L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
231
les fenêtres entr’ouvertes du café maro-
cain des notes aiguës, perçantes, vibrent,
mêlant un bruit de foire africaine à la
gaieté contenue d’une foule cri belle hu-
meur; plus loin, l’orchestre égyptien
accompagne en sourdine les danses des
aimées, et des chants monotones flottent
dans l’air.
Los ânes d’Afrique défilent de leur petit
trot maigre et mince, portant sur leurs
dos des géants noirs accroupis, dont I as-
pect provoque le sourire, dont le sérieux
parait comique à les voir si grands sur
ces petites bêtes. La foule s’écarte ; ils
passent, impassibles, gardant grand air
sous les regards étonnés qui les suivent.
Dans le frais patio où L’eau susurre dans
sa vasque blanche, sous le jour qui tombe
de haut éclairant les deux allées se cou-
pant à angles droits, ouvrant leurs quatre
baies sur l'aveuglant soleil du dehors, on
s’attarde et on se complaît à celte lumière
tamisée. L’air est imprégné de l’odeur de
santal : boites et coffrets ouvragés, éven-
tails, porte-cartes, sachets de santal;
puis-, statuettes indiennes, coupeset vases
d’argent ciselé, bruni, plats et aiguières
en cuivre repoussé éparpillent leurs notes
blanches, rouges et jaunes.
Ici, les lins coquillages de Madras éta-
lent leurs changeants reflets d’opale, les
coupes de Cashmire et de Bénarès leurs
teintes rougeâtres, et, dans la devanture,
les parures en pierre de Lune évoquent
les souvenirs d’une Inde ruisselante do
diamants, des opulents Nababs, des Bé-
guins surchargées de pierreries, parées
comme des châsses.
Les punkahs de Kuss-Kuss, maniées
par les mains inhabiles des acheteuses,
secouent dans l’air leurs parfums poivrés;
leurs paillettes d’or et de soie, si légères
que la main los sont à peine, parlent de
journées brûlantes, de longues soirées sur
les vérandas embaumées du parfum des
fleurs, de nuits étoilées, de paresse et do
repos.
Un instant suspendue, la vie réelle fait
place an rêve, à la vision enchantée et
lointaine. Un instant ces spectateurs, ces
promeneurs, jeunes ou vieux, las ou pleins
d’ardeur, riches ou pauvres, ont oublié
les soucis, les travaux du jour, les préoc-
cupations de demain. Ils regardent, et,
sur les ailes de l’imagination, franchissant
les continents et les mers, ils errent à leur
gré dans un monde qu’ils ne verront peut-
être jamais.
Tout cela leur parle et, dans leur esprit
délié ou engourdi, à leur insu, 1 idée
pénètre, insaisissable et subtile, éclairant
d’une lueur soudaine un coin de leur in-
telligence. Le sourire sceptique et rail-
leur s’efface : le monde est grand et nous
ne sommes pas seuls en ce monde. Ces
hommes, jaunes ou noirs, qui fendent la
foule dans leur costume bizarre, ce sont
nos frètes el les hôtesJ dei la France, de
la France travailleuse, ’ ihtcriigente, hu-
maine et bonne, dont ils viennent admirer
l’étonnante industrie, la prodigieuse vita-
lité.
Et, relevant la tète, fiers d'une patrie
qui fait de si grandes choses, ouvriers et
bourgeois, Parisiens et provinciaux se
retirent lentement, confiants dans l’ave-
nir. Un peuple capable d’un pareil effort
n’est pas près de mourir.
C. de Varigny.
AU PAVILLON
DES TRAVAUX PUBLICS
Au premier abord cela semble étrange, une
Exposition de travaux publics dans cet immense
pandémonium où sont disséminés, dans un
groupement savant cependant, les produits de
toutes les industries, de tous les arts.
Que peut-on nous montrer là, dans un espace
relativement restreint, que nous n’ayons vu
répendu « en grandeur », comme on dit dans le
métier, presque dans leur installation naturelle,
sur des milliers de kilomètres?
Et cependant l’exposition est intéressante. On
peut aller visiter ce pavillon comme on consulte
un dictionnaire, comme on feuillette un album.
Les ingénieurs ont tenu à garder à l’édifice le
caractère architectural qui lui convenait — rien
n’est trop sacrifié à l’art pur.
La construction se composede deux pavillons
en briques et fer — le roi du jour en fait de
bâtisse _ et reliés entre eux par une galerie en
bois où sont exposés divers objets. Au centre
s’élève une tour dont les étages vont en retrait
et qui se termine par un phare — il y a de la
poésie dans les choses utiles et jusque dans la
science des X.
Au rez-de-chaussée du bâtiment principal nous
trouvons ce que nous pouvons appeler les
annales du Ministère des Travaux publics; —
c’est la collection des modèles et dessins des
travaux exécutés depuis 1878 par les services
des Mines et des Ponts et Chaussées.
Les énumérations sont généralement fasti-
dieuses. Il nous semble pourtant que celle-ci ne
manquera pas d’intérêt. A ceux qui nous repro-
chent de dilapider les linances de la République
et accusent celle-ci d'impuissance, il est peut-
être bon de répondre par des faits. Citons au
hasard de la visite parmi les dossiers graphiques
des travaux exposés : les ponts au Double et
d’Austerlitz, à Paris; les ponts Morand et
Lafayette, à Lyon ; Saint-Michel, à Toulouse;
Harbin, à Nantes, et une quantité d’autres dont
plusieurs ont des proportions gigantesques et
dont l’exécution ou la restauration ont nécessité
de véritables tours de force, de savoir et d’ha-
bileté.
A cet égard, les gens compétents sont émer-
veillés par des travaux — commencés seule-
ment — de percement de tunnel sous la Manche
avec le modèle de la perforatrice Beaumont qui
appartient au prince de Galles; l’exposé des
systèmes de traction des bateaux par câble télo-
dynamique, qui, à l’instar de certains de nos
confrères, « tire les choses de loin », et l’on
s'arrête surtout sur les tr,avaux pour l’aména-
gement et la reconstitution des phares.
Les curieux, ont un vaste champ d’exploration
en consultant la carte géologique de la France
dontjun seul morceau, qui compte cinquante-
six mètres carrés, occupe un quart des parois
de la grande salle. Puis s’accumulent, en ordre
savant, cela va sans dire, les atlas, les plans,
les instruments ; on a même eu quelque souci
des profanes, car pour compléter les statistiques
en chiffres qui ne parlent pas à tout le monde,
on a dressé une sorte de pyramide renversée
qui représente la production de la houille depuis
le commencement du siècle jusqu’à nos jours.
Au sommet du petit pavillon consacré spé-
cialement au service des phares, se trouve
placée une sirène, — qui n’a rien de mytholo-
gique. C’est une immense trompette auprès de
laquelle nos basses les plus profondes doivent
s’incliner et qui pousse des mugissements for-
midables qui permettent aux navires de dire en
temps de brume : « Je suis là. »
A laide d’une élégante passerelle les visiteurs,
mis en goût par cette première station, peuvent
se rendre sur les berges de la Seine, où sont
installéesdesmachineshydrauliquesélévatoires,
des récepteurs et tous les engins de force supé-
rieure qui feraient trouver l’homme bien petit,
— si l’on ne se disait aussi que c’est l’homme qui
les a inventées, construites et qui les dirige.
POUR L’ASSISTANCE PUBLIQUE
Au temps d’Aristote, ça ne date pas d’hier,
comme vous voyez, existait une secte de gens
épris du beau et du vrai, et ça se trouve encore
aujourd’hui, qui faisaient de la philosophie en
marchant, en se promenant dans les jardins:
on les nommait des péripatéticiens.
A ce compte, on trouve au Champ de Mars
et à l’Esplanade des Invalides beaucoup de
gens qui font dû péripatétisme sans le savoir
— tout comme M. Jourdain faisait de la prose.
On s’instruit, en effet, et l’on devient plus fort et
meilleur dans ces courses en zigzag où il y a
plus que pour la curiosité.
La réflexion grave, renseignement sérieux
vous saisissent au milieu des spectacles variés,
attrayants, à des heures et dans des milieux où
il semble qu’il n’y ait place que pour la récréa-
tion et les pensées frivoles.
C’est qu’il y a des idées qui s’imposent et
vous forcent à vous arrêter, à vous élever à
des considérations plus hautes. C’est ce qui se
produit lorsqu’on met le pied dans la galerie
qu’a aménagée l’Assistance publique de Paris,
et lorsque, entraîné par l’attrait du sujet, on
s’arrête sur les divers points de l’Exposition à
étudier ce qu’a pu faire dans le même ordre
d’idées l’initiative privée, à laquelle doivent
beaucoup ceux qui souffrent.
Ne nous arrêtons pas à voir quelle est l’or-
ganisation administrative, quel est le fonction-
nement ordinaire de l’Assistance publique. La
façon dont elle a organisé les secours aux indi-
gents en nature et en argent, les soins médicaux
à domicile et la distribution des médicaments,
sont des sujets du plus haut intérêt, mais dont
l’examen et la discussion trouveront plus logi-
quement une place ailleurs.
Pour l’instant, nous nous contentons de
passer en revue avec une curiosité qui n’a rien
de banal la collection réunie là, dans ce pavil-
lon, que nous avons déjà fait traverser à nos
lecteurs sans y faire de station.