Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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enfants babillards; assis au milieu des siens, l’aventureux voya-
geur aimait à se souvenir des fatigues et des dangers. De là, les
imitations chinoises, les faïences de Delft, les coupes en coquil-
lages, les faisceaux d’armes Hindoues, les idoles de Brahma, les
perses aux vives couleurs.
La funeste domination de l’Espagne arrêta quelque peu cet élan;
parmi les produits modernes, nous trouvons moins de saveur
étrangère, niais los Pays-Bas, malgré Louis XIV et Philippe II,
n’ont point dégénéré, tant s’en faut. «Les conquérants étrangers,
comme dit le grand poëte Schiller, ne durent qu’un moment, ils
viennent et s’en vont; la redoutable trace de leurs cours va se
perdre dans le sable et on ne la reconnaît qu’à la destruction; la
race conquise obéit, mais reste. » Les vaincus ont prospéré, à
l’encontre du vainqueur, et, tout en perfectionnant leur industrie,
comme le témoignent, du reste, leurs envois de la grande galerie
des machines, ils n'ont pas oublié l’art qui jeta jadis sur leur pays
tant de gloire et d’éclat.
En Belgique, les pages sérieuses de Loys, les scènes intimes
de Willems, les anecdotes plus modernes de Stevens ; en Hol-
lande, les ingénieuses résurrections d’AlmaTadema, lespoétiques
tristesses d’Israels, les curieux effets de Van Schendel, prouvent
assez que l’école flamande a de nos jours de dignes représen-
tants, et que l’art ne peut mourir dans la patrie des Rembrandt,
des Hobbema, des Ruysdael, des Teniers; des Van Ostade, des
Van Dyck et des Rubens.
En revanche , l’influence française, dans ce qui est art indus-
triel proprement dit, s’est montrée tyrannique et a, pour ainsi
dire, tout envahi. A part les si gracieuses boîtes à vernis glacé
de Spa, quelques meubles en imitation de Boule, d’une forme et
d’une facture très-originales , un autel gothique du xv0 siècle,
orné de peintures délicates, les couronnes de lumières de M. Wil-
motte de Liège, et le cabinet d’ébène décoré de tapisseries de
M. Ingelmunster, tout dans ce pays est français ou contrefaçon
de français. Ils ont pourtant bien à étudier et à imiter, sans
sortir de chez eux. Si les études archéologiques progressent au
delà de la frontière comme elles semblent devoir le faire chez
nous, je crois qu’à une prochaine exposition, les Pays-Bas et la
Belgique auront à envoyer des choses dignes de leurs grands ar-
tisans des anciens jours. C’est en Hollande que nous sommes
forcés d’aller souvent chercher des modèles; qui les oblige à venir
en redemander chez nous? Et pour ne parler que de la faïence, il
serait vraiment triste que ceux qui donnèrent le ton presque à
l’Europe entière, en fait d’ornementation, n’eussent à reproduire,
sur un plat à légumes, que la Descente de croix de Rubens ; no-
blesse oblige : quand on a eu tant de goût, pareille pauvreté d’ima-
gination n’est plus permise.
Si nous nous permettons ce léger blâme, c’est parce que nous
savons qu’à ceux dont on espère beaucoup, on ne doit pas ne pro-
diguer que des éloges.
Je ne sais si les commerçants français ont eu pleinement à se
louer de l’amabilité et de la délicatesse de la Commission impé-
riale, mais ce que je puis affirmer, c’est que les Hollandais, les
Belges et les Suisses seraient mal venus de se plaindre à leurs
délégués de ne pas avoir tout fait pour mettre en lumière les pro-
duits divers de leur industrie. En fait d’art surtout, peut-on rêver
des salons plus charmants que ceux des Pays-Bas, de la Belgique
et surtout de la Suisse? La commission de la Confédération Hel-
vétique a véritablement bien mérité de ses commettants. Ce n’est
pas un simple hangar utile, comme celui de l’Allemagne, qu’elle
a dressé dans le Parc : c’est un édifice original, plein de goût, de
couleur et d’harmonie, où tout est fait pour réjouir l’œil, le re-
poser et l'initier dès l’abord au calme plaisir de la contempla-
tion d’œuvres artistiques.
Nous recommandons à nos architectes l’étude de ce petit Palais
des Beaux-Arts. De nos jours, on s’occupe si peu de l’appropria-
tion de l’extérieur à la destination interne ; on fait tant d’églises
qui ressemblent à des théâtres, et tant de théâtres qui ressem-
blent à n'importe quoi, qu’il est parfois bon de trouver un Palais
d’exposition en miniature qui soit véritablement une exposition,
et rien qu'une exposition.
Quant aux paysages et aux statues qu’il renferme, si nous avions
à en faire une critique, nous pourrions nous étendre sur l’in-
fluence de Calame dans l’école suisse, sur la monotonie de ces
éternelles montagnes et de ces plus éternels sapins, mais nous
serions forcé quand même de rendre j ustice aux tentatives neuves
des Berthoud, des Bodmer, des Castan et des autres, qui savent
être originaux dans des sentiers rebattus et trop fréquentés par les
touristes de tous les pays. Pour la sculpture, nous ne dirons
qu’un mot de l’Ophélia de M. Caroni : elle a un succès analogue
au Napoléon italien, succès provenant de la même cause.
Dans les galeries du Palais, nous avons parlé d'aménagement.
Je crois qu’il est impossible de rien voir de plus coquet que le
salon des dentelles, surtout quand on y entre après avoir traversé
celui des étoffes , aux couleurs voyantes si choyées des monta-
gnards, ces enfants de la nature qui semblent avoir conservé, de
leurs pères les Gaulois, le goût du rouge, du blanc, du bleu, du
vert, du jaune, etc.
J’ai prononcé le nom de Gaulois. On ne peut quitter la section
suisse sans jeter un coup d’œil aux provenances lacustres. L’é-
tude de l'ornementation, chez les peuples antéhistoriques, est
encore à faire. Les collectionneurs de Genève et de Neufchâtel
viennent de la faciliter d’une façon étonnante par l’exposition de
leurs pêches merveilleuses dans les lacs des cantons suisses. Si
nous osions l’entamer ici à propos de ces colliers, de ces fibules,
de ces poignards, de ces croissants, de ces poteries enfin, nous
craindrions de dépasser les limites qui nous sont posées. Mais
qu’on nous permette une seule remarque : l’analogie frappante de
tous ces instruments avec ceux des tombelles armoricaines, des
barows anglais, des temples mexicains et péruviens, des cavernes
françaises, laisse l’esprit dans un doute plein de rêves et d’hypo-
thèses. C’est peut-être par l’étude approfondie de cette ornemen-
tation, essentiellement usuelle, qu’on arrivera à élucider des
questions qu’on ne fait que commencer à poser de nos jours. Les
petits détails mènent aux ensembles; il ne faut pas négliger les
choses d’une importance relativement minime, quand elles
servent de jalon pour percer le chemin de l’inconnu. L’Exposition
universelle du Champ-de-Mars aura fait faire à la science, sous
ce rapport, un pas immense.
C’est de la comparaison que naît en ce cas toujours la lumière
vraie.
Quand elle n’aurait eu que ce simple résultat de permettre ces
comparaisons, le service rendu serait déjà considérable, et nous
ne saurions vraiment trop la remercier.
Henri du Cleuziou.
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris. _ Typ. Rouge frères, Dunon et Fresué, rue du Four-St-Germain, 43.