Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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lâches tombant, ainsi que deux voiles, d’une haute couronne em-
panachée. Toutefois, comme ces anciens pères au gros rire ai-
maient assez mettre l’étiquette au cou du sac, leurs lits de mariage
montraient volontiers sur le ciel et les courtines des broderies
emblématiques « dont nous nous choquerions aujourd’hui, » dit
sagement M. Viollet-le-Duc.
Du lit on passait à la chaise, chaire, chaière, forme ou fourme.
Ce meuble avait des bras et un dossier, souvent un dais, et il était
seul clans la pièce, comme un trône, pour le maître ou la maîtresse.
Il y eut des chaises à balustres, et polygonales, dans lesquelles
tournait à son gré le personnage assis. Chaises d’audience. Il y
en eut en fer, très-élégantes et très-légères, que Gandillot et
Tronchon nous ont aussi rendues. Il y en eut en bronze et en
pierre. Leur magnificence spéciale date du quinzième siècle, qui
les fit hautes, à dossier flamboyant, découpé et fouillé comme
une fenêtre de cathédrale. C’était d’appui maussade quand on
avait désarmé le chevalier. Le siège était parfois un coffre à
serrer de précieuses choses que le seigneur ou l’avare gardait,
assis sur son trésor. Elles étaient nues, et belles seulement par le
ciseau de l’artiste, ou bien de larges housses les enveloppaient,
descendant et se prolongeant en tapis de pied.
Quand, de hasard, le roi venait, la chaise était enlevée, et l’on
apportait le fauteuil, faudesteuil, fauldesteuil, du latin faldistorium,
sorte de pliant d’abord, dans le genre des tabourets en X où
l’on assied les duchesses. C’était le siège d’honneur par excel-
lence, au bas duquel rampait un escabeau pour le vassal ou pour
les pieds sacrés, scabellum pedum tuorum. Le faudesteuil était de
tous les voyages de Sa Majesté, et on l’emportait plié, comme
cette toile sur trois bâtons qui sert à reposer les goutteux dans
leurs pénibles promenades. Au douzième siècle, dit-on, Suger
rendit le pliant solide, au moyen d’un dossier en bronze, par
égard pour son roi malade, dont la tête allait chercher les genoux.
Saint Éloi passe, à ce propos, pour avoir fait le fauteuil de Dago-
bert, lequel passe pour nous avoir été conservé. Et pourquoi
pas?
A portée de la chaise, séant inamovible, on avait le lutrin,
lectrin, ou pupitre, poulpitre, meuble rigide ou bien tournant sur
un pied, servant à tenir le livre pour qui savait lire, seigneur ou
clerc, et plus souvent moine à défaut du châtelain : un livre saint
le plus souvent, et c’est pourquoi le lectrin figurait d’ordinaire un
oiseau ayant le livre sur ses ailes demi-ouvertes ; volontiers un
aigle, comme étant celui qui vole le plus haut et devait porter le
plus droit notre prière ou notre louange. Ces meubles pouvaient
quelquefois servir et pour lire et pour écrire ; et le temps des-
tructeur ne nous a gardé que les dessins de charmants lectrins
des treizième et quatorzième siècles, à tablettes tournantes, avec
une lumière au milieu, portant sur une colonne cannelée qui
s’allongeait ou se raccourcissait comme dans nos pupitres à mu-
sique, selon qu’on voulait être assis devant ou bien debout. Ceux-là
tenaient ouverts deux ou trois gros livres à la fois, avec des signets
à poids pour empêcher les pages de se retourner. Nous n’avons
plus rien d’aussi commode que ces lutrins, c’est évident : mais je
reconnais que nos bureaux modernes sont préférables à l’antique
scriptionale, pour dire écritoire en bon français.
En regard du lutrin était la crédence ou dressoir portatif; lutrin
du corps comme l'autre de l’âme, offrant aux loisirs de l’estomac
seigneurial bouteilles, fruits, desserts et toute la menue gourman-
dise d entre les repas. Le peu et'souvent, illustre et grande règle!
Crédence, de credere sans doute : croire à ce qu’on touche, à ce
qu’on mange, à ce qu’on voit, à ce qu on boit. La vieille servante
qui recommence à trotter dans quelques salles à manger spiri-
tuelles est tout bonnement une crédence à roulettes. Il y en avait
à tiroirs et armoirettes fermées ; notre petit buffet à bonbons,
notre cave à liqueur sont des crédences. Il y en avait à tablettes
visibles, élégantes étagères avec un dais pour couronnement et
une jardinière pour base ; d’autres en forme de console et tenant
au mur, pour déposer les objets et les reprendre en passant.
Le dressoir était une grande crédence immobile, aux tablettes
habillées de beau linge que des dentelles et des guipures rele-
vaient. La dame du logis y étalait ce qu’elle avait de plus riche et
de mieux fait, vaisselle, orfèvrerie, coupes, hanaps, dons du roi,
dons du pape. Le buffet no s’entendait pas de la caisse oblongue à
dessus do marbre dans laquelle aujourd’hui nous serrons le pain
et les assiettes ; c’était la chambre à loger tout le service de table
comme qui dirait Yoffice, ou bien aujourd’hui un meuble au milieu
de la pièce dans les grands repas, brillant de vases précieux, de lu-
mières et de fleurs, chargé de toutes sortes de choses bonnes à
manger, comme un comptoir de Chevet ou d’Ozanne. Le buffet
d’un bal, les buffets de chemins de fer rappellent ceux-là. Seule-
ment il était d’hospitalité de les rendre aussi riches que possible,
et pour adieu de les offrir à ses invités avec tout ce qu’ils portaient.
Ces gens d’autrefois savaient vivre.
De même que le buffet, Yarmoire, du latin armaria, fut d’abord
une chambre où l’on serrait les armes, comme aussi la librairie fut
la chambre à mettre les livres. Là où étaient les armes allèrent
d’abord les ustensiles de chasse, puis les habits, puis le linge de
corps, le linge de table, les coffrets, les écrins. Les religieux qui
n’étaient ni guerriers ni chasseurs, exception rare, firent de l’ar-
moire une sacristie. Dans cette chambre se trouvaient nécessai-
rement des corps de boiserie fermés, garde poussière à un vantail
ou à plusieurs, où le plus précieux se mettait sous clef. Et cette
sorte de meublo prit par suite le nom de la pièce, pour un jour
remplacer la pièce elle-mèmo chez la plupart : c’est l’ambition
des petites choses de se mettre à la place des grandes.,Et peu à
peu l’armoire est devenue et restée le meuble principal de la
famille, l’emblème de l’ordre, de l’économie, de l’opulence en
ménage. La moindre fille en se mariant apporte son lit; pauvre
fille qui n’a que son lit ! Celle qui est mieux née apporte son lit et
son armoire, Quelle fierté! Aussi 6st-CG un wôublô qug Fou soig’nc et
que l’on pare ; le menuisier du lieu y met tout son orgueil et toute
sa fantaisie. On le décora d’abord par la serrurerie, au moyen do
ferrures de clôture historiées, restées brillantes comme des mi-
roirs dans ce Nord amoureux de propreté où, les jours de fête,
on fleurit sa vieille armoire de jeunes guirlandes illuminées. Puis
on eut l’esprit de peindre les panneaux ; et les armoires à sujets
sur fond bleu, sur fond rouge, sur fond d’or, furent parmi les
beaux-arts du quatorzième siècle. Vinrent ensuite les moulures
et les sculptures, qui sont encore de mode, avec la marqueterie.
La plus belle que j’en connaisse en sculpture est chez M. Grohé.
LaBourgogne est riche en armoires des seizième et dix-septième
siècles, dont beaucoup n’ont jamais été déménagées. Faites pour un
logis, elles ont forcé leurs maîtres d’y vivre et d’y revivre par res-
pect : sûres et tranquilles confidentes de la bonne et de la mauvaise
fortune pendant vingt générations. Que de choses en ces armoires
trisaïeules ! Souvenirs bien-aimés de naissance et de mort, pre-
miers cadeaux, premiers travaux, premiers trousseaux, premières
amours! lablettes qui racontent à lagrand’mère quand elle était
petite fille; amusants panneaux à travers quoi passaient nos