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NAPOLEON Iei'.
vint qu’au dernier moment et 011 ne leur donna que juste les instruc-tions nécessaires pour ce qu’ils devaient faire. Il en fut ainsi meine pour le général Lefebvre, le futur duc de Dantzig, qui avait la di-rection des mesures militaires. Ce ne fut pas le 16 que le complot éclata.
« Le 15 au soir, comme le raconte Arnault dans ses Souvenirs d’un semgmaire... Regnaud et Eoederer attendaient chez le citoyen Talleyrand, rue Taitbout, le mot d’ordre, mais ce mot d’ordre n’arrivait pas. Comme nia position et mes goüts ap-pelaient inoins l’attention sur moi que sur les autres, et que j’avais l’habitude d’aller tous les soirs chez le général : « Pendant que nous ferons une partie de whist, « pour derouter les gens quipourraient survenir, vous devriez bien, me dit Regnaud, « aller savoir du général si la chose tient pour demain : å votre retour, un signe affir-« matif ou un signe négatif nous mettra au faib. »
« Je cours chez le général. Son salon était plein ; un coup d’ceil qui ne peut étre compris que de moi m’indique qu’il comprend le motif qui m’améne et que je devais attendre : j’attendis donc. Cette fois, j’en conviens, je ne savais plus oü j’en étais, et je me disais, comme Basile : Qui diable est-ce qu’on trompe ici? Ils sont tous dans la confidence.
« Dans ce salon, dont Joséphine faisait les honneurs avec une gråce singuliére, se trouvaient pour lors des représentants de toutes les professions, de toutes les factions, des généraux, des législateurs, des jacobins, des clichiens, des avocats, des abbés, un ministre, un directeur, le président méme du Directoire. A voir l’air de supériorité du maitre de la maison au milieu de gens de robes et d’opinions si diverses, on eüt dit qu’il était d’intelligence avec eux tous : chacun était déjå a sa place.
« Fouché n’arriva qu’aprés Gohier. Sans trop reprendre l’air de dignité qu’il avait échangé contre celui de la courtoisie en acceptant une place sur le canapé de la maitresse de la maison : « Qnoi de neuf? citoyen ministre, lui dit le citoyen Directeur, «tout en humant son thé et avec une bonhomie assez piquante dans la circonstance. — « De neuf ? Rien, en vérité, rien, répondit le ministre avec une légéreté qui n’était pas « tout å fait de la gråce. — Mais encore? — Toujours les mémes bavardages. — « Comment? Toujours la conspiration. — La conspiration! dit Joséphine avec vi-« vacité. — Oni, laconspiration, reprend. le malin ministre; mais je sais å. quoi « m’en. tenir. J’y vois clair, citoyen Directeur; fiez-vous a moi, ce n’esfc pas moi qu’on « attrape. S’il y avait conspiration depuis qu’on en parle, n’en aurait-on pas eu la « preuve sur la place de la Revolution ou dans laplaine de Grenelle? Etce disant, il « éclatait de rire. — Fi dono ! citoyen Fouché, dit Joséphine, pouvez-vous rire de ces « choses-la! — Le ministre parle en homme qui sait son affaire, reprit Gohier; mais «tranquillisez-vous, citoyenne, direces choses-lädevant les dames, c’estprouver qu’il « n’y a pas lien å les faire. Faites comme le gouvernement, ne vous inquiétez pas de « ces bruits-lå : dormez tranquille! »