NAPOLEON, LES JACOBINS, LES EMIGRES.
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Lorsque Joseph Chénier vint avec la commission de l’Institut lire å l’Empereur, au Conseil d’Etat, son rapport sur les prix décennaux, en rappelant les noms des hommes remarquables des divers partis tombés sous les coups du tribunal révolu-tionnaire, les Bailly, les Thouret, les Lavoisier, les Vergniaud, les Gensonné, il disait avec raison que, s’ils vivaient encore, ils seraient assis sur ces banes/autour de Napo-léon, occupés ä reconstituer avec lui la société nouvelle.
liste plus d’un noni déjå célébre sous l’ancienne monarchie å coté de ceux que la Révolution avait fait connaitre.
Le Conseild’Etat fut, mieux encoreque le Sénat,l’imagede la nation pacifiée. Napoléon y appela les hommes qui s’étaient distingués dans les diverses assemblées de la Révolution, pourvu qu’ils ne se fussent pas trop compromis par leurs excés ou qu’ils en fussent revenus. Il y appela aussi ceux qui, sansétre liostiles aux réformes de 1789, avaient été obligés cle s’expatrier ou de se cacher lorsque la modération fut poursuivie comme un crime : Mounier, Malouet, Ségur.
Les modérés et la masse du peuple furent bientot tout acquis au nouveau gouvernement, sans aucun regret du passé. Si l’on avait beaueoup parlé de liberté pendant la Révolution, jamais on n’en avait moinsjoui, car on n’avait jamais pu organiser dans la paix intérieure un gouvernement normal, et Fordre est la condition nécessaire cle la liberté des faibles.
Napoléon déploya, pour gagneries partis liostiles, une grandehabileté, et, å l’occasion, des procédés d’une grande délicatesse. Le vieux ma-réclial cle Ségur étant venu aux Tuileries, il lui fit rendte les honneurs militaires dus å sa dignité, quoique, depuis la Révolution, le titre de maréchal de France eüt été supprimé. Les émigrés étaient autorisés å demander aux tribunaux leur radiation de la liste. On les autorisait aussi å revendiquer ceux de leurs biens qui n’avaient pas encore été vendus. Aussi rentraient-ils en foule pour profiter de cette faveur. Pour les jacobins, Bonaparte les faisait réintégrer en grande partie dans les emplois dont ils avaient été chassés, et plusieurs se montrérent des serviteurs intelligents et dévoués cle la France et de Napoléon. C’était un nioyen de les exelure de la secte, qu’on affaiblissait ainsi.Le Premier Consul y trouvait encore un autre avantage : « c’est qu’en