Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
118
L’EXPOSITION DE BRUXELLES
ce moment la Grande-Bretagne dut s’imposer
sacrifice sur sacrifice pour conserver la maîtrise
des mers. C’est ainsi que pendant les vingt-deux
années qui suivent le budget de sa flotte 3
presque triplé. Il dépasse maintenant 3 5 millions
de livres.
Au départetnent de la guerre, les dépenses
sont passées de 14 millions de livres en 1858
à 18 millions de livres en 1888 et à 30 millions
de livres en 1910.
Mais c’est surtout dans le budget des services
publics que s’attestent les progrès réalisés par
MACHINES POUR LES TEXTILES.
l’Angleterre. Ces services, y compris les postes
et les douanes, coûtaient 14 millions de livres en
1858; ils absorbent aujourd’hui 55 millions.
Là surtout apparaît l’activité économique du
pays, dans ces dépenses qui servent pour la
plupart à l’entretien d’un outillage productif.
Pour le budget de 1910, le chancelier de
l’Echiquier, M. Lloyd George, s’est trouvé en
face de besoins considérables, par suite de l’aug-
mentation des charges navales et militaires et
surtout des pensions de vieillesse qui sont payées
depuis le 1er janvier 1909 aux personnes des
deux sexes âgées de 70 ans dont le revenu est
inférieur à 26 livres sterling. La pension est
de fr. 6.25 par semaine. En 1908 on calcula
qu’il y aurait 500,000 retraités, puis 572,000
en décembre ; il s’en trouva 700,000. Au lieu
de 6 millions, la dépense fut estimée à 7 1/2
millions de livres sterling.
Que faire ? M. Lloyd George, qui la jadis
éloquemment dénoncé ce qu’il appelle « l’escro-
querie des possédants » et qui soutient que
« dans la répartition des richesses pn la confisqué
jusqu’ici la part de l’ouvrier », M. Lloyd George
a demandé notamment que l’impôt sur les re-
venus ne provenant pas du travail (et même
pour les contribuables disposant de plus de
2,000 livres par an, l’impôt sur tous les re-
venus indistinctement), soit élevé de 5 p.c. à
5.83 p. c. ; il a demandé, en outre, que les
revenus supérieurs à 5,000 livres soient frappés
d’un impôt supplémentaire de 2.50 p. c., cette
charge ne devant s’appliquer qu’à la fraction
du revenu qui (dépasse 3,000 livres.
Le parti libéral cherche ainsi évidemment à
transformer l’impôt en un instrument de nivelle-
ment des fortunes. L’augmentation de la taxe
élastique ne vise plus que la classe possédante.
De là le conflit qui a divisé la Chambre des
lords et la Chambre des communes et créé une
situation comme jamais encore l'Angleterre n’en
avait connue. Les lords se sont systématiquement
refusés à sanctionner un régime fiscal qui grève
surtout les classes riches et eux les premiers.
« Ce n’est pas un budget, c’est une révolution »,
s’est écrié lord Rosebery. Et le marquis de
Lansdowne ayant reconnu « qu’une tradition
consacre la suprématie des Communes en ma-
tière de lois de finances », M. Arthur Balfour a
protesté, prédisant que « la ruine de la Chambre
des lords entraînerait la ruine de l’empire bri-
tannique et la décadence de la monarchie » et
que l’adoption définitive des motions votées par
les communes, qui établirait la prédominance de
celles-ci en matière de finances, donnerait « une
constitution d’Arlequin » et établirait dans le
Royaume-Uni « le régime de Costa-Rica ».
Est-il besoin de souligner l’exagération de ces
paroles ? Si l’on supprimait aujourd’hui la
Chambre des lords, comme cela s’est vu sous
Cromwell, on bouleverserait peut-être l’économie
extérieure de la constitution anglaise, mais on
ne détruirait nullement son essence. Un lord est
toujours quelque chose de grand, mais ce n’est
plus le lord d’autrefois, le seigneur aristocra-
tique dont le prestige était fait de mille privi-
lèges qu’il trouvait dans son berceau. Ces lords
font-ils œuvre si utile au parlement ? Ils pa-
raissent institués surtout pour défendre les inté-
rêts fonciers, c’est-à-dire les grosses fortunes
d’âge en âge accumulées. Par la force des
choses, un jour devait venir où la démocratie
triomphante s’attaquerait à ces fortunes. Ce jour
est venu. La faute en est —• si faute il y a, —
à la révolution sociale qui s’accomplit tous les
jours et dont le budget de M. Lloyd George
n’est que l’expression pratique et la sanction. Le
monde se renouvelle perpétuellement : des trans-
formations sont inévitables, elles sont néces-
saires.
Ce qu’il y a précisément de merveilleux en
Angleterre, c’est l’appropriation constante de
la race aux besoins et aux progrès nouveaux. La
force politique des Anglais s’étaye sur la notion
du mieux réalisable et le respect du fait accom-
pli. La forme de l'Etat répond à ce tour d’esprit,
à ces inclinations et à ces habitudes. L’Anglais
ne se complaît guère dans les rêveries. L’utopie
n’est pas son fort. Mais il veut avancer toujours
et, sachant que la puissance d’un pays se mesure
à sa grandeur économique, il pointe l’oreille si
l’on discute les droits d’un épicier ou d’un
paysan. C’est là ce que les Anglais nomment
leur bon sens ; il les a toujours servis, et il
a en même temps servi le reste de l’humanité.
« Les affaires publiques de l’Angleterre sont
les affaires particulières de tout axiome », tel
est l’axiome proclamé journellement. Dans les
notes qu’il a prises en Angleterre pendant la
dernière campagne électorale, le comte d’Haus-
sonville rapporte combien il a été frappé de voir
les ouvriers discuter d’une façon presque terre
à terre, avec des arguments positifs, la question
du tariff reform. L’un, qui est charpentier, se
plaint de la concurrence des cercueils américains
qui arrivent pleins d'allumettes. Un autre dit
que cela lui est égal de payer un peu plus cher
sa nourriture s’il a du travail et si les salaires
sont plus élevés. Tous s’occupent des intérêts
économiques du pays. En France — et ailleurs
- une discussion électorale avec un ouvrier
prendrait tout de suite un caractère doctrinal.
Montalembert prédisait, il y a cinquante ans :
« L’Angleterre vivra comme elle a toujours
vécu, en se transformant graduellement, en ma-
riant avec un art instinctif et une sagacité mer-
veilleuse, le génie de la tradition intelligente à
la pratique du progrès modéré, le soin des
intérêts généraux à la dignité civique et à la
liberté individuelle du moindre des citoyens.»
La même prédiction peut être faite aujourd’hui.
Sans doute, sent-on couler dans la génération
contemporaine, beaucoup plus que dans les pré-
cédentes, le profond et impétueux courant de
l’esprit révolutionnaire; mais en Angleterre
l’arche du droit et de la liberté surnage toujours
au milieu du déluge des réformes les plus démo-
cratiques.
Nous avons donné des chiffres qui attestent la
puissance prodigieuse de l’Angleterre. La par-
ticipation britannique à l’Exposition de Bru-
xelles vient appuyer, commenter et pour ainsi
dire illustrer ces statistiques. De façon pratique
et fort opportune, elles viennent réfuter les som-
bres hypothèses de certains esprits alarmés qui
dénoncent déjà la ruine de la Grande-Bretagne,
comme le faisait déjà Ledru-Rollin en 1848,
lorsqu’il écrivait son livre sur la Décadence de
l’Angleterre ■ On verra, en parcourant les divers
compartiments de la section britannique, ce qu’a
fait et ce que peut un pays dont chaque citoyen
est une cellule d’indépendance et d’activité pro-
pres. On verra à quelles hauteurs son industrie
a pu s’élever, par une admirable coordination de
tant d’efforts dispersés, et quand on étudiera
l’Angleterre dans son productivisme agricole, on
ne pourra s’empêcher de penser, malgré l’abus
et les inconvénients multiples du fermage, au
mot du duc de Wellington à son retour dans les
champs où il avait passé son enfance : « C’est
ici que fut gagnée la bataille de Waterloo.»
Henri Charriaut.