L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
255
d’un fini si parisien, de cet outillage
colossal, de ces appareils de précision qui
ressemblent à des bijoux d’horlogerie, on
a peine à se défendre d’un espoir peut-être
chimérique encore, mais séduisant au
dernier point. On se dit qu’avec des engins
si parfaits la guerre va devenir de plus en
plus rare, précisément parce que l’issue
en sera trop mathématiquement réglée.
Ou les deux adversaires seront si bien
armés qu’ils ne pourront plus s’entamer,
tout en se faisant un mal horrible; ouïes
armes seront si inégales que le résultat
sera acquis d’avance. Dès lors, pourquoi
s’entre-tuer? On en viendra à traiter avec
le plus fort, comme on négocie à Londres
avec les voleurs de titres; tout se réglera
par des procès-verbaux, des protocoles et
des transferts de chèques. On conviendra
d’un tournoi où les buts seront des murs
d’acier de deux àtroismètres d’épaisseur :
celui qui les fera sauter aura la victoire
et l’autre abaissera son pavillon. Il semble
impossible que la science ne, nous tire pas
définitivement de la barbarie féodale.
De quel côté sera la force, demain?
Quels engins inconnus vont nous apporter
ces substances mystérieuses et nouvelles
qui s’élaborent dans l’ombre des ateliers
secrets, la lielloiite, la mélinite, la pan-
clastite et le reste? Bien fin qui le dirait.
Mais c’est déjà quelque chose de savoir
qu’il y a du moins une chance pour que
la nation la plus artiste garde le dernier
mot, même dans les arts de la mort.
Philippe Dahyl.
LES ANffiRS^E LA RUE DU CAIRE
Les âniers du Caire ont fait beaucoup parler
d’eux, il y a quelque temps. Ils ont même eu
l’insigne honneur de sé tenir en vedette sur
l’affiche toujours changeante du Tout-Paris
mondain.
Parlons donc des âniers.
Ces soixante gaillards, dont l’aîné n’a.pas
vingt ans et dont le plus jeune compte à peine
dix printemps, n’ont aucune prétention au prix
Montyon. M. Delort de Gléon, le très intelligent
organisateur de l’Exposition égyptienne au
Champ de Mars, n’a pas, il est vrai, été choisir
sa troupe parmi les familles les plus distinguées
du Caire. Avec leurs longues blouses bleues,
leurs kefj'yeh roulés autour de la tête, leur type
grave à la Pharaon, ils ont beaucoup de carac-
tère, les petits âniers, surtout quand ils courent
pieds nus à côté des ânons qu’ils parviennent à
faire galoper à force de coups de bâton, au
violent effroi des Parisiennes huchées sur les
hautes selles; oui, beaucoup de caractère.
Mais, au fond, ils présentent une affinité mer-
veilleuse, inexplicable — et évidente avec notre
gavroche parisien, ramasseur de bouts de ciga-
res, donneur de contremarques ou ouvreur de
portières.
A peine débarqués au Champ de Mars, ces
innocents indigènes ont pris le vent et se sont
mis au courant, à la hauteur de la civilisation,
devrais-je dire. Nos camelots n’ont plus rien à
leur apprendre, ils la connaissent dans les coins,
et, dès à présent, ils jaugent aussi bien le pro-
vincial naïf qu’on peut faire casquer que le
boulevardier roublard qui ne coupe pas dans le
pont. Toute la bande habite une longue galerie
en bois qui sert en même temps d’écurie aux
ânes.
Lorsqu’ils ne sont pas en course, ces messieurs
restent vautrés sur la paille, fument force ciga-
rettes, se battent, en jouant, avec des bâtons et
des fourches, se disputent en poussant des cris
gutturaux, dansent, ainsi que des jeunes chiens,
ou, accroupis dans un coin, jouent aux dominos
comme de paisibles bourgeois du Marais.
L’arrivée du courrier, une fois par semaine
environ, met en émoi les âniers. Dans des cir-
constances semblables, la sauvagerie reparaît
bien vite : ils se bousculent afin d’arracher les
lettres des mains du facteur qui, ne pouvant
immédiatement déchiffrer ces noms bizarres,
bégaie, épelle, et a toutes les peines du monde
à terminer, sans commettre d’erreurs, sa labo-
rieuse distribution.
Frantz Jourdain.
LES TRAVAUX DE PARIS
Tout le monde se préoccupe de l’entretien et
de l’embellissement de l’immeuble qu’il habite,
n’en fût-il que simple locataire.
Aussi comprend-on l’attrait qu’offre le
Pavillon des travaux de Paris. La grande ville
est notre demeure et nous en sommes proprié-
taires — quoique nous payions notre loyer sous
la forme d’une jolie collection d’impôts accu-
mulés. C’est peut-être cela qui nous en rend le
séjour si cher, dans toutes les acceptions du
mot.
Il est vrai que nous trouvons une compensa-
tion dans l’admiration des étrangers, même de
ceux qui arrivent des plus grandes capitales, et
qui rendent hommage à ce Paris unique au
monde, on peut le dire sans que le chauvinisme
fasse tort à la vérité. Mais au prix de quels
soins, de quels travaux lui maintient-on son
éclat ! C’est ce dont on peut se rendre approxi-
mativement compte en s’arrêtant dans le pavil-
lon où nous vous introduisons.
Tout d’abord, voici le service d’architecture;
là, de nombreux plans en album ou en châssis
mobiles, des photographies de grand format
donnent la monographie des monuments et des
constructions dé quelque importance qui ont
été édifiés pour le compte de la Ville de Paris,
depuis l’Exposition de 1878. En première ligne,
il faut citer la Sorbonne etl’École de Médecine,
dont on a exposé les modèles en relief. Soit dit
en passant, nous conseillons à l’architecte de
l’Hôtel des postes de venir méditer dans cette
salle.
On ferait un volume, dix volumes même,
avec ce qui a été écrit sur le pavé de Paris au
propre comme au figuré. Ici, on peut l’étudier
au point de vue technique devant une collection
des échantillons de tousles types employés pour
le pavage de nos voies publiques. Lesdocuments
sur le pavage en bois, encore une innovation
depuis la dernière Exposition, ofïrentun intérêt
tout particulier. A côté sont rassemblés les
matériaux d’empierrement, cailloux, meulières
concassées, porphyre de Voutré, grès de Fon-
tainebleau, échantillons d’asphalte.
Quand on est destiné à habiter la ville, on
trouve un intérêt capital à avoir des renseigne-
ments au sujet des trottoirs, des chaussées, des
contre-allées, du balayage, de l’enlèvement des
boues et immondices, des neiges, de l’arrosage
et autres détails de ménage, si l’on peut dire
ainsi. Peut-être nous saura-t-on gré de relever
quelques chiffres sur les tableaux de statistique
appendus aux murs. On y apprend que la lon-
gueur totale des voies publiques à Paris est de
935,216 mètres, dont730,794plantés; la super-
ficie de ces voies est de 1,546 hectares.
A propos d’une question primordiale et qui
donne lieu à des discussions sans cesse renais-
santes, on consulte avec intérêt les documents
concernant le service des eaux publiques et
industrielles. Des photographies et des aqua-
relles font voir les trois principales usines à va-
peur qui accumulent l’eau de la Seine dans
cinq réservoirs : ce sont, comme chacun sait, la
pompe à feu de Chaillot, celle du quai d’Aus-
terlitz et l’usine hydraulique d’Ivry.
Outre les eaux du canal de l’Ourcq et l’eau de
la Marne réparties dans trois zones, Paris est
encore alimenté par des eaux de source : dans
les quatre cinquièmes de la ville, par celles de
la Vanne, dans l’autre partie par celles de la
Dhuys.
Tout cela est bien insuffisant encore, mais en
considérant les travaux accomplis, on voit que
ce n’est point le talent, ni l’habileté qui man-
quent — c’est, comme en moult choses : l’ar-
gent. Ce n’est donc qu’une question de temps.
En sortant de cette exposition, après avoir
mesuré tout ce qu’il faut d’efi'orts et de travaux
pour nous rendre la ville agréable et la tenir
dans des conditions d’hygiène et de salubrité,
on se sent disposé à se montrer un peu moins
exigeant lorsque des embarras passagers vien-
nent nous gêner dans la circulation courante.
TEMPÉRANCE ET EXOTISME
Esplanade des Invalides, à l’ombre des arbres,'
autour d’un petit bar reluisant d’honnête et
méticuleuse propreté sont rangées des chaises
et des petites tables.
On s’assied. Une jeune personne coiffée d’un
bonnet ruché sur les cheveux blonds maïs,
avec les yeux de myosotis des misses d’outre-
Manche, et le tablier à bavette des bonnes de
chez Duval, se glisse mystérieusement de votre
côté et vous susurre dans un français qu’on
jurerait zézayé par un oiseau des lies :
— Monsieur, asseyez-vous, reposez-vous, mais
ne comptez pas que l’on va vous servir à boire.
Du thé! rien que du thé! L’alcool est la perdi-
tion des âmes.
Et comme on considère avec un ahurissement
léger cette serveuse étrange, elle continue, très
douce et très angélique :
____Si vous avez une épouse, une famille, des
enfants, amenez-les s’asseoir à cette table. Le
thé est la boisson du chrétien. Le vin et l'ale
sont le poison des hérétiques et de ceux qui
offensent Dieu.
Là-dessus, avant que vous ayez le temps de
vouséchapper, lablonde évangéliste vous glisse
un lot de petites brochures anglaises et fran-
çaises : Bienheureux sont ceux qui procurent la
pair, le Conseil de la tante Rachel, Recherchez la
paix avec tous, etc., etc.
Vous êtes dans un des postes avancés de la
« Temperance-Union ».