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NAPOLEON Ior.
reté morale et de fanatisme, qui, jointe ä l’ambition défue, a causé tant de troubles dans notre pays, se montrait d’une maniére bien frappante chez Topino-Lebrun.
« Il savait Plutarque par cæur, dit Mollien, qui l’avait connu. La Révolution l’avait surpris étudiant les arts ä Rome; sa folie fut de croire que la Grece avait du étre le pays le mieux gouvemé; que toutes les sociétés européennes devaient étre refondues sur le modele de quelques peuplades de ce coin. du monde qui a jeté tant d’éclat. Ce qu’il savait seulement de leur gouvernement, c’est qu’il se disait républicain. » II avait exposé au salon de 1798 la Mort de Caius Gracchus, qui se trouve aujourd’hui au musée de Marseille, sa patrie, et qui témoigne d’un certain talent.
Éléve de David, « le peintre de Brutus », Topino-Lebrun voulait, comme Brutus, en tuant le nouveau César, sauver la liberté expirante. Laquelle ? Etait-ce celle de la Terreur ou du 18 fructidor ? Les conjurés ne se le demandaient pas. Les républicains, disaient-ils, ne manquaient pas, et, l’acte une fois accompli, on verrait se déclarer pour eux, non seulement Fouché, ministre de la police, Sieyés, Masséna, Carnot, mais Lannes lui-méme, l’aide de camp préféré du Premier Consul.
Dénoncés bientot, par un des leurs, ils f urent arrétés å, l’Opéra meme, le 10 octobre 1800. Iln’y avait pas eu de commencement sérieux d’exé-cution. Ils n’en furent pas moins condamnés å mort en vertu d’un ver-diet du jury de la Seine. 11 est vrai qu’un attentat autrement dangereux par son organisation, autrement grave par ses resultats, avait indigné la France, qui ne voulait plus que des brouillons sanguinaires vinssent troubler sa récente sécurité.
Georges Cadoudal avait quitté Londres et s’était caché dans le Morbihan. Il avait organisé de lå l’effroyable complot de la macliine infernale, dont il avait confié l’exécution å trois de ses affidés, Limoélan, Saint-Régent et Carbon. Saint-Régent, ancien officiel' de marine, avait des connaissances en artillerie : il se chargea de fabriquer une machine qu’on devait faire éclater sur le passage du Premier Consul lorsqu’il se rendraitå l’Opéra. Le 3 nivöse, l’Opéra donnait par ordre la premiére représentation du cél^bre oratorio d’Haydn, la Création, qu’on n’avait pas encore entendu å Paris. On savait que le Premier Consul devait s’y rendre avec sa famille. Les conspirateurs clioisirent pour accomplir leur crime la rue Saint-Nicaise, rue sinueuse dont les détours consé-cutifs devaient ralentir la voiture la mieux conduite.
« Le jour arrivé, Carbon, Saint-Régent et Limoélan conduisirent leur charrette rue