ForsideBøgerOrnementation Usuelle : D…riels Et En Architecture

Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture

Forfatter: Rodolphe Pfnor

År: 1866-1867

Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie

Sted: Paris

Sider: 418

UDK: 745.04 Pfn

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Side af 427 Forrige Næste
83 plus souvent, à rien de bon. La camelote, cette pieuvre, nous a pris et nous gouverne ; peau sans chair, écorce sans bois, pelure sans fruit! La camelote est en tout et partout, et s’en vante. Elle nous nourrit, nous habille, et nous orne et nous loge. On en tire nos plaisirs et notre enseignement, notre littérature et notre politique journalières, nos arts industriels et les autres. J’ai vu, il n'y a pas longtemps, une fabrique de meubles en boulle où l’écaille est fausse, la corne fausse, la nacre fausse, et l’ivoire contrefait par le bois de houx. Le cuivre seul est vrai, parce que la science appliquée à l’industrie n’a pas encore trouvé son imi- tation ; mais elle y viendra, gardez-vous d’en clouter. De même pour le bois. Quand Boulle l’employait dans son tra- vail, c’était du bois d’ébène : on a renoncé savamment à l’ébène pour pratiquer le poirier noirci, sous prétexte que l’ébène est un bois gras, mal portant, capricieux, difficile à manier, qui se fend, se gerce, prend mal la colle et repousse le vernis ; de sorte qu’au- jourd’hui, un fabricant de meubles s’appelle ébéniste à condition de- ne voir presque jamais d’ébène. Le grand bahutier do Louis XIV ne trouvait pas tant de dégoûts au magnifique bois si maltraité par notre main-d’œuvre maligne et discoureuse. Il ne s’inquiétait guère, à la vérité, comment le vernis y tiendrait, puisqu’il ne vernissait pas ses meubles. J’en sais un qui s’en va de son art, à l’heure qu’il est, et se fiait à l’ébène tout autant que Boulle ; c’est Chaix, auteur de la pinacothèque elliptique qu’on admirait dans le vestibule de l’Exposition. Un architecte, celui-ci, un poëte et un prêtre du meuble, quittant l'état en nous laissant ce chef-d’œuvre,.parce qu’il croit l’état perdu. Pourquoi, maîtres, avoir de ces fatigues et de ces frayeurs, au lieu de prendre les choses comme elles sont et selon le temps où elles se font? Un autre soleil luira quelqu’un de ces matins ! Voici comment on fait le meuble de boulle. Le dessinateur trace un dessin, jeu quelconque d’arabesques ou autres choses fan- tastiques, sorti de sa tête ou trouvé dans un recueil. L’ébéniste, là-dessus, prend une feuille de cuivre laminé et une feuille de bois, ou de corne, ou d’écaille. L’écaille, matière la plus riche et la plus chère, est de deux espèces. Il y a l’écaille franche des Antilles, souvent mauvaise et galeuse, mais favorable au travail commun, quoique ne se souciant pas, parce qu’elle est mince, égale, et qu’un peu de vermillon carminé lui donne un rouge faux et transparent qui n’est pas désagréable. Il y a aussi l’écaille de l’Inde, dont le Japon, l’an passé, nous montrait un bassin de 20,000 francs, belle et rare, celle-là, épaisse, opaque, iné- gale, réclamant l’apprêteur et le soudeur; elle ne sert qu’aux travaux relativement précieux, et reçoit volontiers une prépa- ration en noir qui la rend magnifiquement austère. Les deux feuilles ci-dessus sont superposées et solidement Axées. L’une d’elles reçoit le trait du dessin imaginé par l’artiste, qui parfois exécute ce trait lui-même et sur place. Puis arrive le découpeur, avec sa scie capillaire, qui suit le trait au travers des deux épaisseurs. Chacune donnant la même figure, ce qui est cuivre entrera dans l’autre matière, et réciproquement; c’est três-ingénieux et très-facile. Comme, aujourd’hui, nous ne tenons pas essentiellement à la variété des dessins, folle et coûteuse fierté des anciens, qui ne se répétaient pas plus dans un meuble que dans une église, nous lions l’un sur l’autre jusqu’à six ou huit doubles, et nous les découpons tous ensemble. Une grande économie, comme bien vous pensez. Ceci obtenu,on assemble les découpures et on les plaque selon l’ordonnance, sur la bonne ou mauvaise caisse en bois honnête ou malhonnête qui sert de charpente à l’objet. On encadre les dessus et les panneaux avec du cuivre; on enrichit les coins, les mon- tants, les pieds., les poignées, les serrures avec du bronze. Ce qui s’entend par ce mot sonore de bronze, j’aurai l’honneur de vous le dire plus tard. Il y a tels ornements en métal que des mar- chands vendent trente sous la livre tout faits, avec les trous pour passer les clous. Il y en a aussi qui sont superbes, comme ceux que j’ai vus chez Frédéric Roux et chez Grohé, les deux ébénistes de Paris qui possèdent la plus belle collection de modèles. Mais prenez seulement ce grossier kilogramme de cuivraille jaune et informe qui coûte 3 francs et donnez 30 francs à un cise- leur, vous voilà quasi avec de la marchandise du premier ordre. Or pourquoi , disent la plupart, donner trente francs à un cise- leur ? Est-ce que le public s’y connaît ? Cela reluit, cela suffît. Le malheur, c’est qu’à force d’avoir été d’une part abusé, de l'autre corné et seriné, le public commence à s’y connaître. Un beau meuble de chambre à coucher en nouveau boulle, lit, commode, secrétaire, entre-deux, etc., doit coûter de 15 à 20,000 fr., mais la même quantité en camelote vous sera livrée très-aisément pour 1,800 fr. Une commode honnête, à ciselures passables même, vaut de 12 à 1,500 fr. : en placage à’écaille de gélatine — une invention qui a fait son homme fameux et mil- lionnaire — vous l’aurez pour 100 fr. J’ai vu chez ce pauvre cher Wassmus, fournisseur sacrifié de la Couronne, une armoire dont il demandait 10,000 fr.; ce n’était que son temps payé et sa marchandise, non pas son art, bien s’en fallait. Le cadre incom- parable qu’il a exposé l’année dernière lui coûtait plus de 6,000 fr., le prix d’un lit estimable que me montrait un jour Frédéric Roux. C’est du mobilier qui ne convient pas à tout le monde. Il y faut du goût ou de l’orgueil. Un célèbre tailleur a payé un lit 4,000 fr. à Cornu jeune; mais une ancienne coquo- tière, sa rivale, encore belle et assez richement retirée, me faisait voir un jour le sien, dont elle est fière ; il peut bien valoir 100 écus. II est en faux et elle le croit en vrai; je n’ai pas voulu la détromper, c’est peut-être sa dernière illusion! Je lui ai fait seu- lement observer que les appliques en métal avaient encore leurs bavures, et étaient clouées sur le bois sans qu’on se fût même donné la peine de fraiser la tête des clous, ce qui pouvait avoir de l’inconvénient pour les volants et les dentelles de ses visi- teuses. Elle a mal pris l’observation. Le faux boulle est fabriqué, en général, par les ouvriers en chambre, des choutiers, comme on dit, qui travaillent pour les commissionnaires et les marchands de curiosités. Ceux-là ne des- sinent, ne découpent ni n’assemblent leurs motifs; ils trouvent des incrustations toutes préparées chez les faiseurs spéciaux. La chose qu’on leur vend ressemble assez au procédé employé pour rentoiler un tableau. L’arabesque ou le sujet étant exécuté et placé dans une feuille de bois teint ou de fausse écaille dite écaille-Pinson, on colle proprement le tout sur du papier fort : l’ébéniste reçoit la feuille ainsi doublée et la plaque à l’envers; bien collée, sur son meuble : après quoi il enlève le papier, et voilà une œuvre faite. Il livre au marchand un entre-deux à deux portes d’un mètre de large sur cent vingt centimètres de haut, pour 200 fr., et même moins. L’objet est étalé, l’amateur idiot passe, s’arrête, croit à du vrai et à du vieux, d’autant plus vrai et plus vieux que les cuivres sont plus horribles, — car c’est là un des articles de notre ignorance en fait de meubles; — il entre, et le regrattier lui prend son argent selon sa trompette (lisez figure.)