Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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avec elle les grands artistes chrétiens. Les bâtisseurs de cathé-
drales font place aux architectes ignorants que Philibert Delorme
traite si dédaigneusement dans ses livres.
Déjà la fin de cette nuit horrible, nuit de terreurs, d’angoisses,
de luttes sans nom, pouvait être pronostiquée. Le soleil de la
Renaissance allait se lever.
Il se leva et combien radieux! — Son rayon éclairait à la fois
toutes les faces de l’esprit humain ; il ne fut pas un seul coin obs-
cur dans lequel il ne pénétrât, pas un ordre d’idées d’où il ne
chassât la scolastique pédante pour y faire entrer le raisonne-
ment. La Bible exige l’immobilité de la terre, et la platitude de
sa surface est soutenue par saint Augustin; Colomb et Galilée dé-
montrent sa rotondité et son mouvement. Des scrupules religieux
rendent le cadavre de l’homme plus sacré que ne l’est l’homme
vivant lui-même; les Vésale jettent à l’inquisition leur défi, dis-
sèquent dans les caves, dans les greniers, partout, et font enfin
reposer la médecine sur d’autres bases que la tradition ou 1 em-
pirisme. Les chercheurs d’or eux-momes, les souffleurs et les
alchimistes, tout en poursuivant leur Œuvre, groupent des faits,
les comparent et créent de toutes pièces une science nouvelle qui
depuis eux n’a guère avancé. Mouvement, mouvement ascendant
et merveilleux de sève dans toutes les branches de la science 1
Est-ce à dire cependant que ces gens-là créaient de toutes
pièces, et faisaient comme Jupiter sortir la Minerve armée de
leur cerveau. Non, mais sautant par-dessus les livres chrétiens,
ils osaient pénétrer dans ces grimoires antiques, proscrits par
l’Eglise. Ils osaient prendre corps à corps la vérité, cette hérésie,
et la faire sortir vivante des feuillets poudreux et condamnés.
Ce qu’ils essayaient en sciences, d’autres, par les mêmes
moyens, l’essayaiønt en littérature. Rabelais, tout en créant une
langue, ressuscitait la philosophie épicurienne, Montaigne les
sceptiques, la Boétie, dans les pages admirables de son Discours
sur la servitude volontaire, affirmait des vérités terribles avec une
audace qui n’a pas été dépassée, et tous, La Boétie, Montaigne,
Rabelais et les autres cherchaient chez les Latins et les Grecs,
nos aïeux païens, la solidité du raisonnement et l’élégance de la
forme.
Car dans sa foi aveugle le christianisme avait au début tout
brisé, les idées comme les statues; de l’ignorance il avait fait une
vertu de la pauvreté une richesse, de la laideur une bénédiction.
Persécuté, il était devenu, aussitôtaprès le triomphe, persécuteur
non moins sévère de tout ce qui n’était pas lui, et cela implaca-
blement, aveuglément, sans distinction et sans choix, brûlant le
bon avec le mauvais, Tacite avec les tables milésiennes, avec
Suétone Tite-Live.
Les Vénus, renversées de leurs socles, dormaient enterrées
sous les ruines du paganisme. Les grandes villes, Rome surtout,
étaient devenues des ossuaires de Dieux, et c’est là que les nova-
teurs artistiques, frères des novateurs scientifiques et des nova-
teurs littéraires, allèrent les chercher pour les ressusciter dans
leur œuvre vivante.
Renaissance : résurrection.
Leur œuvre à son tour, comme toutes les œuvres humaines, a eu
successivement sa splendeur suprême, son déclin, sa mort; s’épu-
rant jusqu’à la sécheresse, la langue passe de Ronsard à Mal-
herbe, de Malherbe à Racine et de Racine à Campistron. Hélas!
tandis que, par une loi parallèle et naturelle, les feuilles d’acanthe
se contournaient en chicorées, lesquelles, proh pudor! devaient
enfin faire place aux feuillages secs du néo-grec du Directoire.
Pendant un moment l’obscurité fut complète å tous les horizons
de l’art, seule la science faisait des pas énormes vers la lumière.
Mais aujourd’hui, nous trompons-nous? il nous semble qu’un nou-
veau réveil approche. Des lueurs transparaissent à travers les
brouillards, les frissons précurseurs de l’aurore semblent agiter
les âmes, et peut-être, émerveillés, assisterons-nous à une se-
conde Renaissance.
J. du Boys.
(A continuer.)
CHRONIQUE
D E
L’EXPOSITION UNIVERSELLE
L’ALLEMAGNE
La race allemande est une bien étrange race. Inutile de dire
qu’ici je parle, sans aucune préoccupation géographique, de la
nation germaine en général. La géographie, par le temps qui
court, est tellement variable que, dans les questions d’art et de
tendance, on est forcé quand même de la mettre légèrement en
oubli. Je comprends donc à dessein tous les peuples d’outre-Rhin
dans une même famille, mettant de côté les différentes couronnes,
ducales, princières, arcliiducales, royales, etc., à l’ombre des-
quelles ils grandissent à l’heure qu’il est.
Lorsque l'on cherche, au Palais du Champ-de-Mars, à se rendre
compte des préoccupations, des idées, des goûts dominants de
cette race, à peine une conviction a-t-elle pris germe en vous
qu’une autre contraire vient aussitôt la remplacer et la détruire.
Devant le caractère allemand à l'Exposition, le critique hésite à
porter un jugement; c’est à peine s’il ose hasarder une opinion.
Il s'arrête étonné, dans ce pays, comme devant une statue colos-
sale dont certaines parties, soignées avec art et prédilection, se-
raient belles d’une beauté tout à la fois grandiose et délicate,
dont d’autres, au contraire, à peine ébauchées, resteraient pleines
de sauvagerie rude et brutale.
C’est que si l’Allemagne est le pays des Meistersaenger, des ou-
vriers troubadours, maçons, tailleurs, barbiers ou cordonniers
poètes, maîtres chanteurs, disciples des Mugelin, des Folz et des
Sachs, elle est aussi la patrie des Burgraves, des Frédéric, des
Otbert, des Gerhard et des Gilissa. Semblable à un jeûne arbre
dont je ne sais quoi aurait momentanément arrêté la croissance
et qui pousse quand même, vers le ciel, près de sa tige principale
atrophiée, des rejetons pleins de vigueur et de sève débordante.
Que voyons-nous, dès l’abord, à l’exposition prussienne? Dans
le jardin, un colosse immense d’un effet gigantesque, presque
terrifiant, mais lourd, sans élégance, sans recherche aucune de
la forme; ah! certes, le sculpteur ne se préoccupait pas de si peu.
Après ! des armes plus grandes encore au-dessus de la gueule
béante desquelles semble voler, au milieu des aigles, le génie de
la mort, ce démon familier des légendes rhénanes, la grande mé-
lancolie d’Albert Durer, le cavalier livide d’Alfred Rethel, ou le
danseur aux ricanements funèbres du sombre Holbein, Après!
des statues dont la tête orgueilleuse se dresse à la hauteur de la
voûte et qui lèvent vers le ciel d’immenses épées nues ou s’ap-
puient fièrement sur elles. Après ! des brocs d’argent, des hanaps
de verre couverts d’écussons, d’armoiries, de casques à lambre-
quins où se pavanent des chimères, des sauvages, des léopards