ESSLING. — MORT DE LANNES.
543
50piéces qui faisaient feu sur nous depuis onze heures du matin. Voila une ligne de tirailleurs qui protégeait le feu de file commencé surl’artillerie autrichienne. Le brave maréchal, les mains derriére le dos, n’arrétant pas d’un bout ä l’autre, fit taire pour
un moment leur furie contre nous. Cela donne aux grenadiers un peu de répit, mais
le temps est bien long quand 011 attend la mort sans pouvoir se défendre. Les heures sont des siécles. Un quart de nos vieux soldats périrent sans avoir brulé une amorce. Le brave maréchal resta derriére ses tirailleurs plus de quatre heures. Le champ de bataille ne fut ni perdu ni gagné. »
Cetteintrépidité allait bientot triompher de l’opiniåtre résistance des Autrichiens, et ' déjå le maréchal Lannes avait percé,
entre Aspern et Essling, le centre enrie-mi, lorsque Napoléon lui fit dire que le pont était de nouveau rompu et com-plétement ruiné et qu’il était impos-sible de le rétablir et d’euvoyer des secours. Il fallut battre en retraite; l’en-nemi, presque défait, s’en aperjoit avec étonnement et se ranime; les deux villages sont encore le théåtre d’un san-glant combat; on se prend corps å corps. Les Frangais ne se servent plus que de la baionnette, car leurs munitions sont épuisées et il est impossible de les re-nouveler. Enfin, aprés avoir perdu et repris six fois les villages, ils en restent les maitres. Les Autrichiens épuisés ne répondent plus que par une canonnade
Fig. 212. — L’archiduc Charles-Louis d’Autriche. D’aprés un dessin de M11® de Noireterre.
insignifiante.
« Mais, en ce moment, un affreux malheur vient frapper l’armée. Tandis que Lannes galope d’un corps å l’autre pour soutenir le courage de ses soldats, un officier, ef-frayé de le voir en butte ä tant de périls, le supplie de mettre pied å, terre pour de-meurer moins exposé aux coups. Il suit ce conseil, quoique bien peu habitué å. ménager sa vie, et, comme si le destin était un maitre auquel on ne saurait échapper, il est å, l’instant méme atteint d’un. boulet qui lui fracasse les deux jambes. Le maréchal Bessiéres et le chef d’escadron César de Laville le recueillent noyé dans son sang et presque évanoui. Bessiéres, qu’il avait fort maltraité la veille, serre sa main dé-faillante, mais en détournant la tete, de peur de l’offenser par sa présence. On l’étend sur le manteau d’un cuirassier et on le transporte pendant une demi-lieue jusqu’au petit pont, oü se trouvait une ambulance. Cette nouvelle, connue bientöt dans toute l’armée, y répand une profonde tristesse. » (Thiers.) « C’était le brave des braves, dit Napoléon; son esprit avait gran di au niveau de son courage; il était devenu un géant! »
Cependant nn grand conseil de guerre fut tenu dans l’ile de Lobau, le soir du 22. Les généraux furent d’avis qu’il fallait aussitöt évacuer l’ile de Lobau et repasser sur