MUSIQUE. — OPERA. — LESUEUR. — CHÉRUBINI. 667
plus d’influence qu’un bon ouvrage de morale, qui convainc la raison. sans influer sur nos habitudes. » Vingt ans aprés, ä Sainte-Héléne, il exprimait la méme opinion presque dans les mémes termes. Sur l’invitation de Bonaparte, MIle Montansier forma å Paris une troupe de Chanteurs Italiens. Ce nouveau théåtre rejut une subvention de 60.000 francs; il dura jusqu’en 1815. Mais ce fut surtout au théåtre de la cour, que la musique italienne eut tout son éclat; Paer en prit la direction, en 1807, et y fit representer, entre autres, Agnese (1811). C’est å l’intervention de Napoléon qu’on dut la représentation, å l’Opéra, du chef-d’æuvre de Lesueur, Ossian ou les Bardes.
Cette piéce avait été présentée depuis huit ans å l’Opéra, qui refusait de la jouer; il fallut un ordre exprés de l’Empereur pour vaincre la malveillance de l’administra-
Fig. 288. — Détail de la voüte de la salle å manger du palais des Tuileries, d'aprés les dessins de Percier et Fontaine.
tion. La premiere représentation eut lien au mois de pillet 1804. Trois actes avaient été joués, et le succes allait toujours croissant. « Allez dire å Lesueur que je veux le voir, » dit Napoleon. On courut aprés Lesueur. Harassé defatigue aprés deux jours et deux nuits passés sans repos, il était dans un costume qui ne lui permettait pas de se présenter devant l’Empereur. Il s’excuse, mais Napoléon ordonne : « Je sais ce que c’est qu’un jour de bataille; je ne regarderai pas plus å son habit que je ne fais ce jour-lå å celui de mes généraux. Qu’il vienne, je veux lui parler. » Il n’y avait Qu’å, obéir. Il entre dans la loge imperiale; en le voyant, l’Empereur se leve. « Monsieur Lesueur, je vous salue; venez assister å votre triomphe : vos deux premiers actes sont beaux, mais le troisiéme est incomparable. » Lesueur était trop ému pour répondre, mais le public éclatait en applaudissements, et de tous cotés se font entendre les cris de « Vive l’Empereur! vi ve Lesueur! » Cependant Lesueur, confus, voulaitse retirer : « Non, dit l’Empereur, je ne veux pas que vous vous en alliez; il faut que vous jouissiez de votre triomphe, » et, le ramenant sur le devant de la loge, il le fit asseoir å c0té de l’lmpératrice, ä sa propre place, oü il le retint pendant pres d’un quart d’heure, devant le public qui battait des mains. Le lendemain, Duroc se rendaib chez Lesueur, et lui remettait de la part de l’Empereur la décoration de la Légion