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NAPOLEON Ier.
nonga généreusement å ses droits et autorisa l’application de sa dé-couverte. Il fut ruiné, et, aprés de vains effbrts pour sortir de la misére, se tua de désespoir en 1806, voyant autour de lui de nombreuses forternes dues å son désintéressement. La fin tragique de ce grand inventeur, de cette noble victime du patriotisme, ne semble pas avoir beaueoup occupé le public.
Le plus grand nom de l’industrie frangaise était alors celui de Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815), qui avait introduit en France la fabrication des toiles peintes et y avait établi la premiére filature de coton. Dés la fin du régne de Louis XV, il avait commencé ses premiers essais, seul, sans ouvriers, dans une chaumiére de Jouy-en-Josas, avec un Capital de GOO francs. Il faisait lui-méme le dessin, la gravure, la teinturerie et l’impression de ses toiles. Apres de longues années d’efforts et de misére, son entreprise commenca å prospérer. Bientot ses toiles furent de mode å la cour, et on les rechercha méme en Angleterre. Il envoya des agents jusque dans Finde pour tåeher de surpreiidre sur place dans les ateliers iiidigénes le secret de leurs couleurs. Napoléon avait raison de clire un jour å Oberkampf : « Vons et moi nous faisons une bonne guerre aux Anglais, vous par votre Industrie, et moi par mes armes; — c’est encore vous qui faites la meilleure. »
Louis XVI avait accordé å Oberkampf des lettres de noblesse et était venu voir la fabrique de Jouy. Napoléon la visita deux fois, comme il avait déja visité les fa-briques de Ternaux a Keims, des freies Sévenne å Rouen. La premiere fois, il y vint, le 20 juin 1806, accompagné de Joséphine, et décora Oberkampf dela Légion d’hon-neur. Dans sa seconde visite (1810), l’Empereur témoigna le désir de voir ä Saint-Cloud celui qu’on appelait le patriarche et le seigneur de Jouy. Napoléon lui fit des questions de toutes sortes, sur son Industrie, sur la politique commerciale de la France en général, sur sa famille : « Avez-vous un fils? s’occupe-t-il de vos affaires ou mangera-t-il son bien comme cela arrive d’ordinaire ? ... J’ai donné trois millions pour planter en cotons la plaine de Eome : cela vaut mieux qu’un Pape. » On était alors dans la periode la plus violente des demélés de Napoléon et de Pie VII. — Cette méme année, Oberkampf obtenait le grand prix décennal pour l’industrie. Il avait refusé cl’étre sénateur. Les plus illustres savants s’honoraient de sa bienveil-lance. Gay-Lussao vint faire un cours de chimie å la fabrique de Jouy, Chaptal s’y rendit plus d’une fois pour ses expériences.