PROJETS SUK L’ORIENT.
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« dit le représentant. — Avec plaisir », répondit le jeune honime, et il s’assit devant une table. »
A partir de ce jour, Bonaparte fut attaché au service topographique du département de la guerre. C’est de lå que, pendant 1 été de 1/95, il rédigea pour l’armée d’Italie d’admirables plans de Campagne, contre lesquels se récriaient l’ignorance présomptueuse de Scherer et la médiocrité raisonnable et timide de Kellermann : « Ce ne pouvait étre que l’ouvrage d’un fou qu’il fallait au plus vite reconduire aux Petites-Maisons (1). »
Ces occupations ne suffisaient point å son ambition et å ses facultés. Ne pouvant obtenir d’emploi plus actif en France, il demande å étre envoyé å Constantinople avec une mission militaire.
« Dans un temps, disait la note qu’il adressait au gouvernement, dans un temps oü. l’impératrice des Russies vient de resserrer les liens qui l’unissaient å l’empereur d’Alle-magne (on était au moment du troisiéme partage de la Pologne), il est de l’intérét de la France de faire tout ce qui dépend d’elle pour accroitre les moyens militaires de la 1 ur-quie. Cette nation a des milices nombreuses et braves, mais elle est fort arriérée dans les parties scientifiqu.es de l’art de la guerre. La formation du service de 1 artillerie, qui i nflue si puissamment dans notre tactique moderne sur le gain des batailles, et presque exclusivement dans la prise et la défense des places, est surtout la partie oü la France excelle et oü les Tures sont le plus arriérés. Le sultan a plusieurs fois demande des officiers d’artillerie, et effeetivement nous en avons acheminé'plusieurs; mais ils ne sont ni assez nombreux ni assez instruits pour former un résultat qui puisse étre considéré comme de quelque conséquence. Le général Bonaparte, qui depuis sa jeunesse est dans l’artillerie, qu’il a commandée au siege de Toulon et pendant deux campagnes ä l’armée d’Italie, s’offre pour passer en Turquie avec une mission du gouvernement: il ménera avec lui six ou sept officiers de différents genres et qui puissent ensemble parfaitement posséder les differentes parties de l’art militaire. Il sera utile a sa patrie dans cette nouvelle carriére, s’il peut rendte plus redoutable la force des Tures, perfeetionner la défense de leurs principales forteresses et en construire d’autres : il aura rendu un vrai service å son pays. »
La demande de Bonaparte fut chaudement appuyée par Pontécoulant et le conventionnel Jean Debry, mais celui-ci ajouta qu il valait mieux, en avangant Bonaparte dans son arme, se refuser å éloigner un
(1) Souvenirs du comte de Pontécoulant, 1.1, p. 335.