batail-lon sacré, mes immortels! C’est par des Arabes, des Grecs, des Armeniens que j eusse achevé la guerre contre les Tures ! Au lien d’une bataille en Moravie, je gagnais une
persomie. Les assiégés avaient tenté plusieurs sorties; elles avaient été repoussées, mais nous avaient causé de grandes pertes; d’autre part sept tentatives d’assaut avaient échoué. Mais Bonaparte pensait que le succés de sa Campagne dépendait de la prise de cette ville, et il lui semblait qu’un échec aussi retentissant allait porter une grave atteinte.å sa renommée; il se décida å un. dernier assaut plus terrible que tons les autres. Rassemblant toutes ses batteries et mortiers disponibles, Bonaparte crible Saint-Jean d’Acre de ses derniers projectiles. Les Frangais s’élancent alors, renversent les Tures qui essaient de les arréter, et en quelques instants sont maitres de tous les faubourgs. Mais ce succés est de pen de durée; les Frangais sont arrétés par de nouveaux fossés et de nouveaux retranchements; les Tures reviennent en force et les chassent des positions qu’ils avaientoccupees. Le general Bon, (adjudant général Fonler, le chef de brigade Venoux avaient été tués. Autour du général en chef, Croisier, Arrighi, Eugéne de Beauharnais, Duroc, avaient été griévement blessés. Les généraux Caffarelli et Rambaud avaient été frappés mortellement dans les as-sauts précédents. Bonaparte renonga å son entreprise et leva le siége. L’armée avait ajouté å sa gloire; mais un des buts principaux de l’ex-pédition était manqué, et pour la premiére fois les circonstances avaient opposéå Bonaparte un obstacle invincible. « Cet liomme, disait-il plus tard. en parlant dc Sydney Smith, ina fait manquer ma fortune, et cette bicoque, ajoutait-il en parlant de Saint-Jean d’Acre, m’aseuleem-péché d’entrer dans les Indes et de porter un coup mørtel aux Anglais. )>
Cette idée le poursuivait encore aprés Marengo, aprés Ulm, aprés le Code civil et le Concordat.