Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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laisse voir quelques beaux modèles de grosses montres, dont les
boîtiers se couvrent d’arabesques et de rinceaux laissant ressortir
les chiffres émaillés des cadrans. Une d’elles est recouverte de
cuir, sur lequel de petits clous dorés forment une bordure et une
rosace du meilleur goût; c’est une montre commune, mais d’une
autre valeur artistique que nos modernes montres d’argent. La
serrurerie fournit aussi de beaux exemples, qui prouvent que les
traditions des siècles précédents étaient loin de s’ètre affaiblies.
On y retrouve le même charme de composition, la même perfec-
tion de travail; la décoration seule s’est modifiée suivant le goût
nouveau.
Mais, nous le répétons, il n’y a point là de quoi pouvoir ana-
lyser l’art du grand siècle. C’est à Versailles, à l’hôtel Lambert,
au Val-de-Grâce, à Maisons et surtout dans l’œuvre gravée des
Marot, des Lepautre, des Bérain, etc., etc., que l’on peut s’en
faire une idée complète.
Une industrie, qui prit alors une grande extension, prouve à
elle seule, cependant, toutes les qualités et tout le mérite artisti-
que de l’époque; nous voulons parler de la céramique, qui occupe
presque toute la salle réservée au dix-septième siècle. C’est une
collectionmerveilleuse'de plats, d’aiguières, de bassins, de grands
vases décoratifs, de fontaines de toutes formes et de toutes dimen-
sions, revêtus de décorations bleues ou colorées, d’une variété
inépuisable de dessin, et dont toutes les pièces s’unissent pour-
tant entre elles par un lien de parenté bien marqué. Ces faïences
sont de véritables œuvres d’art, non-seulement par leur décora-
tion, mais aussi par l’ampleur et la beauté de leurs formes.
Les tapisseries des manufactures royales d’Aubusson, des Go-
belins et de la Savonnerie sont dignement représentées. Leurs
bordures très-bien composées possèdent encore toutes les quali-
tés décoratives que nous avons signalées dans celles de la Renais-
sance ; mais, il faut en convenir, les sujets ne sont plus que des
tableaux exécutés en tapisserie, qui trahissent l’influence des pein-
tres que Colbert avait appelés à diriger ces grands établissements.
C’est là déjà un indice des conséquences malheureuses que devait
exercer plus tard le système administratif inauguré par ce grand
ministre.
Mentionnons enfin les vêtements sacerdotaux en velours brodé,
rappelant les grands manteaux de l’Ordre du Saint-Esprit et des
statues de Louis XIII et de Louis XIV, que l’on voit dans le
chœur de Notre-Dame de Paris et qui sont d’un effet si majes-
tueux.
Ce qui caractérise l’art du dix-septiême siècle, c’est évidem-
ment la magnificence et la grandeur, ce qui domine dans ses
œuvres c’est une somptuosité sévère ; il n’émeut pas, il impose,
et, en cela, il se rapproche de l’art romain, dont il est, pour
ainsi dire, un rejeton ; mais il possède une plus grande origina-
lité, et il tient des siècles qui l’ont précédé des qualités d’élé-
gance et de délicatesse, grâce auxquelles il échappe à la profusion
et à la monotonie.
Si le gouvernement absolu était devenu indispensable pour
assurer l’unité française, il ne pouvait être qu’un état transitoire;
car les plus grands hommes se laissent entraîner par leurs pas-
sions, ils sont sujets à l’erreur, et il faudrait, pour perpétuer
un pareil régime chez une nation intelligente, une race de héros
ou de demi-dieux. Le moment n’était pas encore venu où le
peuple, s’appuyant sur les forces réunies des pays, pourrait
réclamer le plein exercice de ses droits ; il se produisit donc
comme un temps d’arrêt dans la marche de notre histoire.
L’art, ne pouvant se mettre au service d’aucune grande
idée pendant la plus grande partie du dix-huitième siècle, son
rôle dût se borner à satisfaire le luxe et les caprices d’une cour
et d’une société désillusionnées des grandes actions, ennuyées de
l’étiquette rigoureuse du dernier règne et ne cherchant qu’à s’a-
bandonner aux plaisirs faciles, aux galanteries et aux excentri-
cités les plus folles pour s’étourdir et ne point se préoccuper du
lendemain, suivant en cela l’exemple du roi lui-même. Ce fut
donc le siècle de la fantaisie et du marivaudage artistique. Tout
en l’appréciant à sa juste valeur, nous ne nous rangerons point
parmi ses détracteurs qui l’ont calomnié. Nous accorderons que
le règne de Louis XV est loin d’être une époque classique, mais
en feuilletant les nombreuses compositions gravées des maîtres
du temps, il nous est impossible de ne pas admirer l’esprit, la
grâce, le bon goût et l’imagination que ces charmants artistes
apportèrent dans un style qui ne repose sur aucune base solide
et ne reconnaît d’autres principes que la fantaisie et le caprice.
Il n’y a que les peuples réellement artistes qui soient capables
d’exécuter de pareils tours de force, sans tomber dans les exagé-
rations les plus bizarres et les plus ridicules.
Malheureusement, les objets exposés sont loin de former un
ensemble satisfaisant permettant d’étudier cette période de notre
histoire artistique. On n’y rencontre aucun de ces meubles aux
surfaces contournées, si gracieux malgré l’étrangeté de leurs
formes : à peine quelques fauteuils, à pieds courbes, recouverts
de tapisseries à sujets mythologiques ou champêtres, quelques
pièces d’argenterie et d’orfèvrerie. Une collection de montres,
de tabatières et de bonbonnières émaillées prouve quelle valeur
l’art peut donner aux objets les plus futiles. Seule, la céramique
constitue presque toute l’exposition : elle présente une variété
de pièces provenant des fabriques de Rouen, de Moustiers, de
Marseille, de l’Alsace, etc., etc., et des porcelaines de Chantilly,
de Vincennes, de Sèvres qui ne le cèdent en rien aux faïences.
Nous n’avons plus que quelques mots à dire sur la réaction
qui se manifesta vers la fin du dix-huitième siècle et qui enfanta
ce que l’on appelle le style Louis XVI, réaction évidemment ins-
pirée par les philosophes de l’Encyclopédie qui préparèrent la
Révolution. Elle remit l’art dans une voie plus sévère et produisit
des œuvres d’une grande valeur; mais, entreprise et poursuivie
sous les auspices de l’Académie, elle fut quelque peu entachée de
pédantisme et dégénéra bientôt en tyrannie artistique au commen-
cement de notre siècle.
Cette époque ne comprend en grande partie, à l’Exposition,
que des bronzes, compositions gracieuses, sévèrement étudiées
et ciselées avec une rare perfection, et des faïences et des porce-
laines affectant des formes très-simples. Ces différents spécimens
offrent trop peu de variété pour donner lieu à une critique appro-
fondie de cette dernière évolution du génie français.
Nous ne pousserons donc pas plus loin notre étude, et nous
rechercherons l’enseignement qu’elle peut dégager pour nous
maintenir sur les traces glorieuses de nos devanciers.
A. DeLaRocque,
Architecte.
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris. _Typ. Rouge frères, Dunon et Fresué, rue du Four-St-Germain, 43.