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NAPOLEON Ier.
la mer! » Napoleon ne put retenir une exclamation de bonheur : « La voila done enfin, cette ville fameuse! » dit-il, puis : « Il était temps! »
Miloradowitch envoya dire qu’il mettrait le fen ä la ville, si on ne lui donnait pas le temps de l’évacuer; on accorda tont, et les deux armées se mélérent. Murat s’était, en effet, avancé å travers les faubourgs; les Cosaqu.es l’entouraient, le reconnaissaient et lui témoignaient leur admiration. Murat prit les montres de ses officiers et les donna aux Cosaques; l'un d’eux l’appela son hetman; Murat ernt les avoir gagnés. Napoléon ne pouvait croire ä l’évacuation de Moscou; il envoya Daru chercher les boiards; mais, le soir, il n’eut plus de doute et secontenta de dire : « Ah ! les Russes ne savent pas encore l’effet queproduira sur eux la prise de leur capitale. » L’armée en-vahit Moscou au chant de la Marseillaise et, dans son insouciance, laissa échapper plusieurs milliers d’ennemis qui rejoignaient Kutusof. L’Empereur, entré avec la nuit dans Moscou, en confia le gouvernement ä Mortier, et envoya au Czar des propositions de paix par l’entremise d’un officier russe qu’on trouva dans un höpital.
Des Frangais et un Russe avaient dénoncé les préparatifs de 1 in-cendie; soudain, å deux teures du matin, le feu-éclata dans le quartier marchancL Le jour venu, Mortier s’en rend.it maitre, et Napoléon entra dans le Kremlin. Mais, au milieu de la nuit du 15 au 16, une fusée donna le signal; on mit le feu å la Bourse. Bientot une clarté extra-ordinaire remplit la ville, l’ouest et le nord de Moscou sont en flammes, les palais illuminés de reflets sinistres s’écroulent.
Déja, poussées par le vent, les flamméehes volent jusque sur les toits du Kremlin; trois f ois les flammes qui convergent vers la citadelle sont chassées par le vent d’ouest, trois fois le vent du nord les raméne. Napoléon est en danger; le Kremlin renferme un magasin de poudre, et un pare d’artillerie est établi sous ses fenétres. La garde a repris les armes. Napoléon se réveille å la lueur du jour et des flammes; déjå les vitres de ses fenétres sont brülantes; on l’entend s’écrier : « Quel effroyable spectacle ! Tant de palais! Quelle résolution extraordinaire! Quels hommes! Ce sont des Scythes. » « En vain des balayeurs, placés sur les toits, repoussent les flocons de feu qui y pleu-vent; l’incendie redouble. Murat, le prince Eugene, Berthier supplient ä genoux l’Em-pereur de sortir, il refuse. Tout å coup retentit un cri terrible : « Le feu est au Kremte lin! » L’Empereur se retire enfin avec sa garde par une petite poterne qui donne sur la Moskova : il est force de passer dans une rue étroite et tortueuse, au traveis du. pétillement des brasiers, au bruit du craquement des voütes, de la cliute des poutres brülantes et des toits de fer ardents qui croulent autour de lui, sur une terre de feu, sous un ciel de feu, entre deux murailles de feu. » (Ségur.) Au milieu de ces flammes, il est obligé de dépasser un convoi de poudre; enfin, il arrive au