L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
"•r*
L’exposition de la tapisserie et de Sèvres sert I
d’admirable préface à la grande galerie centr ale
dans laquelle nous entrons; quel éblouissement!
A droite et à gauche, des portiques étincelants
d’or, de marbre et de fresques laissent aperce-
voir à l’infini les perspectives des galeries des
groupes divers; chacun de ces arcs de triomphe
juxtaposés semble donner accès à un palais des
Mille et une Nuits: c’est la porte des tissus avec
ses colonnes d’onyx et ses peintures représen-
tant des fileuses; celle de la chasseet de la pêche
avec son front >n représentant une proue, ses
troncs d’arbres servant de piliers et supportant
en manière de trophées des vautours, des
aigles, des cerfs, des gazelles; c est, plus loin,
la merveilleuse entrée du palais du fer... mais
ne détaillons pas; accompagné de nos dessina-
teurs, nous reviendrons examiner à loisir toutes
ces merveilles; aujourd’hui c’est une impres-
sion d’ensemble que nous voulons conserver.
Dans l’ordonnancement primitif de cette galerie,
on avait décidé de la débarrasser de tout impe-
dimentum et de la laisser libre à la circulation
de la foule, on est heureusement revenu sur
cette idée; et les objets, les monuments, les
constructions de toute sorte qui y ont trouvé
place ajoutent encore l'imprévu de leurs
silhouettes et de leurs couleurs à la majesté et
à la grandeur du coup d’œil. C’est d'abord
l’exposition de la Manufacture nationale de
mosaïque, puis une grande châsse d’or destinée
à servir d’autel à Sainl-Ouen de Kouen , vien-
nent ensuite les soieries de Lyon, les bronzes,
les orgues, le monument de La Fontaine où,
autourdu buste du bonhomme, les bêles viennent
familièrement conter leurs aventures. C est
encore, dans une grotte d’où s’échappe une
source claire, une inosaïque de Diane mirant
dans l’eau son corps de déesse; le trophée des
métaux, véritable monument formé dénoimes
fûls de colonnes en cuivre, en fer, en plomb ;
c’est enfin la colossale fontaine de Bartholdi,
destinée à la ville de Bordeaux, que composent
quatre chevaux fougueux entraînant le char
d une déesse qui les retient avec des rênes de
fleurs.
Et de cet immense hall monte sans cesse un
bruit très particulier et caractéristique, une
sorte de symphonie composée des cris d éton-
nement de la foule, du bruit des pas des visi-
teurs, des graves accords des orgues exposées,
auxquels vient se joindre par instants le gai
■ carillon du Pavillon de l’horlogerie; et, là-bas,
dans une poussière lumineuse, s’étend, sous un
ciel de verre, l’énorme Galerie des Machines,
où, continuellement, ronflent et frémissent les
volants gigantesques, les roues vertigineuses,
les turbines infatigables... tout cela ajoutant, au
spectacle des merveilles qu’on a sous les yeux,
je ne sais quelle vie fébrile et troublante qui
donne à ce grandiose vestibule un cachet de
force triomphante et do splendeur inoubliable.
G. Lenotre.
NOS COLONIAUX A TABLE
La revue du 14juillet a été un triomphe pour
nos braves soldats des colonies, elle a attiré
plus que jamais l’attention sur eux, et l’on s’est
demandé quelle était leur manière de vivre
parmi nous, leur genre de nourriture, etc. Ce
que nous avons vu à cet égard nous permet
d’espérer que ces braves gens gar leront un
assez bon souvenir de la cuisine française, et
ne se plaindront pas, en tous cas, d'avoir été
écorchés. Il existe, en effet, à l’Esplanade des
Invalides, sous 1 enseigne Fourneau économique,
un restaurant modeste, mais propret, gentiment
servi, où les consommations les plus chères
reviennent à la somme fabuleuse de dix cen-
times. Ce serait absolument incroyable si nous
n’ajoutions que la charité « est dans l'affaire ».
Un grand nombre d’honnètes travailleurs y
prennent leur repas dans les prix doux, car la
maison ne se rattrape pas sur le vin : elle n’en
vend point, mais permet d’en apporter.
L’établissement se trouvait tout indiqué pour
servir de popotte à nos braves coloniaux, logés,
comme on sait, à l’Ecole Militaire, mais qui
reçoivent la haute paye et peuvent, de la sorte,
choisir la nourriture à leur convenance. Les
détachements envoyés à l’Exposition se com-
posent de tirailleurs annamites, de tirailleurs et
de spahis sénégalais, de cipayes, — troupes
chargées de la police dans nos colonies de
l’Hindoustan, — enfin de tirailleurs sakalaves
détachés du corps récemment créé à Mada-
gascar.
Ces hommes ne sont pas venus à Paris en
simples touristes, pour voir l’Exposition, tant
s’en faut : ils se voient astreints au service de
garde des installations coloniales, et tout le
monde admire leur disciplineet leur belle tenue
sous les armes.
Chaque jour, le fourneau économique de l’Es-
planade réserve certaines heures à nos frères
noirs ou jaunes, à l’exclusion de tout autre
consommateur, et il se forme alors autour des
tables proprettes, recouvertes de nappes blan-
ches, des groupes bien intéressants à observer.
Tout ce monde a l’air « gai et content ». Les
plus bavards sont les Annamites, Tonkinois ou
Saïgonnais ; ils jacassent comme des pies. Tous,
du reste, doivent avoir un appétitsolide; mais,
malgré la figure avenante de la jeune tille qui
les sert, ils semblent tenir notre cuisine pour
moins succulente que les mets de « chez eux».
Naturellement, celte promiscuité de races si
diverses autour d’une même table ne saurait
manquer de hâter l’avènement de la grande fra-
ternité universelle ! Lalangue sépare quelquefois
les convives, mais un môme goût les réunit.
Exemple : le cipaye <le l’Inde et le tirailleur de
Madagascar qui, sans se concerter, se trouvent
avoir demandé tous les deux du riz; il y a donc
communauté de vues entre la péninsule asia-
tique et la grande côte africaine! Voici un Ton-
kinois savourant le thé national : la patrie est
retrouvée! Ici, c’est un Sénégalais complaisant
en train de desservir la table : il sera donc
toujours vrai, le vocable : travailler comme un
nègre! Enfin, le dernier dessin nous montre un
pâle Indo-Chinois se versant une bouteille
d’eau claire : l’appareil semble pour lui le
philtre de la suprême félicité!
Mars.
LE SOURIRE A L’EXPOSITION
Constater le grand, le juste succès de l’Expo-
sition, répéter avec les étrangers qu elle est une
utile et belle chose, c’est énoncer une vérité
banale à force d’évidence.
Quoi de plus émouvant, par sa puissance
sobre et continue, que la Galerie des Machines,
avec ses appareils mystérieux qui se meuvent,
ses géantes roues qui tournent, ses volants qui
battent l’air : tous obéissant à un rythme supé-
rieur dont on entend ronfler la vie étouffée et
sourde?
Quoi de plus gracieux, de plus élancé que
l’intérieur du grand dôme des Beaux-Arts?
Quoi de plus curieux que les portes ornées dé-
couvrant l’enfilade des galeries? Et surtout,
cette admirable porte, ce monstrueux ajuste-
ment de pièces de fer forgées, où des rivets
pointus comme des épées et des disques bom-
bant comme des boucliers, forment de gigan-
tesques panoplies, et qui s’ouvre, magique et
sombre, comme le porche du Palais du Fer?
Quoi de plus pittoresque que les spectacles
annamites, les danses javanaises, espagnoles?
Et quel plaisir d’art plus intense que celui qu’on
éprouve à parcourir les galeries de peintures du
salon décennal et surtout centenal, sans oublier
les étrangers, comme Uhde, dont le tableau de
la Cène est si empoignant de sincérité.
Oui, certes ! l’admiration devant tant de
merveilles s’impose aux visiteurs les plus re-
belles, les plus hostiles, s’il en est. Et ils la
ressentent d’autant plus vive et profonde qu ils
reviennent plus souvent, et aux heures de demi-
solitude, le matin, par exen pie, car la । oussée
et le tohu-bohu des foules empêchent tout rêve
et toute concentration d’idées.
Cette impression imposante de grandeur et
de variété, toutefois, on l’éprouve surtout, je le
répète, aux explorations successives, endes exa-
mens approfondis. Car une première visite ne
laisse gu^re qu’une sensation confuse d’él louis-
sement, d’amusement pittoresque et même par-
fois de léger comique.
Oui, de comique. El en quoi cela diminue-
rait-il l’Exposition?N’est-il pas naturel de trou-
ver, en ce pays de Babel, de petits disparates,
d’infimes dissonances? Et quand on a devant
soi un pareil monstre vivant, faut-il s’étonner
d’y rencontrer quelques verrues, imperceptibles
dans le glorieux ensemble?
Or, l’homme est ainsi fait qu’il ne peut, sans
une disposition d’âme particulière, ou un en-
traînement préalable, ressentir le grand, le com-
pliqué, le beau : car il en est vite étourdi ; tan-
dis que ce qui est petit, grotesque ou laid, le
frappe vivement au contraire, et le porte à une
gaieté inoffensive, et d autant plus involontaire,
que rire, a dit Rabelais, est le propre de l'homme.
El le moyen d’y échapper, un jour de pre-
mière visite forcément superficielle, au heurt de
tant de sensations vives, et de mille associations
d’idées, où l’imprévu est tout!
Qu’on se défende, par exemple, de ce malaise
singulier qui précède le rire, dans Ja rue du
Caire, si jolie, mais si enlaidie par les affreux
indigènes'de Montmartre ou des Batignolles,
qui hurlent avec un accent de parodie : « Bom-
inebon ! Bommebon ! »
Serà-t-on plus impassible devant la Vénus de
Milo — (prière de ne pas y toucher!) — ce pro-
digieux accouplement de l’art et de l’industrie,
dont l’idée seule vous chatouille l’épigastre,
partagé que vous êtes entre l’étonnement de
voir là ce chef-d’œuvre, et l’envie gourmande
de lui manger le nez ?
Ne souriez-vous pas encore, incoerciblement,
devant l'appareil pour combattre les lions, et
qui se compose d’un habit de cuir hérissé de
piquants, de manchons en tôle pour garantir
les mains, et d une tige de fer pendant comme
une queue, qu’on enfonce dans le sable afin de
s’adosser contre et de tenir bon contre la bête?
Mais il est des sensations d'un comique plus
subtil. Par exemple : les affiches du chemin de
fer intérieur annoncent, en toutes les langues :