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NAPOLÉON Ier.
Sur votre sceptre d’or, qu’aucun vainqueur ne foule On verra resplendir votre aigle au bec vermeil, Et sur votre manteau vos abeilles en foule Foisonner au soleil.
Paris sur ses cent tours allumera des phares, Paris fera parler toutes ses grandes voix : Les cloches, les tambours, les clairons, les fanfares Chanteront å laf ois...
Une acclamation douce, tendre, hautaine,
Cliant des cæurs, cri d’amour ou l’extase se joint, Remplira la cité; mais, ö mon capitaine !
Vous ne l’entendrez point!
De sombres grenadiers, vétérans qu’on admire, Muets, de vos chevaux viendront baiser les pas ;
Ce spectacle sera touchant et beau; mais, Sire, Vous ne le verrez pas!
Car, 6 géant couché dans une ombre profonde, Pendant qu’autour de vous, comme autour d’un ami, S’éveilleront Paris et la France et le monde, Vous serez endormi...
Sibienque vous voyantglacé, dans son délire, Et tel qu’un dieu muet qui se laisse adorer, Ce peuple, ivre d’amour, venu pour vous sourire Ne pourra que pieurer.
Ce fut, en effet, un spectacle d’une grandeur et d’une émotion sin-guliére, lorsque le prince de Joinville, devant le dorne des Invalides, dit en s’inclinant devant le roi son pére : « Sire, je vous présente le corps de Napoléon », quand le roi, aprés avoir répondu : « Je le regois au nom de la France )), prit l’épée du vainqueur d’Austerlitz et la remit au général Bertrand pour qu’il la plagat sur le cercueil. On comprend que le vieux maréchal Moncey se soit écrié : « Maintenant, je puis mourir! ))
ün froid des plus rigoureux n’avait pas empéché une foule énorme de se presser sur le passage du cortége. M'"e de Girardin (1) exprimait bien, dans l’éloquent passage qu’on va lire, l’enthousiasme du moment allant jusqu’å l’apothéose :
(1) Lettre parisienne du 20 décembre 1840, dans le journal la Presse. Les Courriers de Paris étaient publiés sousle pseudonyme de «Vicomte de Launay ».