POLITIQUE RUSSE. — ERFURT. — FÉTES. — NÉGOCIATIONS. 523
l’Europe centrale pendant qu’il combattrait au delå des Pyrénées, il voulut renouveler d’une maniére solennelle l’alliance de Tilsit. Cette manifestation n’était pas inutile.
En Russie, le Czar était, avec le chancelier RouniantzofF et le président du conseil Spéranski, å pen pres le seul partisan de l’alliance frangaise, et encore était-il bien meins sincére sur ce point que ses deux ministres. L’aristocratie russe, y compris la famille imperiale, était animée pour la Révolution de la méme haine que l’aristo-eratie anglaise. La vie méme du Czar était menacée : « Est-ce que vons n’avez plus chez vons de Pahlen, de Zubow, de Benningsen. ? » demandait une lettre venue cl’Al-lemagne et saisie par la police. Les derniers actes de Napoléon donnaient ä l’aristocratie russe plus d’un prétexte pour attaquer la politique de Tilsit. Napoléon ve-nait de dépouiller le Pape, les Bourbons et la maison de Bragance de leurs Etats, d’annexer å, l’Empire frangais Flessingue, Wesel, Parme, Plaisance et la Toscane: le Mecklembourg et Lubeck étaient entrés dans la Confédération du Rhin, et l’in-fluence fran§aise avait pénétré jusqu’å la Baltique. On oubliait que c’était å l’alliance frangaise qu’Alexandre devait la conquéte de la Finlande qui allait étre cédée défi-nitivement å la Russie l’année suivante par le traité de Frederiksham (1809) (1).
Alexandre aurait plus voulu encore; il aurait voulu profiter des troubles qui avaient suivi la révolution par laquelle Sélim III avait été renversé pour s’emparer de Constan-tinople. « C’est la clef de ma maison », disait-il å Caulaincourt, et, pour obtenir carte Manche dece c6té, il se montrait des plus empressés ä soutenir partout la politique de Napoléon, blåmait les armements de l’Autriche, consentait å la déchéance des Bourbons, ä la réunion de Rome. « Si nous nous entendons, l’Empereur et moi, disait-il, il faudra bien que tout le monde s’entende »; mais Napoléon, quelle que fut sa condescendance pour Alexandre, ne pouvait consentir å ce que les Russes s’établissent dans une ville dont on a dit que « si le monde devait avoir une capitale, c’est lå qu’elle serait placée ». Cependant les relations des deux souverains restaient toujours fort cordiales. Le 20 aoüt 1808, on avait exposé aux Tuileries de magnifiques presents que l’empereur Alexandre avaitenvoyésal’empereui’Napoléonpar le comte de Tolstoi', son ambassadeur.
Aussi, lorsque Napoléon offrit au Czar une entrevue dans laquelle, disait-il, « les affaires du monde se régleraient de maniére qu’il put etre quatre ans tranquille, sans méme une explication, » le Czar accepta avec empressement, et pendant huitjours les deux empereurs, entourés de princes et de rois, purent s’entretenir å Erfurt des intéréts de leurs empires et régler le sort de l’Europe. Ni le roi de Prusse ni l’em-
(1) C’est dans cette guerre que Bernadotte entra en relation avec les Suédois, en commandant contre eux un corps de troupes envoyé par Napoléon au secours du Danemark. En effet, Gustave IV véritable fou, avait jugé å propos d’ajouter å ses ennemis le Danemark en attaquant la Norvége.