LEGION D’HONNEUR. — ORGANISATION.
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lui, qu’il ne voit que lui. L’homme civil, au contraire, ne voit que le bien général. Le propre du militaire est de tout vouloir despotiquement. Celui de l’homme civil est de tout soumettre a la discussion, a la vérite, a la raison. Jen’hésite done pas å penser, en fait de prééminence, qu’elle appartient incontestablement au civil. Si l’on distin-guait les honneurs en militaires et en civils, on établirait deux ordres, tandis qu’il n’y a qu’une nation. Si l’on ne décernait des honneurs qu’aux militaires, cette préférence serait encore pire, car des lors la nation ne serait plus rien. »
Néanmoins, le projet ne fut aelopté au Tribunat que par 56 voix contre 38, au Corps législatif, par 170 voix contre 110 (19 mai), et cependant, il avait été tenu
grand compte dans sa rédac-tion des préjugés que l’insti-tution de la Legion d’lionneur pquvait inquiéter.
En deliors des militaires, les ré-compenses devaient s’adresser aux citoyens qui, par leur savoir, leurs talents et leurs vertns, avaient con-tribué å établir ou å défendre les principes de la Révolution. Le légion-naire devait jurer, non seulement de se dévouer au service de la Répu-blique, mais de combattre par tous
Fig. 126. — Le comte Bigot de Préameneu.
les moyens que la justice^la raison eb les lois autorisent, toute entreprise tendant å rétablir le regime féodal, ä reproduire les titres et qualités qui en étaient l’attribut, enfin, de concourir de tout son pouvoir au maintien de l’égalité et de la liberté. La premiere distribution des croix eut lieu le 14 juillet. Le naturaliste Lacépéde, qui, par un choix assez iuattendu, fut 1c premier grand chancelier de la Legion d’honneur, eut soin de faire remarquer que cette date avait été choisie å dessein pour montrer que la Legion d’lionneur était la consécration de la victoire du 14 juillet et de la Révolution de 1789. L'organisation de la Légion d’lionneur était bien plus compléte qu aujourd hui. Par exemple, elle était divisée en quinze cohortes ayant chacune son chef particulier, et a chacune desquelles étaient affeetées des portions de biens natio-naux portant 200.000 livres de rente. Le plus haut grade alors était celui do grand officier. La dignité de grand aigle ou grand cordon ne fut établie qu’en 1805.
Napoléon, en établissant la Légion d’lionneur, en dépit de l’oppo-sition qu’il rencontrait autour de lui, était d’accord avec la nation. La
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