Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
[/EXPOSITION DE BRUXELLES
LA PARTICIPATION DES ÉTATS-UNIS
Dans quelques siècles, quand les hommes
auront pour juger le temps présent ou celui
qui vient de s’écouler, le recul nécessaire, j'ima-
gine que la création, le développement, la pros-
périté sans cesse grandissante de la République
des Etats-Unis prendra l’importance d’un des
principaux événements historiques de l’ère mo-
derne. C’est, en effet, pour la première fois
que, sur le sol du Nouveau-Monde, tous les
peuples européens se sont fondus en une grande
nation où certains éléments ont pu prédominer,
mais qui n’en compte pas moins des repré-
sentants de presque toutes les variétés aryennes.
Mais, par un étrange phénomène, tous ces peu-
ples qui, sur le sol de la vieille Europe, pa-
raissent opposés les uns aux autres par des
différences irréductibles, se sont fondus très
rapidement en une race nouvelle qu:, bien qu’elle
emploie la langue anglaise, se différencie pres-
que autant du peuple anglais que des autres
peuples européens.
La colonisation de l’Amérique du Nord par la
race blanche, commencée au XVIIe siècle, ne
peut certes pas être comparée aux invasions des
Barbares dans l’Empire romain, puisque les
colons avaient une civilisation incontestablement
supérieure à celle des populations clairsemées
qu'ils trouvaient sur le vieux sol américain.
Mais, cependant, c’est bien une invasion plutôt
qu’une conquête: « Comme une irruption de
fourmis en voyage... » dit Leconte de Lisle à La
forêt vierge...
Comme une irruption de fourmis en voyage,
Qu’on écrase et qu’on brûle, et qui marche toujours
Les flots t’apportent le roi des derniers jours
Le Destructeur des bois, l’homme au visage pâle.
Et, en effet, l’homme au visage pâle a tout
envahi ; il faudrait remonter aux mystères de la
préhistoire pour retrouver l’exemple d’une pa-
reille substitution d’une race à une autre. La
substitution fut si parfaite qu’on ignore, pour
ainsi dire, ce qu’étaient les disparus. Cepen-
dant, je trouve dans l’introduction de l’inté-
ressant ouvrage de M. Schalck de la Tarerie
sur Les premiers Interprètes de la pensée amé-
ricaine, une observation qui, si elle n’explique
pas complètement cette mystérieure et brus-
que constitution de la race américaine, apporte
tout de même un élément important à la solution
de la question.
Les vaincus, dit-il, ne sont pas morts tout
entiers, parce que si l’on peut supprimer la car-
casse charnelle d’un individu qui représente avec
le plus de force la caractéristique d’une collec-
tivité d’individus, on ne peut pas supprimer en-
tièrement l’essence intellectuelle de cet individu :
elle lui survit. Elle ne lui appartient même pas
en propre. On ne peut l’anéantir, parce qu’elle
est faite de ce qui ne se voit pas, de ce qui
ne s’atteint pas à coups de canon. Cela se
respire avec l’air d’un pays ; cela pousse avec
la flore d’une zone. Pour le changer, il faudrait
changer le climat. Qui le peut ? Des ingé-
nieurs ? J’en doute. Le Temps ? Peut-être.
L’Anglais est devenu l’Américain, et non seu-
lement l’Anglais, mais aussi l’Allemand, le Po-
lonais, le Hollandais, le Suisse, l’Italien, le
Français. Tous ont reçu la même empreinte
et si, dans ce peuple nouveau, il est encore
d’étranges remous, il n’en est pas moins vrai
qu’il est aujourd’hui poussé vers ses destinées
par un vigoureux sentiment national. Pourtant,
existe-t-il une civilisation américaine ? On en
peut encore douter. Une civilisation c’est avant
tout le produit de longues expériences ; une
civilisation est faite du respect d’un passé et
de la confiance dans un avenir: l’Amérique
n’a point de passé et long.emps elle a témoigné
«KER Füll
WA01
I AMU^
WETTE lUûlIMiW),
1 OHIO
DUBROM
r'HOB®«
SECTION AMÉRICAINE.
.L-S*«!
d’un singulier dédain du passé. Notre amour
des vieilles pierres, des vieux tableaux, la fai-
sait sourire. C’était pour elle le signe certain
de notie décrépitude. Depuis quelque temps, son
élite, du moins, s’est aperçue qu’un grand peuple
avait besoin d’un passé et surtout du respect
d'un passé. Elle a voulu se créer artificielle-
ment une aristocratie — l’aristocratie des Quatre-
Cents ; elle a vu une manière de noblesse dans
le fait de porter un nom hollandais - —des
Hollandais ayant été les véritables fondateurs
de Nev-York, ci-devant Nouvelle-Amsterdam ;
elle a cherché un patriciat parmi les probléma-
tiques descendants des colons du May-Flower,
elle a constitué des musées à coups de millions.
Mais, elle le sent bien, tout cela ne remplace
pas le bénéfice d’une antique culture.
Au surplus, si l’Amérique n’a pas eu les béné-
fices d’une antique culture, elle n’en a pas connu
les inconvénients. Si son évolution moderne a
été si rapide, c’est précisément parce que cette
évolution n’est pas entravée par le poids du
passé. Si tous ces émigrants, venus des quatre
coins du monde, ont pu vivre en paix les uns
avec les autres, c’est qu’en quittant leur patrie
d’origine, ils y avaient laissé tous ces souvenirs
qui rapprochent des hommes de même origine,
mais qui divisent profondément ceux qui n’ont
pas eu d’ancêtres communs. En Europe, .les
morts parlent, ils parlent parfois très haut, et
si leurs discours souvent nous dirigent et nous
fortifient, il arrive aussi qu’ils nous entravent :
dans le Nouveau-Monde, les morts n’ont que
la voix confuse d’une humanité sans histoire.
Ils ne dictent pas de conseils, ils ne soufflent
pas de noble rôle à continuer, mais ils n’en-
seignent jamais le dédain du présent ou la
crainte de l’avenir.
Aussi bien, un peuple qui vit très vite se
crée vite un passé, et si l’on ne peut pas dire
encore qu’il y ait une civilisation américaine,
on peut, dès à présent, prévoir le moment assez
prochain où cette civilisation sera un fait in-
contestable.
Les Expositions universelles organisées sur
le sol des Etats-Unis l’ont montré, et ceux
qui ont vu Chicago et Saint-Louis n’en dou-
tent pas. Mais même dans la participation des
Etats-Unis aux world’fairs européennes, on
peut voir que l’Américain se fait peu à peu
une conception de la vie qui lui est propre :
il se donne un style. Certes, la section des Etats-
Unis n’a pas, à l’Exposition de Bruxelles, l’im-
portance considérable de la section française,
de la section allemande, de la section anglaise
ou de la section italienne. Mais pour qui. .exa-
mine attentivement les stands que décore le
drapeau étoilé, la grande République du Nou-
veau-Monde a très suffisamment marqué sa
place dans notre Exposition pour que le visi-
teur puisse se rendre compte de sa puissance
économique et de sa force sociale. Les machines
et les produits exposés manquent souvent d’élé-
gance ; ils sont présentés sans recherche sinon
sans ingéniosité, mais ils ont cette beauté secrète
des choses nécessaires, la beauté de l’atelier
actif et bien ordonné et peut-être est-ce là la
vraie beauté américaine ? La civilisation qui se
forme dans ce vaste continent si neuf est un
peu étroitement utilitaire. Admirons que du
moins elle ait la beauté de l’utilitarisme, et
qu’elle nous offre l’exemple de ce travail in-
tense qui a aussi son esthétique. Admirons que
dans la section américaine de l’Exposition de
Bruxelles il n’y ait rien d’inutile. Cette expo-
sition n’est, si l’on veut, qu’une' carte de visite
- on sait que les Etats-Unis ne sont pas offi-
ciellement représentés et que la section améri-
caine est due à l’initiative privée — • mais cette
carte de visite est significative.
L. Dumont-Wilden.