Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
359
L’ESPAGNE
L’Espagne est le pays du soleil, de l’amour
et des chansons ; elle est joyeuse de toute la
joie de son ciel bleu et vivante de toute la vie
de son soleil radieux !
Elle est tumultueuse et violente par suite de
l’excès de vie qui fait bouillir son sang... Elle
aime la couleur du sang et la couleur de l’or,
à cause de leur violence et de leur vivacité...
Sa fête nationale est la course de taureaux où
du sang coule sur l’or du sable de l’arène et
son drapeau lui-même est teinté d’or et de sang.
C’est un pays d’inspiration et d’impulsion
auquel le frein du travail raisonné est à peine
supportable.
C’est un pays qui se laisse vivre avec non-
chalance et qui vit avec sincérité et par là-
même, c’est un pays admirable.
*
* *
Qu’elle est belle, la terre d’Espagne, fertile
en souvenirs I Qu’importent ses plaines avares
de gazon vert, mais prodigues de roches grises,
qu’importent ses buissons de ronces ou de fi-
guiers de Barbarie et ses Sierras sévères où
des croix dominent des ravins ! La terre d’Es-
pagne n’en est pas moins belle de toute la
beauté du passé qui accrocha dans son ciel
triomphal un soleil éternel.
Tolède, Séville, Cordoue, ces belles et brunes
Andalouses sont encore toutes parées des magni-
ficences mauresques et les dentelles de marbre
des Alcazars, des Alhambras ne doivent être
que les vieilles grand’mères, dont la beauté
est restée sans rides, de la mantille espagnole.
*
* *
Les mantilles espagnoles... hélas I c’est tout
ce qui reste du costume national. Encore qu’elles
ne paraissent, les noires, que pendant la Semaine
sainte, et, les blanches, que les jours de grandes
corridas, du moins, avec Les châles de Manille,
elles existent encore. Pour le reste, l’Espagnole
s’habille à Paris et l’Espagnol fait blanchir son
linge en Angleterre et venir ses chapeaux d’Ita-
lie. Le « chic » anglais pour les hommes, et
parisien pour les femmes, envahit l’Espagne
malgré la faible résistance que lui opposent
les quelques toreros restés fidèles au pantalon
en accordéon, à la « chaquetilla » en forme de
boléro et au large « sombrero Cordobès ».
Et le mot est très juste de cet acteur qui
faisant une tournée en Espagne, disait: « Ici,
on a toujours l’air de répéter dans les décors,
mais sans les costumes ».
Il est un coin d’Andalousie, pourtant, où non
seulement on répète mais encore on a l’air de
jouer, éternellement, en costumes : c'est le quar-
tier de l’Albacin, à Grenade. C’est là que se
sont réunis les derniers survivants d’une race ap-
pauvrie : les « gitanos ». Ils habitent des huttes
de terre dont l’ensemble est entouré d’une quintu-
ple rangée, barrière infranchissable, de figuiers
de Barbarie aux larges feuilles hérissées d’épines.
Cela se trouve tout en haut d’une route que les
chevaux gravissent péniblement et lorsqu’on y
arrive, le chef des « gitanos » vous souhaite
la bienvenue : il est là, aux avant-postes de
son territoire, immobile, appuyé sur un bâton,
les yeux vifs sous ses sourcils épais, le teint
si bronzé qu’il en est presque noir. De larges
« patillas », favoris noirs, lui mangent les joues
et des mèches noires, s’échappant du foulard
rouge serré sur sa tête, pendent sur son front,
sur ses tempes. Il est vêtu à la mode ancienne,
tout de velours, les mollets serrés dans de hautes
guêtres de cuir travaillé, coiffé, sur son foulard
rouge, d’un large chapeau de velours noir dont
la coiffe s’érige en pointe. De sa ceinture
surgissent des crosses de pistolets, des man-
ches de « navajas ». Il est étrange et terrible,
effrayant et curieux : il se redresse et toise les
gens avec la fierté d’être le chef et d’être de la
ESPAGNE. — SALON D’HONNEUR.
race des chefs depuis un temps immémorial.
Dès qu’on est entré dans le campement, dans
la tribu, on est entouré d’hommes vêtus d’ori-
peaux et de femmes aux larges jupes à six vo-
lants. Les hommes sourient, montrent des dents
si blanches qu’elles jurent dans tout le bronze
et l’ébène de leurs visages de fils de Maures,
tandis que les femmes, des fleurs dans les che-
veux, des castagnettes à la main, dansent des
« fandangos » endiablés. Et puis, comme tout
se paye, les hommes pour leur sourire et les
femmes pour leurs danses, demandent quelques
pièces de monnaie... Sans oublier la marmaille
des petits gamins aux yeux superbes et des
gamines qui ne savent pas encore marcher mais
qui ont déjà des fleurs dans les cheveux et
des castagnettes à la main.
C’est à peu près tout ce qui reste des cos-
tumes espagnols et des « gitanos »; mais ils
sont encore bien vivants et le sang violent de
leurs ancêtres bouillonne en eux. Quelquefois,
après avoir chanté, ils se cassent leurs guitares
sur la tête et d’un coup de pouce ouvrent leur
navaja... Aussi, la police est-elle en permanence
aux alentours de ce coin de Grenade qui s’est
arrêté au tournant le plus pittoresque mais non
pas le plus civilisé de son existence.
*
* *
Et que reste-t-il des coutumes ? Pas grand’-
chose de plus I Pourtant, les fêtes du calendrier
existent toujours et elles ont leur originalité.
Les plus curieuses sont certainement la Se-
maine sainte et la Noël.
En temps de « Semana santa », les femmes
ne se promènent que coiffées de mantilles noires
...et à pied, la circulation des voitures étant
interdite pendant les jours saints. Les églises
regorgent de monde, les Espagnols, très catho-
liques, ne manquent pas un office : les hommes
restent debout, les femmes s’accroupissent sur
les dalles, l’usage des chaises étant inconnu
dans ces lieux. Et les fidèles prennent une part
active aux offices chantés par les prêtres. Ainsi,
le jour où on lit l’Evangile qui dit «'que
Judas embrassa Jésus », les assistants, qui ont
prévu le cas, se mettent tous à frapper le sol
à coups de marteaux ou à faire tourner des
crécelles, ce 'qui produit sous les voûtes un tapage
épouvantable par lequel les Espagnols témoi-
gnent de leur colère contre le traître.
Puis, c’est la joie de la résurrection, les pro-
cessions superbes où des hommes de bonne
volonté promènent sur les épaules des scènes
de la vie du Christ, sculptées très soigneuse-
ment en cire ou en stuc, ou des statues de la
vierge revêtues de robes et de voiles de toute
beauté, brodés par les dames de la ville ; c’est
la joie aussi des « tertulias » et des « verbenas »,
où l’on danse la « jota » sur les pelouses, où
les musiques grêles et l’odeur des beignets
montent vers l’azur, où s’agitent les cloches qui
reviennent de Rome.
« Olé ! Olé ! »
On danse et on chante.
L’Espagne est le pays des chansons !
*
* *
Esta noche, Noche buena
Y manana, Navidad !
D’autres chansons et d’autres fêtes... C’est la
Noël ! Les crécelles ont reparu et les tam-
bourins et les boîtes de fer blanc d’où sort
un bâton que l’on fait crier en y frottant la
main.
Cette nuit, la bonne nuit
Et demain, c’est la Noël!
Dans les rues, sur les places, partout se
dressent des étalages en plein air où s’étagent
des crèches en carton, des montagnes au-dessus
desquelles tremblotte l’étoile qui guidait les