Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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L-
L’ART ET LES ÉCOLES
Reproduire par le crayon l’aspect extérieur des choses, les ma-
nifestations visibles de la pensée, ou des passions humaines, con-
stitue ce qu’on appelle proprement le dessin, premier degré et
forme originelle de l’art, qui, en s’élevant et se perfectionnant, a
produit la peinture, la sculpture, l’architecture, et qui, en s’al-
liant à l’industrie, donne un caractère d’élégance aux divers ob-
jets servant à nos besoins, ou à la décoration de nos demeures.
Si l’on considère le dessin en lui-même, c’est une des plus at-
trayantes occupations, un des plus agréables délassements que
l’homme puisse se donner; si l'on en calcule les applications nom-
breuses et variées, c’est un travail des plus productifs; si l’on
pense enfin que l’outillage en est aussi simple que portatif : du
papier et des crayons, ou voit que, pour le plaisir ou pour Futilité,
la pratique matérielle n’en impose ni grands frais ni gros embar-
ras. Aussi semble-t-il que la nature ait donné à l’homme le goût
inné du dessin, à en juger, du moins, parles grossiers et informes
essais que tout enfant s’empresse de tracer sur les pages de ses
cahiers, sur les marges de son livre, et, au besoin, sur les murailles.
En France, l'enseignement du dessin a reçu une large exten-
sion, aussi bien dans les écoles libres que dans les écoles publiques,
pour les adultes non moins que pour les enfants. On le trouve,
pour la partie élémentaire (dessin linéaire), dans le programme
dê l’instruction primaire ; on le voit encore plus développé (orne-
ment et imitation) dans le programme do l’instruction secondaire.
On ne le rencontre plus, il est vrai, dans le programme de l’ins-
truction supérieure; mais il est professé, dans ses caractères les
plus élevés, à l’École des beaux-arts. Ajoutons qu’en dehors de
tous les degrés d’instruction, de nombreux cours, gratuits ou à
peu près, sont établis par des villes, par des associations, par de
simples citoyens.
D’après un tel luxe de moyens, on devrait croire que l’ensei-
gnement du dessin est très-florissant, et produit d’excellents et
nombreux élèves dans notre patrie, qui se pique, non peut-être
sans raison, d’être clouée de bon goût. Cependant, c’est le con-
traire qui est la vérité. Cette triste vérité est constatée par tous
les documents officiels.
Ce que donne le plus haut enseignement, celui de l’École des
beaux-arts, il n’est pas besoin de rapports officiels pour le dire :
le public le voit chaque année à l’exposition des concours pour
les grands prix de Rome. Les juges officiels le disent à leur ma-
nière, quand ils déclarent n’y avoir pas lieu à décerner de pre-
mier prix.
11 existe tï Paris, c’est-à-dire à côté de nos plus riclies musées,
de nos plus splendides collections, une école de dessin entretenue
par l’Etat, et destinée à former de jeunes ouvriers pour toutes in-
dustries qui demandent le secours de l’art. Voici ce qu’en disait,
il y a quelques mois, l’inspecteur général des beaux-arts, dans le
sain même de l’école dont il présidait la distribution des prix :
« L’école n’a pas grandi. Quelques professeurs me diront Que,
plus que jamais, ils sont trahis par leurs meilleurs élèves, qui,
par une noble ambition, souvent aveugle, vont augmenter encore
les légions de l’Ecole des beaux-arts, au lieu de rester fidèles,
non-seulement à leur école, mais je pourrais dire à leur avenir.
Pourquoi quitter cette école pour l’autre? L’art industriel a ses
parchemins et son livre héraldique comme son frère aîné : c’est
un cadet de famille qui s’est vengé du droit d’aînesse par toutes
les vertus du travail obstiné. En épousant l’industrie, il ne s’est
pas plus mésallié que le grand seigneur qui épouse une noble fille
tout épanouie de beauté robuste.
« Presque en tous les temps, l’art égyptien, l’art grec, l’art
chrétien ont prouvé que là où il y a eu un artiste ouvrier, il y a
eu un ouvrier artiste ; nous les confondons tous les deux, l’artiste
et l’ouvrier, dans la même reconnaissance, celui qui a peint la
fresque et celui qui a décoré l’amphore... L’art industriel a ses
éclipses. La Révolution et la guerre l’ont banni tout un demi-
siècle; aujourd’hui qu’il nous revient tout épanoui comme sous
la Renaissance, l'ouvrier, quel qu’il soit, tailleur de pierre, dé-
corateur, jardinier, serrurier, doit avoir traversé une école de
dessin. Celui-là qui n’a pas l’amour de la ligne n’est pas digne du
nom d’ouvrier, c’est un manœuvre. »
Nous ne pouvons changer le langage qui se parle dans les
sphères supérieures de l’administration des beaux-arts ; mais dans
l’étrange morceau qu’on vient de lire, à travers les hérésies dog-
matiques, les ignorances de toute sorte et les niaiseries de style,
le lecteur comprend bien que le haut fonctionnaire n’est pas con-
tent de l’école, et se plaint de la voir déserter par les élèves.
Peut-être aussi ne sera-t-on pas étonné que les disciples ne sentent
pas mieux Kart, quand les autorités en parlent de cette façon.
Dans les lycées , une commission nommée par le ministre de
l’instruction publique reconnaît que l’enseignement artistique est
« très-faible.»
La même commission s’exprime ainsi à l’égard des écoles po-
pulaires :
« Quand il s’agit d’ornementation (le barbarisme est dans le
texte officiel), les modèles et l’enseignement sont également dé-
fectueux; et tout ce qui touche à la figure, au dessin d’imitation,
est plus triste encore. Si l’on excepte les écoles de Paris, de Poi-
tiers, de Nancy, de Mulhouse, de Metz, de Grenoble, d’Orléans,
do Saint-Quentin, de Rochefort, les écoles normales de Tulle, de
Clermont, de Cluny, les écoles laïques de Beauvais, d’Epinal, de
Péronne, de la Chapelle-sur-Loire, les écoles congréganistes de
Mézières, de Sedan, de Bayeux, de Rive-cle-Gier et de Reims, les
spécimens, les travaux scolaires montrent combien une réforme
prompte serait utile. Hors de Paris, en matière de dessin, il
n’existe plus, sauf de très-rares exceptions, de supériorité de
classes d’adultes ni de cours populaires. Le niveau est presque
partout également mauvais; et c’est grand dommage, car nous
avons souvent rencontré, chez les élèves, la meilleure volonté de
bien faire, des aptitudes réelles, avec une quantité de travail
énorme. Presque partout, les modèles de figures et d’ornements
sont aussi funestes que possible, et seront une cause de perpétuité
dans le mauvais goût et l’ignorance. »
Les rapporteurs ajoutent que beaucoup de professeurs de des-
sin ne connaissent ni les principes ni la manière d’enseigner, et
que leur propre goût est faussé.
En regard de ces constatations, que nos lecteurs relisent le ta-
bleau qu’un écrivain des plus compétents, M. Ferdinand de Las-
teyrie, traçait ici-même, des efforts tentés par l’Angleterre pour
répandre chez elle l’étude des beaux-arts; qu’ils se rappellent la
fondation du musée de South-Kensington par l'art departement, et
surtout l’institution de ces musées de circulation, portant les plus
beaux et les plus purs modèles jusque dans les villages les plus
éloignés des grandes villes, qui, seules, possèdent des chefs-