ForsideBøgerL'exposition De Paris 188… deuxième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

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L’EXPOSITION DE PARIS cuir surchargées de clous de cuivre, ni les outils primitifs, ni h'S »doffos jett'es pôle-môle dans des coins, ni les meubles bizarrement ornés de peintures naïves. Ce désordre, on le retrouve, mais plus luxueux, sous les tentes des tribus no- mades- qui nous arrivent des confins du désert. J'ai vu entassés, dans la plus étrange dos promiscuités, des selles de toute beauté, des tapis admirables, des armes finement damasquinées, des bro- deries merveilleuses, voisinant sans ver- gogne avec un chaudron enfumé, une botte d'oignons et des loques malpropres. Les habitants de ces tentes, faites d’étoffe bariolée en poils de chameaux, ne mettent aucune entrave à la curiosité dos visiteurs qui — avec une effronterie de moineaux francs — furètent partout et regardent sous le nez les Arabes, qui restent impassibles. Toutefois, lorsqu’un homme se dirige vers la partie de la tente réservée aux femmes et défendue par des tentures contre les regards profanes, le maître de céans se dresse, comïno. mû par un ressort, et, avec une mimique expres- sive soulignée d’expressions gutturales, il fait comprendre à l’intrus que l'indis- crétion a des bornes, même àl’Exposition universelle. S’il veut contempler à son aise des femmes algériennes, le visiteur peut du reste facilement contenter son désir. A quelques pas des habitations kabyles, s’élève le café maure dont le but, si ce n'est le programme, se rapproche de nos cafés-concerts. Dans une salle ayant les proportions d’un carré long, dont les murs sontrevêtus de faïences, les boiseries rehaussées de couleurs vives, les portes fermées par des tentures arabes, sont accroupis les musi- ciens et les danseuses. La troupe, revêtue de costumes éclatants, d’étoffes soyeuses, de voiles légers, de bijoux exotiques, cha- marrée d’or et d’argent, s'enlève, en un ruissellement de couleurs, sur le fond clair de la muraille. Les femmes — beaucoup plus que les hommes — ont une immobi- lité indifférente et abêtie, l’aspect de rumi- nants qui ne pensent pas et qui regardent sans voir. Il y a là des Mauresques, des Kabyles, des Ouled-Maëls, des Souda- naises. Chaque race danse, avec des instru- ments spéciaux, sur une mélopée mono- tone qui est plutôt un bruit rythmé qu’une mélodie nettement dessinée. L’orchestre des Mauresques se compose de la Rebale — sorte de petit violoncelle très court, — de la Kamandja — violon. — de la Kouïtna — guitare arabe, — du Tam — espèce de tambour de basque, — et du Darbouka — cylindre en terre cuite percé des deux bouts et dont une extré- 4^ du salon officiel, et par la grande porto de l’avenue centrale. La seule concession faite au pro- grammß, souvent terriblomentdur, d une Exposition, a été traitée avec une rare souplesse par les artistes; je veux parler des fenêtres. En Orient, comme on sait, les fenêtres n’existent pour ainsi dire pas. La vie intime est strictement fermée, et rOriental n’aime pas qu'on regarde ce qui se passe chez lui; aussi les murs extérieurs^ sont-ils peu ou point percés, et les baies sont-elles pratiquées seulement sur des cours intérieures. Qu’auraient dit les visiteurs de cette stricte couleur locale?Il a donc fallu taire dos fenêtres ; mais elles sont si adroite- ment composées, les vitraux néo-arabes qu’on y a mis sont si... vraisemblables, que le critique le plus sévère remarque à peine ce léger accroc à la vérité et se trouve désarmé. Les profils, les colorations, les scul- ptures, les faïences qui forment le principal ornement de la décoration, tous les moindres détails dos bâtiments, ont 6té traités par les deux architectes avec un goût, une conscience, une science archéo- logique, un talent qui font regretter que cette adorable composition ne doive avoir qu’une existence éphémère. Rien ne jure, rien ne détonne d’ail- leurs dans cette partie de l’Exposition réservée aux Colonies. En une heure on peut avoir une vision rapide mais exacte, de la vio algérienne. L’architecture monumentale, artis- tique, officielle du Palais coudoie l’instal- lation grossière et primitive des Kabyles. Ces montagnards, qui habitent des régions relativement froides, se servent, pour élever leurs demeures, de terre, de bois et de tuiles qui ont beaucoup d’ana- logie avec les tuiles romaines. Pièces petites, obscures, mal aérées ; aucune recherche de confortable ou d’enjolive- ment. C’est dans une de ces cahutes quo se trouvent, outre les tisseuses dont j’ai parlé dans un précédent numéro, plusieurs corps d’état, des artisans, une fileuse entre autres, dont le travail régulier, presque automatique, présente sous son vrai jour cette race patiente et laborieuse. Au milieu de la cour de la maison, grouille dans la poussière une nuée d’en- fants dont je no garantis pas la propreté, mais qui sont superbes sous les haillons bariolés dont ils couvrent leurs petits corps bronzés, et qui sont bien amusants lorsqu’ils arrachent des sous aux visi- teurs, avec la sauvagerie brutale d’ani- maux encore mal apprivoisés. Rien ne manque à ce décor caractéris- tique : ni le désordre, ni les malles de mité est bouchée par une peau d’âne. Les Kabyles et les Ouled-Maëls dansent aux sons de la Gaïta — instrument qui ressemble au galoubet provençal, — et du tambourin —véritable tamis sur lequel on frappe avec la main. Quant aux noires Soudanaises, elles se contentent du Kakeb, 'sorte de grandes castagnettes en fer que le virtuose (?) agite avec fureur, et du Tam-tam sur lequel un instrumentiste épileptique tape alternativement avec une, longue baguette cl une crosse en bois. Cet effroyable cha- rivari a le don d’exciter les négresses, qui se trémoussent sur place, en tournant sur elles-mêmes avec plus d’entrain que de jïi’àce. Les autres ballerines exécutent O leurs pas avec beaucoup plus de calme. Ces femmes ont des types très diffé- rents, très caractérisés. La Soudanaise ne diffère pas sensible- ment de la négresse formulaire : mêmes lèvres énormes, même front déprimé, mêmes cheveux laineux, même lourdeur des hanches, même aspect simiesque. Los attaches, par contre, sont fines, et les bras sont d’un beau modelé. La Mauresque a la peau blanche, la tète petite, les extrémités assez délicates et les yeux d’un dessin superbe; mais le regard reste bovin, la taille est épaisse, les traits sont lourds. Je dois avouer du reste qu’habillée à la française, elle ne diflérerait sensiblement pas de certaines honnestes dames dont quelques brasse- ries renferment, à Paris, une jolie collec- tion . L’impression d’abrutissement et d’ennui qui se dégage de leur personne ■ est identique. La Kabyle, avec sa curieuse coiffure, scs mains et ses ongles peints, son léger tatouage sur le front, ses sourcils rap- prochés en une soûle ligne, son aspect grave, donne une tout autre impression. Les traits sont beaux et remarquablement fins, mais durs et formés. On se sent devant un être qui ne so livre pas et qui se tient sur une défensive constante contre une- civilisation qui a pu prendre son corps, mais qui n’a pas su capter son âme. Les danses orientales n’ont aucune res- semblance, même lointaine, avec nos ballets. Dans ces pays torrides, où l'agi' tation doit être un supplice, on ne cherche à charmer les yeux que par des mouve- ments lents, des poses cadencées, des atti- tudes suggestives, une mimique pleine de sous-entendus et d’une troublante saveur. C <'st, en tout cas, un spectacle bien curieux, bien attachant qui, dans ce milieu coloré, procure des sensations nou- velles d’une impression particulière et un peu banale. Frantz Jourdain.