Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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adresse, toute une composition architecturale de roses, de pina-
cles, d’arcs-boutants, se terminant par une pyreamid dont la sil-
houette ajourée rappelle les flèches de cathédrale. Quelle mer-
veille d’élégance, de proportion et d’exécution, que cette grande
châsse de saint Taurin avec ses contre-forts, ses clochetons, ses
statues, ses arcs, ses pignons décorés de crochets, ses crêtes à
jour et son petit clocher ! Quelle verve inépuisable dans la com-
position des reliquaires.
Ici, c’est le petit reliquaire de saint Pierre et de saint
Paul, édicule formé d’un cylindre en cristal de roche, soutenu
à ses extrémités par des pignons sous lesquels s’abrite un
petit coffret; sur la face antérieure se dresse une petite statuette.
Là, le reliquaire dit de Samson, pignon à rampants ornés de
crêtes, dans lequel s’inscrit une arcature en trèfles soutenue par
des colonnes, dans un médaillon du pied, Samson combattant un
lion. Enfin, plus loin, le chef de saint Ferréol, tête d évêque
grandeur nature, exécutée au repoussé. N oublions pas un grand
nombre de crosses, dont los volutes, émaillées de bleu 6t cou-
vertes d’écailles d'or, se recourbent en dragons terrassés par des
anges, ou en fleurons.
Le bronze et la ferronnnerie peuvent figurer à la suite de l’or-
févrerie; car ils se confondent presque avec elle par la finesse et
la beauté de l’exécution. Ces deux pots laveurs en bronze à deux
becs, suspendus à une anse en étrier, cesgémelhions (plats à la-
ver), laissant ressortir sur le ton foncé du bronze des quatre-
feuilles ou des écus armoriés, ne sont-ils pas des œuvres d’orfè-
vres? Les serruriers, auxquels nous devons ces délicates serrures,
ces beaux marteaux de porte, ces charmants petits coffrets; qui
fondaient le fer et le ciselaient en pinacles, en statuettes,en fleu-
rons, qui le contournaient en roses, en arcatures surbaissées, en
accolades; qui découpaient dans la tôle ces réseaux de courbes et
de contre-courbes, n’étaient-ils pas, eux aussi, de grands ar-
tistes?
A côté de cette orfèvrerie de fer, le regard s’arrête longtemps
sur deux coffrets recouverts de cuir ciselé et gravé, sur des gaines
et des étuis revêtus de grands rinceaux du goût le plus pur.
Un de ces coffrets, à couvercle demi-cylindrique, est décoré
de reliefs figurant des preux armés de toutes pièces, fièrement
campés sur leurs étriers, dans le genre des vignettes de la fin du
quinzième siècle. Leurs noms se déroulent sur leurs bannières,
ce sont : « Charles le Grand, Erchi, le duc d’Ostriche, le roi Ar-
tus. » C’est un coffret de chevalier. Le second, tout différent du
premier comme procédé.et comme sujets, est évidemment des-
tiné à une femme. Le couvercle est cylindrique, et des frises,
des animaux fantastiques et des personnages portant le costume
du temps sont gravés en traits d’or sur le cuir : sur la face une
scène de chasse, un fou surprenant des dames au bain; sur le
couvercle : des fous et des seigneurs, en compagnie de leurs cla-
mes, dansent, jouent ou font de la musique. On ne peut rendre
l’effet que produisent ces hachures d’or sur le ton fauve du cuir.
Il y a là toute une mine à exploiter pour celui qui ferait revivre
cette industrie tout à fait abandonnée.
Lorsque, quittant les vitrines, on se met à considérer les meu-
bles, l’imagination se laisse aller à reconstituer les intérieurs des
châteaux et des riches maisons bourgeoises du quinzième siècle.
On aime à se représenter la grande figure que devaient faire,
dans ces spacieux appartements, près des grandes cheminées ar-
moriées, ces magnifiques bahuts, dont les panneaux, à fenestra-
ges, épuisent toutes les combinaisons géométriques, ces chaires
massives, ces élégantes crédences, laissant miroiter sous leurs
dais sculptés les reflets métalliques des hanaps, des drageoirs et
de la vaisselle plate. Tout ce splendide mobilier de chêne, tran-
chant sur les tons éclatants des tapisseries, des vitraux et des
carreaux vernissés, dont l’Exposition possède quelques échantil-
lons, devait former un ensemble unissant le luxe le plus raffiné à
une certaine sévérité pleine de grandeur. Ce serait se répéter
que d’insister sur la beauté et la perfection des meubles; il suffit
de dire que les huchiers se montrèrent, sous tous les rapports, les
dignes émules des autres corporations.
Que dire de tout ce qui se rattache à la décoration coloriée et
à la peinture? Comment décrire ces émaux de Limoges : ces dip-
tyques, ces couvertures de manuscrits, dans lesquels nous retrou-
vons les mêmes qualités de composition, d’expression, de senti-
ment et d’intérêt dramatique, jointes à la coloration la plus vive
et la plus harmonieuse qu’on puisse imaginer? Avec quelles ex-
pressions dépeindre ces tapisseries de la cathédrale d’Angers : ces
grandes figures de prophètes assis sous des dais, cette suite de
sujets tirés de l’Apocalypse, dont les fonds rouges et bleus ont
conservé une fraîcheur et une intensité de ton incompréhensi-
bles, enfin, ces manuscrits dont les pages sont couvertes des ara-
besques les plus variées, des fleurettes les plus brillantes, des
entrelacs les plus capricieux, s’entre-croisant, s’enlaçant, se con-
trariant de mille façons autour de ces grands caractères gothi-
ques, déjà si beaux par eux-mêmes? Que l’on se figure ces ma-
gnifiques volumes, dont chaque feuillet est un tableau de prix,
reliés de plaques d'ivoire ou d’émaux champlevés, et l’on aura
une idée de la splendeur de ces livres, que leur rareté portait à
revêtir de tout le luxe dont disposaient les arts d’alors.
Les peuples de l’Orient, qui portèrent si haut la science de
l’harmonie et de l’éclat des couleurs, ne surpassèrent jamais, en
ce genre, les maîtres du moyen âge, et nous ne saurions trop les ’
étudier, si nous tenons à retrouver les secrets de cette richesse
et de cette harmonie de tons qui étendent si singulièrement les
ressources des arts décoratifs.
Ce moyen âge si injustement calomnié dont les arts attei-
gnirent, nous venons de le voir, à un si haut degré de perfection,
apporta dans l’étude des sciences et de la philosophie une ardeur
juvénile et une curiosité impatiente qui accueillirent, dès le dé-
but, les leçons d’Abailard. Paris, d’après Sauvai, comptait déjà
dans les dernières années du douzième siècle plus de dix mille
éclioers, et devint bientôt la capitale des sciences et des lettres,
où Allemands, Anglais, Espagnols, vinrent étudier les sept arts
libéraux, c’est-à-dire : la grammaire, la rhétorique, la dialec-
tique, la musique, l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie.
Aussi, lorsque, à la fin du quinzième siècle, l’invention de 1 im-
primerie, en multipliant les moyens d’étude et en répandant les
textes grecs et latins, eut débarrassé la philosophie et les lettres
des entraves de la scolastique et de la théologie, s opéra-t-il une
révolution enthousiaste en faveur de 1 antiquité, dont les arts
ressentirent l’influence bienfaisante.
Les guerres et les malheurs des règnes de Charles VI et
Charles VII avaient permis à l’Italie de nous précéder dans cette
voie, et la noblesse française, initiée à toutes les délicalesses ar-
tistiques, rapporta des expéditions de Charles VIII et de Louis XII
les éléments d’un art nouveau. Nos artistes, à leur tour, aban-
donnant les traditions mystiques des siècles précédents s’éprirent
d’enthousiasme pour cette antiquité qui ouvrait tout un monde
nouveau à leur imagination. Jusque-là ils s’étalent attachés à