Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
de ces nègres dont l’envahissement chassa peu
à peu la race décimée des Indiens paisibles.
Plus tard, ce fut l’aventure tragique de Tous-
saint Louverture, ce héros noir mort captif au
fort de Youx et qui eut la gloire — platonique
il est vrai pour lui - d'inspirer un drame poi-
I.E CORTÈ.GE DU TRAVAIL. — LES MUTUALITÉS.
gnant à Latnartine. Ce fut la revanche ensuite
de Jean-Jacques Dessalines, le libérateur de l’île,
qui massacra ou chassa les Français de Rocham-
beau. Ce furent les discordes du nord et du sud
se ralliant autour du nègre Christophe ou du
mulâtre Pétion. Ce sont les partages, les dé-
membrements, les protectorats, les révolutions
successifs pendant une moitié du siècle dernier,
tantôt au profit des Français, tantôt des Espa-
gnols, tantôt des indigènes. C’est un instant, il
y a cinquante ans, la brève épopée burlesque de
ce despote sauvage, sinistre personnage d’une
opérette qui tournerait au macabre, de ce Sou-
louque proclamé empereur sous le nom de
Faustin Ier.
Tant de traverses ne sont évidemment pas
faites pour aider à la prospérité matérielle et au
développement intellectuel d’un Etat. Haïti a
voulu nous apporter des preuves, cependant, de
ce que trente ou quarante ans d’existence natio-
nale bien organisée, de réformes sages, d’appli-
cation à l’ordre et au travail ont été capables
de produire.
Et voilà comment rien ne doit nous être indif-
férent de ce que le vaillant petit peuple haïtien
offre à nos regards sur les 344 mètres carrés de
superficie de son rustique palais de bois pein-
turluré d’ocre et d’indigo.
*
* *
Comme toutes les autres participations de
1 Amérique centrale — et elles sont nombreuses
au Solbosch - celle d’Haïti s’ingénie à nous
affirmer la richesse et la variété des produits du
sol. La canne et le café en sont les ressources
les plus fameuses. Si la fabrication du sucre
n’utilise plus autant la première qu’elle le faisait
autrefois, celle du rhum en fait une consomma-
tion considérable.
Et dans le pavillon se dégustent les trois
articles qui constituent l’essentiel de l’exporta-
tion et sur lesquels les planteurs comptent le
plus pour assurer la prospérité de l’avenir. Je
veux parler du café, du rhum et des cigares. J’ai
bu le premier, savouré le second, fumé le troi-
sième et je ne m’en suis pas repenti.
Cafés en parches, rhums en fûts ou en flacons,
tabacs en feuilles ou façonnés occupent donc une
large place des installations. Mais le miel y a
aussi la sienne, et les liqueurs variées, succé-
danés du rhum, et les fruits et les légumes sa-
vamment conservés, et le coton et le cacao, et
le vin de kola et la gomme cajou, et le manioc
et Ic sucre.
Des vastes forêts qui s’élèvent sur les flancs
des monts de la Hotte, sur les bords du lac del
Fondo ou dans les hauts bassins du fleuve Arti-
bonite, sont venus les bois rares aux brillantes
polissures, aux jeux admirables de nervures
marbrées.
Des rochers gigantesques de la presqu’île de
Tiburon ont été extraits des spécimens des mine-
rais les plus féconds en or, en argent, en pla-
tine, en fer, en cuivre, en étain et qui n’attendent
qu une main-d’œuvre abondante et des moyens
de transport pratiques pour enrichir d’opulentes
exploitations.
Ailleurs voici les échantillons des quelques
industries élémentaires de l’île : quelques pierres
réfractaires, des tissus, des sacs et corbeilles en
fibres de lataniers servant au transport des cafés
à dos d’animaux, des fleurs artificielles même
et des broderies.
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* *
Mais les organisateurs se sont préoccupés de
mettre en évidence, et par conséquent en valeur,
le degré de civilisation et la prospérité intellec-
tuelle, le bon ordre administratif auxquels la
République est parvenue. Celle-ci a su, en ces
dernières années, appliquer fructueusement sa
devise nationale, — une devise qui ne manque
pas de ressembler à celle que nous connaissons
bien. Haïti, qui a le français pour langue natio-
nale, inscrit en effet ces mots sous ses armoiries
belliqueuses : L’Union fait la force.
De nombreuses photographies nous font voir
par exemple que Port-au-Prince est une capitale
dotée de fort beaux monuments : cathédrales,
banques, gares, palais du Sénat et de la
Chambre la décorent magnifiquement. Signa-
lons, en passant, que la cathédrale de Port-au-
Prince est l’œuvre de M. Paul Perraud, ingé-
nieur-constructeur à Bruxelles, et qu’un vitrail,
exposé dans le pavillon, vient, à destination de
cette église lointaine, d’être exécuté d’après les
dessins de M. Paul Hagemans. L’artiste belge y
a représenté, dans une ligne et des colorations
harmonieuses, une touchante Sainte-Marie-Mag-
deleine.
Tel cimetière haï.ien, dont des vues sont pré-
sentées au visiteur, évoque le souvenir des mo-
numentales nécropoles de Milan et de Gênes.
Les écoles d’enseignement secondaire pra-
tique ont envoyé de délicats objets peints ou
brodés. Le pensionnat Sainte - Rose de Lima
montre les artistiques travaux de ses élèves et,
entre autres, un superbe rochet de prêtre en
dentelle au fuseau qui ne serait pas indigne de
la patience habile de nos célèbres dentellières
flamandes.
S’il y a des écoles à Port-au-Prince, il y
existe aussi un Laboratoire Séjourné, où se pré-
parent toutes les variétés d’ampoules médica-
menteuses, et la notoriété des instruments de
chirurgie inventés et confectionnés par le doc-
teur haïtien Casséus a dépassé les bornes de
l’île.
Enfin, il est bon de signaler que nos compa-
triotes ont d’excellentes raisons de ne pas passer
indifférents devant les échantillons et surtout les
documents mis sous leurs yeux, puisque plu-
sieurs importantes sociétés belges ont de gros
intérêts aux Antilles. La Société des plantations
d’Haïti, à Bayeux, qui traite le caoutchouc, le
cacao, la canne et le rhum, est du nombre et
elle participe à l’Exposition actuelle.
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* *
Et, au centre de tous ces témoignages de l’ac-
tivité productrice et commerciale d’un peuple en
somme primitif et rude, se dresse le buste en
bronze de Jean-Jacques Dessalines, tenu là-bas
pour le vrai fondateur de l’indépendance haï-
tienne. Le bicorne emplumé crânement planté
sur ses cheveux crépus de nègre aux grands
yeux énergiques, l’habit b-odé surchargé d’épau-
lettes et d’aiguillettes lui donnent l’aspect d’un
général décoratif du premier Empire. Mais le
contraste est éloquent entre la collection de
poteries et de rudimentaires ustensiles exposés
comme des vestiges des anciens Caraïbes dispa-
rus, la noire (majesté rude de ce soldat de fortune
et les preuves de l’état actuel de prospérité d’un
pays que nous ne pouvons pas ignorer.
Paul André.