LETTRES DE P.-L. COURIER ET DE GOUVION SAINT-CYR. 401
sa Symphonie héro'ique, qu’il avait composée en pensant au général Bonaparte, et qu’il comptait lui dédier, lorsqu’un de ses amis vient lui annoncer qu’il s’est fait nominer empereur. « C’est done un ambitieux comme les autres! » dit le grand artiste avec colére et tristesse. Il conserva son titre å la Symphonie héro'ique, mais il y introduisit la Marche funebre sur la mort d’un heros, qui fortne son adagio actuel. Quant å la sublime marche triomphale qu’elle contenait, elle servit plus tard de final a la Symphonie en ut di'eze. mineur.
Ce qui était mi signe plus grave, c’étaient les appréhensions des
hommes politiques, méme de ceux qui avaient contribué au 18 brumaire, et ne le regret-taient pas. A leur tete, il faut citer Lucien Bonaparte, qui avait pris une part si importante å cette journée. Il nous a conservé dans ses Mémoires une belle lettre ou le général Gouvion Saint-Cyr exprimait des regrets et des craintes qui étaient aussi les siennes. Nous y retrouverons exprimées, non par l’ironie d’un
sceptique, mais par la douleur d’un patriote, les mémes idées que contient la lettre trop artistement tournée de P.-L. Courier.
« Qu’avez-vous fait, Lucien, ou plutöt qu’avons-nous laissé faire? Tout ce qui pense avec moi et comme moi se demande comment votre grand freie usera de cette puissance absolue dont vient imprudemment de l’investir un peuple enivré de l’é-clat de ses triomphes militaires.
« Ah! pourquoi lui-méme ne renouvela-t-il pas l’exemple de Washington, que nous l’entendimes si souvent proclamer plus grand å ses yeux par ses refus de s’élever au-dessus de ses concitoyens, qu’il ne l’eut été en montant sur le trone ?
« Comment est-il possible que le général Bonaparte, Premier Consul d’une puissante République, aimé et révéré au dedans, redoutable å nos ennemis du dehors, ait eu la fausse et déplorable modestie de se croire moins que les souverains qu’il a vaincus et qu’il lui faudra encore vaincre pour le maintien de son élévation personnelle, aux dé-pens de cette France qui a le désir et le besoin de la paix ? II vaiucra sans doute, nous vaincrons avec lui. Mais ou nous ménera cette gloire militaire ? Il est bien aisé de le
NAPOLÉOX 1". 51