322
■NAPOLEON Ier.
de sa puissance coloniale ; que cependant eile avait rendu trois ou quatre fois plus de territoire qu’elle n’en avait retenu.
Le grand écrivain se gardait de blesser l’orgueil britannique; mais il faisait en-tendre qu’une descente serait enfin sa derniére ressource et que si les ministres anglais voulaient que la guerre finit par la destruction d’une des deux nations, il n’y avait pas un Frangais qui ne fut disposé å faire un dernier et vigoureux effort pour vider cette longue querelle å l’éternelle gloire, ä l’éternel profit de la France. Mais pourqnoi placer la question dans ces termes extremes ? pourqnoi risquer ainsi le sort dc deux grands peuples? « Heureuses, s’écriait-il en terminant, heureuses les nations, lorsqu’arrivées a un haut point de prospérité elles ont des gouvernements sages qui n’exposent pas tant d’avantages aux caprices et aux vicissitudes d’un seul coup de la fortune! » Paroles qui devaient avoir un jour une triste application å lui-méme.
Ce langage du Premier Consul, comme les préparatifs du camp de Boulogne, était surtout un moyen d’intimiclation. Napoléon publiait dans le Moniteur le récit détaillé des armements qui se faisaient å la fois sur les cotes. de la mer du Nord et de la Manche. L’Angle-terre, qui par ses espions pouvait vérifier l’exactitude de ces dé-tails, était pleine de stupéfaction de pareils résultats obtenus en si pen de temps. Elle rappela Nelson dans le Pas-de-Calais pour atta-quer et tåeher de desorganiser la flottille. Nelson portait å la nation frangaise une haine qu’il poussait jusqu’au fanatisme. C’était, dit un de ses biographes, une esp&ce de maladie mentale (1). Cependant il ne se sentait pour le nouveau commandement aueune espcce de gout et « nulle aptitude que celle d’un dévouement sans limite)). Il essaya, le 4 aoüt, contre la flottille un bombardement qui ne causa que des dé-gåts sans grande importance, et les Anglais, malgré le désavantage de notre position, malgré la mauvaise qualité de notre poudre, avaient été plus maltraités que nous. Le 16 aoüt, Nelson tentait une attaque plus sérieuse. L’escaclre anglaise se mit en mouvement une demi-heure avant minuit, espérant arriver å l’improviste en ramant jusqu’å la ligne frangaise et l’enlever å l’abordage, mais les vaisseaux anglais furent accueillis par un feu nourri et bien dirigé, et quand on en vint å l’abordage, les matelots anglais eurent affaire å des adversaires
(1) V. E. Forgues, Vie de Nelson.