Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
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fort bien, à l’époque, par des liaisons de plume.
Planofficiel de l’Exposition !
Nos camelots ont eu fort à faire avec les
étrangers ; par la force des choses, ils ont appris
les langues ; la plupart d’entre eux ne sont plus,
aujourd’hui, bilingues, mais tri et quadrilingues !
J’ai fait à ce propos une singulière remarque :
les jours où, pour des raisons qui ne regardent
personne, je paraissais mélancolique et plus sé-
rieux que nature, les camelots m’offraient leurs
plans avec des paroles allemandes ! Au contraire,
si le soleil me rendait la face joyeuse et la dé-
marche allègre, les plans m’étaient présentés
avec des mots anglais !
Je me garderai bien de la moindre conclusion
dont mon cosmopolitisme — quel qu’il soit -
ne saurait s’accorder !
Mais finissons-en de cette nuée de marchands
de plans généraux et de souvenirs de l’Expo-
sition, qui ont assiégé tous les voyageurs de
trams portant l’X prophétique de leur destina-
tion, et forment en face des portes ce joyeux
charivari de cris qui annonce une grande chose.
Les portes franchies, nouvelle suggestion,
attrayante, séduisante, les petits billets rosés !
« Les voilà, les voilà, les bons billets de la
tom-bo-la ! 200,000 francs pour un franc ! c’est
é-pa-tant ! » En effet, ce serait épatant, si c’était
toujours vrai ! Mais le vendeur vous clame cela
avec une conviction, une mine si réjouie, que
vraiment sa confiance vous gagne ! 200,000
francs pour un franc ! Phrase lapidaire, qui est
de l’or, et, comme dirait peut-être Boileau, vaut
seule un long poème ! Chacun, heureusement,
sait ce que parler veut dire, et prend, avec calme,
son billet, sans s’imaginer qu’il est entré dans
une nouvelle Babylone où l’on jette l’argent au
premier venu par portes et fenêtres I
Tout le long de votre promenade, deux fac-
tions rivales, la Blanche et la Jaune, se disputent
l’honneur de vous cirer les bottines ! Cirage en
boîte blanche et cirage en boîte jaune. La plu-
part du temps, c’est la langue anglaise qui sert
de truchement. « Sir ! » Est-ce à la bottine amé-
ricaine ou anglaise, très à la mode, que l’on juge
de votre nationalité ? Peut-être ces industriels
oublient-ils de regarder les visagesi et ne s’in-
quiètent que de l’état de propreté des chaussures
qui défilent tout le jour devant leurs yeux ? Pour
eux veille la Providence. Par Les temps clairs et
secs, elle envoie la poussière des petits quenast
sur les cuirs les plus brillants et vous êtes fait
comme un carrier ; par les pluies, il y a les
flaques inévitables, et la bénédiction du ciel sur
les cireurs, fortune pour eux, Leur arrive sous
la forme de passants englués qui vous marchent
sur les pieds. Il n’y a plus qu’à les leur livrer.
Les nègres surtout font à ce métier merveille ;
ils sont nés cireurs, frotteurs ; qui ne sait que
pour faire à un nègre le plus grand plaisir, il
faut, dans le service de la maison, lui donner à
frotter tout ce qui est susceptible de reluire !
Il y retrouve l’éclat disparu du soleil, la case,
les palmiers, et, qui sait, peut-être toute la
famille, le petit frère, la petite sœur !
N’oublions pas les pous-pous japonais, tonki-
nois, siamois, comme vous voudrez, tout cela
n’est qu’un ! La question de nationalité du
conducteur ne ferait qu’embrouiller la question.
Sous le grand chapeau de planteur de riz, nous
avons reconnu un aimable garçon, nègre du
Brésil ; un autre, cow-boy sans doute teint, du
Far-West et aussi quelques Belges, mais qu’im-
porte ! Avec le mélange des races, bien rare qui
n'aurait dans les veines assez de sang tonkinois
pour mener convenablement un pous-pous.
Mais nous voici à Tunis, à Brousse, à Téhéran,
à Constantinople. « Pardon, lecteur, arrête, par
ici !» La méthode change, la suggestion par
autorité, fi I Cela est pour nous, acheteurs qui
nous laissons mener, camelots qui nous comman-
dent, bon pour les barbares d’Occident, France,
Angleterre, Allemagne, Belgique, Hollande et
quelques autres. Les peuples raffinés de l’Orient
contraire, c’est la voix qui accroche, qui cloue
sur place. « L’avantage de notre produit, sa
raison d’être, c’est qu’il enlève les taches sans
détériorer le tissu I De l’encre, de la graisse...»
Le public s’arrête, se rassemble et les boîtes s’en
vont porter... l’économie et la blancheur dans les
LES VENDEURS D’ALBUMS.
possèdent la suggestion par affabilité. Leurs
tapis, leurs parfums, les objets d’art, tout est à
vous ! « Pardon, monsieur, par ici, entrez voir I
Vous n’êtes pas obligé d’acheter, c’est seulement
pour regarder ! » S’ils ne vous offrent pas le
café — comme les marchands d’Orient le font
en réalité, — c’est peut-être que nous sommes
des barbares, je l’ai dit, qui abuserions de la
politesse — en nombre, — et, pensez donc, toute
l’Exposition serait chez eux ! — Mais s’ils n’écou-
taient que leur penchant naturel ! Je crois que
personne de chez nous ni d’ailleurs n’a jamais
épuisé la générosité d’un Oriental, ni encore
moins sa patience. En voilà, des maîtres de phi-
losophie. A vos plus vives impatiences ils oppo-
seront toujours le calme et le sourire. Ils ne
prennent pas, plus qu’il ne faut, le monde et
ses pompes au sérieux ! Oh ! ils aiment la céré-
monie et le faste, par-dessus tout, mais pour eux
ce n’est jamais qu’un jeu aimable, qu’ils met-
tent une incroyable souplesse d’esprit à bien
jouer ! Le marchand et l’acheteur, le chat et la
souris !
« Pardon, mademoiselle, avez-vous vu ça ? La
pierre de Tunis, qui change de couleur quatre
fois par an ? » Attendez voir, maldemoiselle ? »
Pour être fils d’Allah ils n’ont pas tous le fez
ou le turban ; quelques-uns qui ont une belle
chevelure bouclée se garderaient bien de la
coiffer. Ils s’habillent à l’européenne, encore par
politesse, déférence au pays dont ils sont les
hôtes. Voyez le séducteur aux yeux noirs, bottines
vernies, la voix douce, Roméo oriental, couché
dans son salon de tapis, aux pieds de la cliente
espérée. Il fait sa cour, un tantinet même au
mari. Le moyen de résister à un tel marchand ?
Oui, il y a bien les quinze cents francs que
coûte le tapis discuté, envié, mais est-ce un mar-
chand, avec de tels airs de nonchalance, ou un
prince déguisé, un marchand d’Opéra en tout cas !
Quittons à regret l’Orient et ses délicesA
Ah I certes, en voici qui n’ont plus les gestes
enveloppants et la voix en sourdine. Tout au
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familles. Ceux-là, par exemple, ils s’en donnent
de la peine ! A frotter, rincer, ils dépensent
autant de muscles que d’esprit à parler.
Leurs collègues en douleurs, qui, eux non plus
n’ont pas le métier facile, ce sont les mar-
chands de pierres et roulettes à aiguiser les
couteaux. Bien qu’ils disent, le public n’est
jamais content d’eux. Tel a acheté le produit,
l’objet fameux et prétend qu’en ses mains les
canifs s’émoussent et les couteaux s’ébréchent. Et
cela est vrai, sans qu’il y ait de la faute du mar-
chand ! « Vous faites une fois comme ceci, vous
passez une fois comme cela, et c’est assez, vous
avez toujours des couteaux qui coupent ! » Oui,
mais va-t-en voir, aiguiseur novice, si tu fais
bien comme l’habile vendeur ! Un peu plus fort,
pas assez fort, trop incliné, et la lame est au
diable ! A qui la faute ? Marchandise excellente,
mais qui réclame une main sensible. Aussi pres-
que tous finissent leur boniment, la foule partie,
avec un hochement de tête: « Sale article ! »
Ah I des gens qui ne se foulent rien et se fient
à l’illustration, ce sont les marchands de cartes
postales illustrées. Répertoire peu varié: « Dix
centimes au choix.» Aussi il en pleut, il en verse !
Pourquoi se donner du mal ? Les visiteurs de
l’Exposition n’écrivent-ils pas toute la journée ?
A chaque table qu’ils rencontrent, ne les voilà-
t-il pas envoyant de lointains bonjours dans
toutes les directions ? Les marchands de cartes
postales n’ont pas besoin de se donner de la
peine ; c’est la manie du jour !
Enfin, je vous présente, pour finir, deux jeunes
gens, sans doute rivaux, peut-être amis, qui ne
sont pas des moindres de l’Exposition. L’un
s’est spécialisé dans le sucre filé, — vous con-
naissez cette belle pâte soyeuse qui se travaille
en écheveau, qui n’est que du sucre, du miel et
de la vanille, le tout mélangé d’une quantité con-
sidérable d’air, par le brassage, ou si vous aimez
mieux le filage ; — l’autre de nos jeunes gens a
pour spécialité les caramels, et il est Anglais,
comme eux.