Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
trôle de la direction de l’entreprise. Tout employé
a le droit d’accepter des postes d’honneur dans
l'administration de l’Empire, de l’Etat ou de la
commune. On lui donnera les congés réclamés
par les exigences de ces postes, tout en con-
tinuant à lui servir ses appointements ; liberté
d’association, dans un but politique ou autre ;
liberté religieuse, liberté de se syndiquer et de
LA MAISON DU PEUPLE D’IÉNA.
nommer des délégués. On peut se demander où
ce programme de liberté aboutit en pratique ?
Voici : la liberté octroyée par les statuts suppose
que personne n’en abusera, que l’ensemble des
ouvriers s’élèvera à un niveau tel qu’ils
sachent opposer aux intérêts momentanés de
leur liberté personnelle, les intérêts de la maison
dont ils font partie. Les directeurs et employés
de la maison n’acceptent pas plus de postes
d’honneur qu’ils ne pensent pouvoir en remplir
tout en continuant leur travail. On exige des
ouvriers qu’ils s’élèvent peu à peu au même
degré de conscience.
Voilà pour les droits ; voyons les conditions
économiques. Peu après son entrée dans la mai-
son, Abbe y avait introduit le travail aux pièces,
jugé supérieur pour la mécanique de précision,
malgré la résistance opiniâtre de Zeiss et des
employés. Le succès lui donna raison. Les ou-
vriers réalisèrent des salaires presque doubles.
Le salaire moyen d’un ouvrier de 24 ans, tra-
vaillant depuis plus de 3 ans dans la maison,
est de 2,500 francs. Aucun employé ni membre
de la direction n’est autorisé à toucher plus du
décuple du revenu moyen d’un ouvrier qui se
trouve dans les conditions énoncées plus haut.
Pourquoi ? Il a paru au fondateur que quelques
traitements dépassant de beaucoup tous les
autres produisent un mauvais effet dans une
association ouvrière. On tint à ne pas créer des
contrastes trop sensibles ef le rapport de 1 à 10
parut bien suffisant.
Arrivons à la participation aux bénéfices. La
plupart des maisons qui ont adopté la partici-
pation aux bénéfices ont ajouté comme corollaire
à cette disposition que, dans les mauvaises an-
nées, l’ouvrier participe aussi aux pertes, sous
forme de diminution de salaire. Les statuts de la
Fondation divisent le salaire en deux parties :
l’une fixe et irrévocable, qui ne peut jamais ré-
trograder ; l’autre, aléatoire, subordonnée aux
bénéfices de l’année. Chez Zeiss, la participation
aux bénéfices existe donc seule. Le terme
« participation » a été remplacé par le mot
« supplément » pour en enlever toute couleur
politique. Ce supplément est accordé à tout le
personnel, sous la forme d’un tant pour cent
des appointements ou salaires touchés au cours
de l’année écoulée. Le taux dépend des béné-
fices réalisés et de la somme disponible, après
avoir doté la Fondation du revenu minimum
qui doit lui être attribué. La situation est déli-
cate lorsque le taux du supplément vient à
baisser. L’expérience qu’en a fait Zeiss montre
que là encore il y a lieu de relever le niveau
du personnel qui comprend mal et se croit lésé.
Contrairement à ce qui se passe dans les
sociétés par actions, chez Zeiss les membres de
la direction sont exclus de la participation aux
bénéfices. Le motif de cette exclusion est le
suivant: Il a semblé que la direction pourrait
peser sur le bilan et pourrait être tentée de
faire augmenter les bénéfices en diminuant
les salaires. Les employés touchant, comme
les directeurs, un traitement fixe, jouiraient
tous également de cette augmentation de béné-
fices, mais les ouvriers dont les salaires
auraient souffert pourraient bien, tout en rece-
vant leur part du bénéfice, être lésés par la
diminution des salaires qui auraient servi à les
réaliser.
Quels sont les rapports entre l’entreprise et les
ouvriers, entre le capital et le travail ? Le pro-
priétaire de la maison n’est ni un homme, ni
une collectivité, mais une personne juridique :
la Fondation. Le capital n’est pas le maître,
il est le serviteur du travail ; il est la propriété
commune de toutes les personnes occupées dans
la maison. Celle-ci ne représente pas seulement
le présent et la génération actuelle, mais aussi
l’avenir. Il lui appartient donc de régler la
répartition du produit du travail, de donner aux
ouvriers leur part, et de réserver à la maison
ce qui lui revient pour s’augmenter, s’accroître.
Qui sera qualifié pour faire cette répartition ?
Dans les associations de production ordinaires,
les associés eux-mêmes règlent ces affaires par
une direction ou délégation nommée par vote.
Ici, il en est autrement. On a pu constater que
toutes les décisions qui depuis un quart de siècle
ont donné sa grandeur à la maison, n’eussent
pas été prises sous un tel régime, faute d’unité,
d’entente des affaires, de vues générales, etc. La
direction d’une entreprise de cette nature doit
être indépendante de la volonté des individus,
et elle ne doit être responsable que devant l’en-
semble. Une évaluation exacte de la part de
revenu annuel qui doit être distribué et de la
part qui doit rester la propriété de la collectivité,
nous est fournie par quelques principes qu’Abbe
exposa dans une conférence qu’il fit en 1897 à
la Société des Sciences politiques d’Iéna. Est
réservé à la collectivité, dit-il : I° Tout ce qui
est dû à l’organisation générale, au travail en
commun d’un grand nombre de personnes ;
2° Tout ce qui provient de l’organisation plus
perfectionnée des machines ; 3° Tout ce qui dé-
coule de la garantie représentée par les brevets ;
4° Tous les autres revenus qui ne sont pas le
fruit du travail individuel. Comme résultat : un
quart au moins du revenu est attribué au capital
de la collectivité. On estime qu’un tiers serait
plus juste.
Voyons maintenant comment on a réglé la
question des heures de travail. Abbe a vérifié
qu’une journée de travail trop courte est
désavantageuse pour l’entreprise et qu’une jour-
née de travail trop longue est désavanta-
geuse pour les ouvriers. Quel est l’optimum
profitable aux deux parties ? Cet optimum varie
selon les milieux et selon la fabrication. Les
ouvriers ménagés feront beaucoup de travail
et il sera bon, et en même temps les frais occa-
sionnés pour l’entretien de la force motrice,
durant la vaillance maximum des ouvriers, -
seront moindres.
A la suite d’un vote, en 1900, on mit à l’essai
la journée de huit heures, au lieu de celle
de neuf heures. On compara le travail produit
par 253 ouvriers aux pièces, avant et après
l’innovation. On constata que le rendement avait
augmenté de 4 p.c. C’est-à-dire que le salaire
de l’heure eut dû, pour que le salaire de la
journée restât le même, augmenter dans la pro-
portion de 12 p. c., tandis qu’en réalité il aug-
menta de 16 p. c. pour chaque classe d’âge et
pour toutes les sections de l’entreprise. Abbe
établit la formule: une durée anormale dans
la vitesse d’exécution du travail crée la fatigue,
mais l’augmentation de vitesse dans l’exécution
du même travail ne comporte aucun surmenage.
En conclusion, la détermination scientifique
de l’optimum prendra pour base d’une part
le temps nécessaire à l’ouvrier pour récupérer
ses forces épuisées par un travail trop long ;
d’autre part, les dommages causés par une
vitesse trop grande. La limite indiquée par ces
deux facteurs représente la meilleure durée de
la journée. La journée sera d’autant plus réduite
que le travail sera plus difficile, selon les di-
verses industries. Une juste détermination de la
durée de fond de ses ouvriers fera réaliser, au
patron, d’importantes économies de force motrice.
Nous devrions encore nous étendre sur la
question du travail aux pièces que d’aucuns pré-
tendent meurtrier pour l’ouvrier actif. Qu’il nous
suffise, faute de place, de renvoyer aux statis-
tiques d’Abbe, qui prouvent l’inexactitude de
cette assertion.
Nous pensons inutile d’appuyer sur les dispo-
sitions spéciales prises en faveur des ouvriers.
On pense bien qu’une institution sociale d’aussi
haute envergure a pris les dispositions les plus
libérales. Tout est prévu et largement. Congés
payés, caisse de maladie, pensions, indemnité en
cas de renvoi, payement des salaires pour tous
les jours de fête en semaine, caisse d’épargne
de la fabrique, cadeaux de noce et de jubilé,
subvention à ceux qui veulent se construire une
maison, table à prix réduit ou gratuite pour les
jeunes ouvriers, examen médical, bains pour les
malades.
L’Allemagne, heureuse et fière de son savant
et philanthrope éclairé, a coutume d’appliquer
à sa mémoire les belles paroles de Faust : « Je
voudrais vivre avec un peuple libre, sur un
sol libre ! »