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NAPOLEON I«
la droite de la Kolocza, tant sur le premier monticule couronné par une grande redoute que sur le second ou s’élevaient trois fléches ou reelan en avant du village de Semenafskoi. En méme temps, å travers les bois d’Outitza et sur la vieille route de Moscou, on acheminerait le corps de Poniatowski pour inquiéter les Russes de ce coté. On pour-rait méme, si l’attaque réussissait de ce coté, y envoyer des forces plus importantes. « Eugéne sera le pivot, s’écria Napoléon. C’est ]a droite qui engagera la bataille. Dés qu’å la faveur des bois, elle aura envahi la grande redoute qui lui est opposée, elle fera un å gauche et marchera sur le flane des Russes, ramassant et refoulant toute leur armée sur la droite et dans la Kolocza (1). »
La journée du 6 fut calme; on se préparait ä la bataille. Dans le camp des Russes, régnait le plus profond silence; au milieu des popes et des archimandrites, Kutusof montrait ä ses soldats l’icöne de la Vierge de Smolensk, qui avait, disait-on, échappé miraculeusement aux Frangais, et les exhortait å défendre leur religion et leur patrie. Dans le camp franjais, Napoléon montrait å ses officiers et aux soldats de la vieille garde le portrait du roi de Home, par Gérard, qu’il venait de recevoir. Les Russes passérent la nuit å se confesser, å communier; le matin, ils mirent des chemises Manches, comme pour une noce, et, ä genoux, furent bénis et aspergés d’eau sainte par les popes.
Napoleon, épuisé, fut saisi, le C au soir, d’une fiévre violente; la soif le dévorait, il ne trouvait aucun repos; un accés de dysurie vint s’ajouter ;i ses souffrances. Mais, å cinq heures du matin, il se ranime en apprenant que les Russes sont préts å com-battre et que Ney demande ä attaquer. « Xous les tenons enfin, s’écrie-t-il, marchons, allons nous ouvi'ir les portes de Moscou! » Il se leva et se rendit sur le terrain. Eugene prit position devant Borodino, sur la Kolocza; au centre étaient Davout et Ney, ayant en seconde ligne Murat et Junot et en réserve la garde ; Poniatowski, å droite. Davout et Nev commencérent l’attaque sur les redoutes de Séménofsko'i, « ils se jetérent impétueusement dans les intervalles des ou.vrages et les tournérent ä la gorge; les soldats des deux corps entrérent péle-méle dans les redoutes sans méme laisser aux Russes le temps de retirer leurs piéces ».
Bagration accourut avec des renforts; ses attaques désespérées n’eurent aucun succes; il fut blessé å mort. Pendant ce temps, Kutusof entassait ses troupes du coté d’Eugéne, qui, aprés avoir enlevé Borodino, s’était emparé de la grande redoute : il parvint å l’en chasser, et alors il porta ses réserves au secours de sa gauche.
(1) Davout avait proposé un autre plan qui sembiait devoir amener encore des résultats plus décisifs, et Davout est un assez grand bomme de guerre pour que, sur un point déterminé, on puisse hésiter entre lui et Napoléon. L’Empereur erut devoir le repousser pour des raisons qu’on peut voir dans Thiers, tome XIV, p. 310.