Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
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Suisse et à l’Italie et sert d’étape aux Etats-
Unis, à l’Egypte et aux Indes. »
La situation d’Anvers, en effet, est véritable-
ment privilégiée. Il suffit de jeter les yeux
sur une carte de l’Europe pour voir que toutes
les routes naturelles du continent aboutissent à
ses quais. Il a fallu des efforts pour drainer
le commerce allemand vers Brême ou vers
Hambourg : c’est vers Anvers qu’il se dirigeait
et c’est à Anvers qu’aboutit encore la grande
voie commerciale du Rhin. C’est Anvers qui
est le port de l’industrieuse Alsace et de toute
la France du Nord. « Que Londres et Ham-
bourg, dit encore M. De Bruyn, fassent fortune
par loyalisme, que Rotterdam serve de bassin
d’allèges à la Prusse rhénane et à la Westphalie,
que Marseille entr’ouvre la porte de l’Afrique
et que Gênes attire entre ses deux môles toutes
les felouques de l’Archipel, qu’importe, puisque
notre petit embarcadère du canal au Sucre est
le pier de l’Europe ? » C’est à cet endroit que
Guichardin, s’arrêtant comme à la lisière d’une
forêt de mâts cosmopolites, dut remarquer qu’à
Anvers « on sait toujours des nouvelles de tout
ce qui se passe dans le reste de l’univers ». Et
Napoléon, débarquant le 18 juillet 1803, après
avoir réfléchi à cette place (le ponton du canal
au Sucre), rabroua la municipalité: « Il faut
enfin qu’Anvers mette à profit les avantages
immenses de sa position centrale entre le Nord
et le Midi, de son fleuve magnifique et pro-
fond ».
Cette anecdote est significative. Avec ce clair
bon sens, avec cette nette intuition des réalités
qui était le point dominant de son génie, l’Em-
pereur avait vu, du premier coup d’œil, que cette
ville, à peu près ruinée en 1803 par de funestes
conjonctures politiques, avait été destinée par la
nature à devenir le premier port du continent.
Placée entre le Nord et le Midi, pour ainsi dire
au centre de l’Europe civilisée, sur les bords
du seul fleuve continental qui soit assez profond
à vingt lieues de la côte pour porter les plus
gros vaisseaux, cette ville est dans une situation
si vraiment unique que rien, semble-t-il, ne
pourra jamais lui faire perdre sa richesse et sa
gloire. Les guerres, les traités, les tarifs, les
péages ou la diplomatie peuvent la ruiner en
un instant : elle se relève toujours, et les plus
funestes coups du sort sont suivis pour elle des
plus étonnantes prospérités. Rien de plus carac-
téristique à ce point de vue que son histoire,
rien qui soit mieux fait pour donner confiance
en l’avenir.
Cette histoire, ce n’est pas ici le lieu de la
raconter, fut-ce en une vaste et rapide synthèse,
mais elle montre tout entière qu’il a suffi de
briser les entraves que la politique avait mises
à la grandeur d’Anvers pour qu’aussitôt la ville,
profitant de ses avantages naturels, redevînt
rapidement aussi prospère que par le passé
et se remît à se développer selon ses destinées
propres. Certes, elle n’a plus aujourd’hui la
situation unique qu’elle occupait au XVIe siècle,
parce qu’au XVIe siècle elle n’avait pas de
concurrente.
L’Allemagne anarchique et à demi-barbare ne
pouvait songer au commerce maritime ; les An-
glais commençaient à peine à prendre la route
des mers et à sortir de leur île ; la Hollande
n’était qu’une obscure province des Pays-Bas ;
la France était en proie à la guerre civile ou
défendait son intégrité contre la maison d’Au-
triche. Tous ces peuples aujourd’hui ont de
grands ports, qui font à Anvers une concurrence
d’autant plus redoutable que la Belgique est
trop faible pour assurer à ses nationaux ces
privilèges commerciaux que la politique d’un
grand peuple peut donner aux siens. Mais, selon
la juste remarque de M. De Bruyn, la situation
naturelle du grand port belge lui assure de, tels
privilèges qu’il peut lutter avec avantage. Il
suffit qu’on lui en laisse la liberté et la cellule
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I.E GRAND ATELIER DE RUBENS AVEC SA GALERIE.
sociale qu’il constitue se développe selon son
type. Toutes les marchandises du monde affluent
vers ce ponton du Werf qui en est le noyau.
« Elle s’est dilatée, mais identique à elle-même ;
ce n’est plus seulement ce panier de légumes,
ce filet de poissons qui courent le risque du
marché, ce sont les maïs de la Mer Noire
qui se déversent, les cafés de Santos qui gonflent
les balles, les peaux de la Plata qui s’empilent,
les laines de Buenos-Ayres qui débordent des
arrimages ; c’est pour Anvers que le fellah
irrigue Les cotonneries et que plonge le pêcheur
d’éponges, pour elle qu’on abat des éléphants
au Congo et des forêts en Norvège ; en place
des quelques cultivateurs, pêcheurs et artisans
riverains en quête de la foire ou du recense-
ment, au lieu même des débarquements mémo-
rables de Lohengrin ou de sainte Dymphne,
des Vikings ou des ambassadeurs vénitiens, de
Farnèse ou de Napoléon, voici le va-et-vient
incessant des banquiers de Londres, des mar-
chands de porcs de Chicago, des rajahs de
Golconde et des pipos japonais qui croisent
sur la passerelle des ingénieurs wallons, des
consuls, des grainetiers roumains et des émi-
grants de Pologne. »
Qui n’admettra que ce lyrisme anversois se
justifie ? Le spectacle de ce développement
logique et nécessaire a quelque chose d’admi-
rable. En vérité, nulle part plus vivement qu’à
la balustrade de la promenade qui domine le
Werf, on ne peut saisir la puissance d’un orga-
nisme économique bien constitué au temps où
nous sommes, et les Anversois, dont le plus
ignorant, le plus inculte sent confusement la
poésie d’un tel spectacle, l’ont bien compris,
car ils ont établi là une promenade où ils
s’attardent volontiers en ces après-midi du
dimanche qui ont, malgré tout, conservé une
allure provinciale.
Dans le pavillon qu’Anvers a édifié dans les
jardins de l’Exposition de Bruxelles, c’est certes
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le passé qui domine, puisque c’est dans une
reconstitution de la Maison de Rubens que la
Métropole a voulu symboliser sa splendeur. Mais
à côté de ces appartements splendides où l’on
a évoqué le premier rayonnement de la gloire
anversoise par le souvenir du plus grand artiste
qui ait répandu dans le monde le renom de la
ville, on a consacré des salles voisines à l’effort
contemporain. Rien ne justifie mieux le lim du
présent et du passé ; rien ne montre plus clai-
rement la logique qui a présidé au développement
de l’organisme anversois ; le port, limité jadis
aux rives de l’Escaut, à quelques canaux aujour-
d’hui comblés, s’est agrandi des bassins creusés
par Napoléon, puis d’autres bassins encore.
Aujourd’hui, il envahit une immense banlieue ;
demain, il s’étendra plus loin encore. N’im-
porte ! Les caractères primitifs d’Anvers se per-
pétuent ; la cellule se développe selon son type
et il suffit à l’administration communale de
suivre ce que l’on pourrait appeler l’instinct
de la ville pour faire de grandes choses ; et,
s’il est au monde une cité qui puisse se com-
parer à un être vivant, c’est bien cette ville
créée par la nécessité, exutoire nécessaire de tout
un pays.
Certes, cette vision de la vie anversoise s’im-
pose beaucoup plus clairement à l’esprit le long-
de l’Escaut, sur le promontoire du Steen que
dans les salles du pavillon élégant qui s’élève
au Solbosch ; mais il suffit que ce pavillon
l’évoque pour qu’il remplisse son rôle à mer-
veille.
L. Dumont-Wilden.