GAUDIN. — LE MINISTÉRE DES FINANCES.
259
bien, entrez lå-dedans et vons y trouverez le général. » Et Gaudin se trouva en face de Bonaparte, qu’il n’avait jamais vu (1). « Lorsque j’entrai, dit Gaudin, il donnait des ordres au commandant de la garde; aprés que celui-ci se fut retiré, il vint å moi de l’air le plus gracieux. « Vous avez, me dit-il, longtemps travaillé dans les finances. — Pendant vingt ans, général. — Nous avons grand besoin de votre se-cours et j’y compte. Alions! prétez serment, nous sommes pressés. » Gaudin préta serment et le Premier Oonsul lui donna rendez-vous dans deux heures au ministére. Bonaparte lui dit dans cette seconde entrevue : « Monsieur Gaudin, je vous confie une tåche difficile, celle de rétablir Fordre dans les finances, mais je ne doute pas que votre expérience et votre habileté ne la ménent ä bonne fin. — Général, ce succes n’est possible qu’å deux conditions : la premiere, de revenir aux andens im-pots en les améliorant; la seconde, de reprendre parmi les anciennes méthodes celles dont l’utilité a été confirmée par l’usage. — Mais les moyens que vous me proposez sont des vieilleries qui ont fait leur temps. — En fait de finances, général, et surtout en matiére d’impöts, les vieilleries sont souvent ce qu’il y a de meilleur. — Soit, dit le Premier Consul, essayez. »
Lorsque M. Gaudin prit possession du ministére, il ne trouva dans les caisses duTrésor que 167.000 francs, restes d’un emprunt contracté la veille å grand’peine ■ la rente 5 °/0 était å 10 francs; 400 millions de contributions directes étaient dues sur les années précédentes.
Un des premiers actes de M. Gaudin fut d’organiser 1’administration des contributions directes sur le modéle de celle des anciens ving-tiémes, dont M. Gaudin avait été premier commis.
Depuis la Revolution, les röles des contributions directes étaient faits dans chaque commune par les administrations locales, c’est-å-dire que les municipalités déterminaient å peu pres la contenance et la valeur relative des biens de chacun et fixaient la quote-part dans la contribution
que la commune entiére devait å l’État. La Constituante avait pris pour base de la répartition de 1’impöt direct entre les diverses coin-munes l’ancien impöt de la taille; il était difficile de faire autrenient. L’important était d’appliquer au plus tot les réformes, et il fallait bien au début prendre une base quelconque. Or eet impöt était tres inégal d’un pays å l’autre, non seulement parce que, å valeur égale, deux terres imposées pouvaient étre trés différemment taxées, mais
==
(1) Bonaparte avait songé d’abord pour ce mlniatére å Lecouteulx; celui-ci avait refusé et avait indiqué Talleyrand : « Ah! non, avait réponiu Bonaparte d’un ton décisif, je n’en veux pas pour un ministre des finances. »