Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
tous les rêves de l'orgueil satisfait, de la réussite certaine, du
génie dont on a douté et qui s'affirme.
Ah ! pauvre homme, tu ignores les tortures que le déipon de
l’invention te réserve encore, et ce sont les plus cruelles! Ici
commence l’histoire célèbre de ce four bâti trois fois, deux fois
démoli, — de ce four dont les parois trop chauffées et avec quel
combustible! avec les meubles, avec le plancher de la maison,
avec les poutres de la toiture, éclatent et réduisent à néant
une première chauffe.
Puis ce sont les cendres qui viennent s'incruster sur le vernis
en fusion, et l’ingénieux homme imagine ces manchons de terre
qu’on n’a pas remplacés encore.
Puis c’est le brasier qui chauffe à droite, à gauche, derrière et
point devant, irrégulièrement en un mot, au grand dommage du
pauvre chercheur qui donne tout à son œuvre même son pain,
même celui de ses enfants. Puis ce sont... mais laissons Ber-
nard lui-même nous raconter avec un souffle navrant de sincé-
rité toute cette partie de ses souffrances.
« Je poursuivis mon affaire de telle sorte que je recevais beau-
coup d’argent de ma besogne qui se trouvoit bien, mais il
me survint une autre affliction conquatenée avec les susdites,
qui est que la chaleur, la gelée, le3 vents, pluies et gouttières
me gastoient la plus grande part de mon œuvre, auparavant
qu’elle fût cuite, tellement qu’il me fallut emprunter charpente-
rie, lattes, tuiles et clous pour m’accomoder. Or bien souvent
n’ayant point de quoi bâtir, j’étois contraint de m’accomoder de
lierres et autres verdures, Or ainsi que ma puissance s’augmen-
toit, je défaisois ce que j’avois fait et 16 bâtissois un peu mieux;
qui faisçit qu’aucuns artisans, comme chaussetiers, cordonniers,
sergents et notaires, un tas de vieilles, tous ceux-ci sans avoir
égard que mon art ne se pouvoit exercer sans grand logis, di-
soient que je ne faisois que faire et défaire, et me blasmoient de
ce qui les devoit exciter à pitié, attendu que j’étois contraint
d’employer les choses nécessaires à ma nourriture, pour ériger
les comodités requises à mon art. Et qui pis est, le motif des
dites moqueries et persécutions sortoit de ceux de ma maison,
lesquels étoient si éloignés de raison qu’ils vouloient que je fisse
la besogne sans outils, chose plus que déraisonnable. D'autant
plus que la chose étoit déraisonnable, d’autant plus l'affliction
m'étoit extrême. J’ai été plusieurs années que n’ayant rien
de quoi faire couvrir mes fourneaux, j’étois toutes mes nuits
à la merci des pluies et vents, sans avoir aucun secours, aide ni
consolation, sinon des chats-huants qui chantoient d’un côté et
les chiens qui hurloient de l’autre. Parfois il se levoit des vents
et tempêtes qui souffloient de telle sorte le dessus et le dessous
de mes fourneaux que j’étois contraint quitter là tout, avec perte
de mon labeur ; et me suis trouvé plusieurs fois qu’ayant tout
quitté, n’ayant rien de sec sur moi, à cause des pluies qui étoient
tombées, je m’en allois coucher à la mi-nuit ou au point du jour,
accoutré de telle sorte comme un homme que l’on auroit traîné
par tous les bourbiers de la ville ; en m’en allant ainsi retirer,
j’allois bricollant sans chandelle et tombant d’un côté et d’autres,
comme un homme qui seroit ivre de vin, rempli de grandes tris-
tesses, d’autant qu’après avoir longuement travaillé, je voyois
mon labeur perdu. En me retirant ainsi souillé et trempé, je
trouvois en ma chambre une seconde persécution pire que la
première, qui me fait à présent m’émerveiller que je ne suis ccn-
sumé de tristesse. »
Enfin le voici arrivé au but. Il peut, il doit espérer que seo
traverses sont finies, bien qu’il soit protestant, par suite, exposé
aux persécutions ; le duc de Montpensier, celui de La Rochefou-
cauld, le connétable de Montmorency le protègent. Ce dernier
même l’arrache à la juridiction du parlement de Bordeaux qui a
mis la main sur lui pour ses opinions religieuses en le faisant
nommer inventeur des rustiques figulines du, roi.
Il y a plus, ilest installé en plein Louvre, couvert de la protec-
tion du roi Henri III et de la reine mère, il travaille aux admi-
rables travaux des jardins de la reine. Il a ouvert, à l’admiration
des savants les plus distingués de l’époque, le premier cours
public de science qu’ait connu Paris. Il a publié « l'Art de terre. »
Il est à l’apogée de sa réputation. — Mais il était écrit que ce fier
lutteur serait toujours le martyr de quelque chose de grand, de
l’art ou de la libre pensée. — Renfermé à la Bastille par le con-
seil de seize, il y devait mourir. Seulement que les tortures que
les hommes peuvent inventer étaient bien peu de chose auprès
de celles que Bernard s’était volontairement imposées à lui-
même, et ce fut sans forfanterie mais en homme sûr de soi qu’il
put répondre à Henri III, lui avouant qu’il était contraint de le
laisser brûler sans conversion.
— Sire, je suis prêt à donner ma vie pour la gloire de Dieu.
Vous m’avez dit plusieurs fois que vous aviez pitié de moi, et moi
j’ai pitié de vous qui avez prononcé ces mots : Je suis contraint. »
Ce n’est pas parler en roi, Sire, et c’est ce que vous-mcme, ceux
qui vous contraignent, les Guisards et tout votre peuple, ne pourrez
jamais sur moi, car je sais mourir.
Telles furent, bien qu’il n’ait pas été brûlé, les dernières paroles
de cet homme véritablement complet, artiste, homme de science,
homme de dévouement et de cœur... Ce qui frappe en lui sur-
tout, c’est l'ingéniosité avec laquelle il sait tourner les difficul-
tés : médiocre modeleur probablement, il invente un procédé de
moulage sur nature. A force de tâtonnements, d’essais, de pa-
tience, il arrive à créer, lui que nous avons vu si fort désespéré
de ne se trouver jamais qu’en face de ses poteries terreuses, ces
couleurs vivantes, pour ainsi dire comme la réalité elle-même;
des vernis, il les a inventés ; des fourneaux, il les a inventés ;
des moules, il les a inventés ; si le feu lui eût manqué ; sans nul
doute il eût inventé le feu !
Il offre peut-être seul cette particularité d’un créateur arrivé à
la perfection de son procédé ; admirable imaginateur, il est éga-
lement admirable ouvrier; l’art de l’émail trouve entre ses mains
sa plus exquise expression, et les perfectionnements n’auront
rien à y modifier même dans les plus petits détails.
Tout avait été combiné, prévu, réalisé par ce cerveau univer-
sel qui semble contenir le génie même de l’invention.
J. Du Boys.
AVIS. — Nous promettons en tête de ce premier supplément, de
donner des gravures d’objets qui seront exposés. La plupart des ex-
posants n’ayant pas complètement terminé ces objets, ne peuvent en-
core nous confier leurs dessins, craignant au dernier moment d’avoir
quelque changement à faire dans l’exécution. Nous espérons cepen-
dant, avant l’ouverture du palais du Champ-de-Mars,pouvoir offrir
à nos abonnés des planches sur l’Exposition ; il est probable que nous
en donnerons dès la prochaine livraison.
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris, — Typ. de Rouge frères, Dunon et Fresné, rue du Four-Sl-Germain, 43