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NAPOLEON I«.
douter) dans l’entrevue qu’il eut avec Brune. II exprima fort son mé-pris pour d’Autichamp, Bourmont et les autres chefs, qui, disait-il, avaient céclé par peur. Lorsque Brune l’engagea å former un corps de volontaires pour servir la France, comme on l’avait proposé sous Louis XIV å Cavalier, le célébre camisard, il répondit que ce se-rait une apostasie trop stibi te, mais que dans deux ou trois mois il pourrait se décider et qu’alors il servirait la République avec au-tant de liberté qu’il avait servi les mécontents.
Un des premiers soucis de Bonaparte était la situation financiére. Nous croyons devoir insister un peu sur cette partie, en général la moins connue, mais non la moins gloricuse, de (administration con-sulaire. Le Consulat marque dans l’histoire financiére de la France une époque aussi importante que le ministére de Colbert.
Cette question de l’organisation financiére occupait déjå l’esprit de Bonaparte lorsqu’il était encore å peine connu. C’est ce que montre une anecclote doublement curieuse et par les details qu’elle contient et par sa date. C’était en janvier 1796, par conséquent avant que Bonaparte füt nommé général en chef de l’armée d’Italie. Barras don-nait un diner ou se trouvaient plusieurs dames, M'nc Tallien, Mme Car-voisin, Mme de Beauharnais.
« Aprés le café, dit Lecouteulx de Canteleu, je me disposais å prendre part å la conver-sation de ces dames, lorsqueå peine entré dans le salon particulier ou elles s’étaient retirées pour donner un plus libre essor aux propos animés du général Bonaparte, qui paraissait leur plaire infiniment, ce général se leve ducanapé ou il était assis å coté de ces dames et, m’adressant la parole, il me reconduisit dans le salon. Lå, placé devant la cheminée, il me dit qu’il voulait s’entretenir avec moi des finances de la République. » Il savait en effet que Lecouteulx, ancien député de Rouen å la Constituante, s’était beaucoup occupé des questions financiéres dans cette assemblée. Bonaparte lui déclara alors que le temps des assignats est passé et qu’il faut en revenir å l’ar-gent. Il développa cette idée avec unelucidité et une abondance d’arguments quilaissé-rent son interlocuteur non moins étonné de sa compétence sur de telles matiéres que de son audace å parier si librement lorsque les esprits étaient encore frappés de crainte par les proscriptions exercées contre les dépréciateurs du papier monnaie. « La facilité « avec laquelle s’énongait le jeune général, ses phrases breves et rapides et la sécurité « avec laquelle il bravait l’opinion populaire me firent bientöt voir l’homme auquel « j’avais affaire. »