Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
pagne ses progrès économiques et matériels.
Nous parlerons, dans un prochain article, de
la Renaissance de l’art italien. On a pu cons-
tater à l’exposition d’art décoratif de Turin que
les Italiens modernes ne se désintéressaient pas
du style moderne. Tous les deux ans l’exposi-
tion des Beaux-Arts de Venise, sans égale au
monde par la sélection et le choix des œuvres
offertes à la curiosité des amateurs, donne
l’occasion de reconnaître, à côté de
l’évolution artistique des autres peuples,
celle très marquée de l’Italie. L’année
prochaine Turin convoquera l’Univers à
une world’s fair comme il n’en aura
jamais été organisé encore dans la pé-
ninsule, et Rome ouvrira le château
Saint-Ange et ses palais de la Renais-
sance aux visiteurs du monde entier
venus pour admirer les richesses d’art
qui s’y sont réunies.
La Renaissance littéraire de l’Italie
n’est pas moins remarquable. M. d’An-
nunzio est en ce moment le premier
poète de la latinité, et par là nous en-
tendons signaler l’écrivain qui exprime
avec le plus de génie et le plus de
vigueur les instincts et les espoirs de la
race. Et il y a d’autres poètes encore,
Ugo Pascolo, Arturo Graf ; des roman-
ciers, tels que Fogazzaro, Matilde
Serao ; des auteurs dramatiques, tels
que Marco Praga, Sam Bemelli, Ro-
berto Bracco. La nouvelle école musi-
cale de l’Italie a fait applaudir ses
œuvres sur toutes les scènes de l’Eu-
rope. Qui n’a entendu la Bohème ou
Madame Butterfly, de Puccini ; Caval-
leria rusticana, de Mascagni ; les Pa-
gliacci, de Leoncavallo ? Et nous ne
parlons ici ni des savants, ni des écono-
mistes.
Depuis le grand effort accompli par
l’unité italienne, la nation a réalisé des
progrès immenses. L’outillage écono-
mique du pays s’est développé. La
Lombardie est actuellement un centre
d’industrie. Aujourd’hui le change a
dépassé le pair, ce qui est un signe incontestable
de prospérité. Il y a certes beaucoup de ré-
formes à l’étude, et de leur mise en pratique
dépendra le complet épanouissement de la nation.
L’italianité a donc repris conscience d’elle-
même. Son existence est nécessaire au monde.
Dans l’harmonie universelle, chaque nation est
appelée à jouer son rôle. Des efforts indi-
viduels sort le progrès de la civilisation com-
mune.
Aucun peuple ne possède un passé aussi glo-
rieux que le peuple italien, et pourtant il doit
éviter de vivre de ce passé. Il doit être franche-
ment et délibérément moderne. Les idées sans
cesse en marche lui imposent une évolution
constante. Il est inexact de parler de la déca-
dence ou de la résurrection d’un peuple. La vérité
est que de nouveaux éléments contribuent à
créer dans une nation des tendances et des di-
rections nouvelles. Celle-ci est comme l’indi-
vidu : elle se modifie constamment, elle s’adapte
à des besoins qui lui étaient encore inconnus la
veille. Une forme nouvelle de culture sortira
peut-être de l’italianité,, sans que nous puissions
encore en prédire les modalités.
Parallèlement à cette continuelle progression
vers un mei’leur devenir, les nations doivent main-
tenir leurs traditions, comme des modèles d’ac-
tivité, d’énergie et de caractère, comme les mi-
roirs où se reflètent l’âme toujours vivante des
ancêtres. Ces traditions seront pour elles un
LA SECTION ITALIENNE. — LA FAÇADE.
stimulant ; elles se garderont cependant d’en
être les esclaves.
Lorsque nous traverserons les plaines de
la
Lombardie, les montagnes de la Toscane ou de
l’Ombrie, nous nous arrêterons avec respect dans
ces temples magnifiques où l’art brille comme
la lampe du sanctuaire ; mais, après avoir
accompli ce pèlerinage, nous tournerons nos
regards vers la splendeur des grandes villes
modernisées, qui témoignent de l’activité de la
jeune Italie. Nous admirerons à Milan et à
Gênes des quartiers nouveaux qui peuvent riva-
liser avec ceux des grandes capitales de l’Eu-
rope. Le modernisme n’a pas ici chassé les pré-
occupations artistiques. Il s’enveloppe de beauté.
Rome se transforme. Ici la tâche est particu-
lièrement délicate. Il faut renouveler et cepen-
dant conserver les glorieux monuments du passé.
Ainsi, une activité rénovatrice se révèle dans
tous les domaines. Loin d’y avoir décadence, il
y a Renaissance. Dans son livre Latins et Anglo-
Saxons, M. Colajanni, professeur à l’université
de Naples et député au parlement italien, s’ex-
primait ainsi :
« Je ne me risque pas à prévoir ce que sera
l’Italie de l’avenir, parce que je n’ai aucun goût
pour le métier de prophète et que les prédictions
politico-sociales ont reçu les plus éclatants dé-
mentis ; je ne m’abandonnerai pas non plus à
un optimisme lyrique en face d’un événement
qui semble très proche : 1 expansion que la force
hydro-électrique va donner à la grande
industrie.
» Je ne souhaite pas d’ailleurs que
mon pays devienne exclusivement la
terre de la beauté, suivant le vœu que
forme d’Annunzio pour la Troisième
Italie. Un grand peuple ne doit pas se
repaître d’un idéalisme qui confine à
l’extravagance. Il n’est pas désirable
qu’on fasse de l’Italie un grand musée
artistique et le rendez-vous des « tou-
ristes » du monde entier attirés par ses
beautés naturelles, comme le voudrait
Novicow. Je demande, au contraire,
qu’elle puisse vivre de son propre tra-
vail et de la production économique,
que politiquement elle devienne ce
qu'elle semble déjà être en Europe,
una inter pares, comme la considère le
sociologue russe, et qu’il lui soit pos-
sible d’exercer dans le monde une mis-
sion de paix, de civilisation et de pro-
grès moral.
» Quel que soit l’avenir réservé à
cette nation et à la civilisation latine
dont Italiens et étrangers s’accordent à
prédire la décadence, il suffit certes de
regarder ce qu’elle est dès maintenant
pour opposer un démenti solennel à ses
détracteurs ; l’observateur le moins idéa-
liste et le moins optimiste devra s’asso-
cier à la conclusion prophétique for-
mulée sur le Janicule, à l’ombre de la
statue de Garibaldi, par un étranger, un
Allemand :
« Que nous parle-t-on de races
» et de destins ? Il n’y a que des
» hommes qui, par inexpérience, ont
géré les affaires. Il n’y a que des
mal
» responsabilités. Ce n’est pas une lumière cre-
» pusculaire qui filtre sur la troisième Rome ;
» cette lumière ne précède pas la nuit ; c'est une
» aube rosée qui annonce un avenir où la puis-
» sance, l’activité, l’âme et la vie italiennes
» recevront l’impulsion qui doit les conduire
» au but. N’est-ce pas l’aube du XXe siècle ? »
Résumons-nous. L’Italie contemporaine nous
offre en ce moment le spectacle d’une grande
nation en marche. Nous pouvons suivre, dans les
diverses manifestations de sa vie économique,
artistique et morale, les progrès qu’à chaque pas
elle accomplit. Par la beauté de son ciel, par la
gloire de ses ancêtres, par les souvenirs de son
passé, l’admiration du monde lui était acquise ;
par son désir ardent de reconquérir la place qui
lui revient aux côtés des pays dominateurs sur
le modèle duquels l’univers règle son activité,
elle fixe en ce moment sur elle l’attention des
peuples de haute culture.
Arthur De Rudder.