ARRIVÉE DU GENERAL EN CHEF.
63
Le 25 mårs, Bonaparte arrivait å Nice, qui était toujours le quartier général de l’armée d’Italie; mais ce ne fut qu’au commencement d’avril, å Albenga, qu’il se trouva réellement au milieu de son armée. Il n’ignorait pas les sentiments de malveillance dont il était entouré; aussi, lorsque Masséna, Augereau et leurs collégues allérent le trou-ver officiellement au quartier général, il tint å leur faire sentir aussitot leur dépendance. 11 les fit attendre, puis, paraissant devant eux, se ceignit de son épée, se couvrit et se mit å leur parler cl’un ton impé-rieux et sec, mais avec tant d’autorité, de lucidité et de compétence, que tous furent d’accord qu’ils avaient trouvé leur maitre. Augereau surtout, dontl’orgueil n’était pas appuyé sur une haute dignité person-nelle, ne revenait pas de l’impression qu’il avait éprouvée dés cette premiére entrevue : « Ce petit gringalet de général, avouait-il å Masséna, m’a fait peur, et je ne puis comprendre l’ascendant qu’il a pris sur moi du premier coup d’ceil. »
En meine temps, Bonaparte adressait å l’armée la premiére et non la inoins célébre de ses proclamations :
« Soldats,
« Vous étes mal nourris et presque nus; le gouvernement vous doit beaucoup, mais ne peut rien pour vous. Votre patience, le courage que vous montrez au milieu des rochers sont admirables, mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je vais vous conduire dans les plaines les plus fertiles du monde; vous y trouverez des grandes villes et de riches provinces, vous y trouverez honneur, gloire et butin; soldats d’Italie, manquerez-vous de courage ? »
11 faut reconnaitre que c’est la le ton d’un chef de condottieri, plu-töt que celui du général d’un grand peuple; mais il connaissait bien les soldats auxquels il s’adressait, et, comme l’événement l’a prouvé, il se proposait, lorsque la victoire aurait ramené l’abondance, de rendre a son armée ce qui lui manquait pour la dignité et la discipline. Il était d’ailleurs bien difficile d’entretenir autrement l’armée. Bonaparte n’avait regu du Directoire pour entrer en Campagne que deux mille louis en numéraire et pour un million de traites, dont la plus grande partie était protestée d.’avance. Sur le peu d’or disponible il donna