Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
nière demeure entouré d’un tel mystère qu’il
n’est pas possible de déterminer exactement en
quelle contrée du globe la terre à feu fut uti-
lisée pour la première fois. Faut-il croire les
annalistes chinois qui rapportent que dès l’an
iooo avant notre ère la houille appelée « momi »
par les habitants de Pékin était extraite des
montagnes du Cheng-si ? Aristote et Antigone
de Carijstos avaient-ils raison en prétendant
UN TERRIL AU BORINAGE.
que certaines terres du Péloponèse et de l’Epire
avaient la propriété de s’enflammer comme le
bois ? Salluste, dans son Histoire romaine, pré-
tend que les Celtibères, dans leurs ateliers de
Casta-Œlia, établi; par Sertorius, utilisaient une
pierre bitumeuse qui remplaçait le bois à brûler.
Plus tard, en 1066 seulement, on mentionne
les houillères de Newcastle - upon -Tyne, en
Angleterre, et un manuscrit anglais, datant de
1183, donne une longue nomenclature des rede-
vances de houille que devaient à leurs maîtres
les tenanciers royaux. En France on ne retrouve
aucune trace d’exploitation charbonnière avant
le XIVe siècle et il en est de même dans la
plupart des autres pays.
A quoi faut-il attribuer cette absence de docu-
ments relatifs à une si prodigieuse richesse ?
Tout simplement aux fâcheuses préventions que
l’on manifesta longtemps contre la houille. Mais
oui, la houille fut considérée dans plusieurs
pays comme une matière dangereuse ! En 1305,
les nobles n’obtinrent-ils pas du roi d’Angle-
terre un édit en interdisant l’emploi par les tein-
turiers et les brasseurs de Londres ? Des savants
la dénoncèrent, en Sorbonne, et Henri IV en
proscrit l’usage !
Constatons avec quelque satisfaction qu’il n’y
eut pas, dans notre pays, voire aux premiers
âges, ces regrettables et inconscientes critiques.
On a même le droit d’attribuer la découverte
et l’emploi de la terre houille en Belgique
aux peuplades de la préhistoire. Les tribus
primitives ont laissé dans nos contrées et par-
ticulièrement à proximité des gisements char-
bonniers qui s’étendent du Borinage à la Meuse,
de nombreux vestiges de leur vie active et de
leurs facultés d’assimilation industrielle. C’est
ainsi que l’examen des puits au moyen desquels
nos ancêtres extrayaient le silex avec lequel
ils confectionnaient leurs armes, a démontré que
la houille se trouvait dans le champ de leurs
recherches. Il est donc permis de croire 'que
l’homme des tribus primitives a tiré parti de
cette richesse du sol.
Cependant, les historiens liégeois posent en
thèse que l’industrie de la houille eut son ori-
gine au pays mosan. Des historiens notoires
prétendent que Jules-César donna le nom
d'Eburons aux habitants de la vallée, parce que
ce mot est la traduction latine du mot celtique
Heiboure/iqui veut dire « ouvrier travaillant
la houille ». Ils font également remarquer que
le vocabulaire liégeois a conservé le mot bure
(puits). Ils citent aussi l’adoption des mots
Borain et Borinage qui caractérisent, en Hai-
naut, aux voisinances de Mons, l’industrie et les
hommes des fosses à charbon.
Récemment encore, lors des fouilles que l’on
exécuta place Saint-Lambert, à Liége, on dé-
couvrit, parmi des vestiges appartenant incon-
testablement à l’époque romaine, de gros mor-
ceaux de houille et de coke de cette catégorie
des charbons maigres que l’on trouve à fleur
de sol et que l’on nomme « brisho ». Cela prou-
verait donc l’usage de la houille en terre lié-
geoise dès la plus haute antiquité.
Mais le chauvinisme s’en est mêlé. Les Hen-
nuyers eux aussi veulent avoir l’honneur d’avoir
découvert la houille et les historiens du Bori-
nage et de la vallée de la Sambre prétendent
que les faits soi-disant historiques ne sont nul-
lement prouvés et qu’ils peuvent en offrir de
plus précis./
C’est ainsi que l’on cite le passage des Com-
mentaires dans lequel Jules-César, racontant le
siège du camp de Quintus-Cicéron par les Ner-
viens, déclare que les assiégeants « lancèrent
sur les tentes romaines des traits enflammés et
des boules d’argile fusible brûlantes, au moyen
de frondes ». La position probable du camp
de Cicéron dans le Hainaut, à proximité des
gisements miniers autorise quelques commenta-
teurs à déclarer que ces boules enflammées
étaient confectionnées avec de la houille.
Ce ne sont que des probabilités.
En fin de compte, si l’on veut admettre la
connaissance du charbon de terre à une époque
lointaine, il paraît prudent de ramener à la
période intermédiaire du XIe et du XIIe siècle
le temps où les gisements de terre houille
furent, sinon reconnus, tout au moins utilisés
avec quelques profits. Mais oui, de quelque
façon qu’on les envisage, les conceptions les
plus ingénieuses ne sont, en somme, que des
suppositions, jamais basées sur des faits.
Il n’en va plus ainsi dès lé XIe siècle.
Chose curieuse, c’est dans le Limbourg que
les documents anciens placent les premières
exploitations charbonnières. Un manuscrit de
l’abbaye de Rolduc relate que ce monastère,
connu sous le nom de Clooster-Rode, possédait,
de 1113 à 1120, des hameaux où se retrou-
vaient ces inots Kalculen et Kohlberg, qui signi-
fient chose à charbon et montagne à houille.
Pour le pays mosan, c’est une chronique du
moine Renier, de l’abbaye de Saint-Jacques,
qui fait foi. Elle date de 1195 et déclare que
« cette année de la terre noire propre à faire
du feu, fut trouvée dans beaucoup de localités
de la Hesbaie ». Cette époque assignée par le
moine liégeois à l’exploitation du filon de
houille est acceptée par les chroniqueurs du
passé, Gilles d’Orval, Jean d’Outremeuse et
Vinchaut.
Mais la légende s’en est mêlée et à présent
encore on ne néglige pas de citer la mirifique
histoire de ce forgeron liégeois nommé Hulloz,
qui, durant l’épiscopat d’Albert de Creyck, fut
sauvé de la famine et de la misère par un
envoyé du ciel qui lui fit découvrir le charbon
sur les collines de Publimont.
Plus probants sont les documents qui, dès
1202, caractérisent les découvertes et la mise à
profit des gisements. Ce sont des comptes, des
baux, des édits, toutes choses qui permettent
de préciser l’histoire ancienne des houilleries
liégeoises.
Chose curieuse, c’est également de cette
époque que datent les documents précis dé-
couverts dans les autres parties de la Belgique
et relatifs à l’exploitation du charbon. Dans le
pays de Mons, c’est un acte en latin de 1229
renfermant un accord conclu entre le chapitre
de Sainte - Waudru de Mons et Thomas de
Savoie, époux de Jeanne de Constantinople,
comtesse de Flandre et du Hainaut, au sujet du
partage d’un domaine renfermant des « carbon-
nières ». Dans la vallée de la Sambre, c’est un
acte, de 1297 consacré à la vente par Jean, fils
de Guy de Dampierre, de ses droits sur [le^
villages de Gilly et de Charnoy (Charleroi) où
l’on exploitait des « huileries ». Dans la ré-
gion du Centre, c’est une chronique latine de
l’abbé Engelbert Maghe, du monastère de
Bonne-Espérance. Elle date de 1274 et parle
d’un droit d’exploitation du charbon de terre
à Houdeng-Goegnies et Haine.
C’est ainsi que le passé des houillères belges
sort des brumes et se précise.
Ensuite, l’historien n’éprouve aucune peine
à caractériser l’étonnante évolution. Dès le
XIIIe siècle, tout s’offre à lui, chartes, édits,
actes privés, recensements des domaines d^s
châteaux et des moutiers, mille contributions qui
donnent aux incessants progrès de l’industrie
minière une merveilleuse ampleur et qui sont
intimement liées à la vie du peuple belge.
Car la race a su donner, dès les âges loin-
tains, l’exemple d’une belle vaillance. Sa téna-
cité, son endurance, son ingéniosité ont servi
l’étonnante évolution des « huileries » du
passé, vers la prospérité que nous admirons au-
jourd’hui. Et il y a quelque mérite à saluer
d’un souvenir ému ces ancêtres, remueurs de
rocs qui s’aventuraient dans les « vallées » des
« carbenières », sans défense devant la mort.