ForsideBøgerExposition Universelle In…e L'exposition, Vol. II

Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II

Forfatter: E. Rossel

År: 1910

Sider: 500

UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel

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459 L’EXPOSITION DE BRUXELLES que cette terre d’élection est arrosée tous les jours, à heure presque fixe, comme un jardin, et que le tonnerre unit quotidiennement ses gron- dements à la voix sourde des quarante-cinq vol- cans de l’archipel de Java. Le reste de l’habita- tion, la charpente, est encore en bambou, en rotin, en bois de tack. Pour unir les charpentes, l’habile artisan n’emploie ni une ferraille ni un seul clou ; pour ligature, encore du rotin et pour joindre plus étroitement, des chevilles de bois. C’est beau d’être Américain pour avoir chez soi des gratte-ciel dont la construction demande une armée de travailleurs, le concours de nom- breuses industries et des matières diverses in- nombrables. Mais, à côté de ces grandeurs écra- santes, les petits métiers, qui nous ramènent à une notion plus naturelle et plus riante de la vie ont bien aussi leur charme et leur beauté. Dans le pavillon des Indes, plus loin, nous trouvons les ouvrages de ceux qui tressent la fibre. Nous voyons même des vanniers en per- sonne. Ils travaillent sans hâte, avec des mou- vements réfléchis, qui ont le temps d’être parfois gracieux, et n’ont jamais cette allure épileptique que donne la hâte, à nos cigarettières, par exem- ple. Ceux-là tressent la fibre, bien appuyés à la cloison de leur case et s’interrompent pour causer. Homme ni femme ne se dépêche. Eux aussi ont dans leur Bible quelque maxime ana- logue à celle de Salomon :« A chaque jour suffit sa peine ! » Aujourd’hui, demain, rien ne presse. TAPIS ET TENTURES. Rien de la morgue européenne, ou si vous pré- férez, des outrances de Chantecler qui croyait que sans lui le soleil ne luirait pas ! Les ustensiles de ménage nécessaires dans la demeure de l’Indien, c’est encore la forêt, la prairie qui lui en donnent la substance. Petits paniers, faits de deux feuilles d’écorce ; paniers carrés pour mettre le riz ; grands paniers, comme des malles, en baguettes de rotin ; baguettes à chasser les esprits ; grandes et petites nattes, vans pour nettoyer le riz ; petits bonnets ronds d’une fibre ténue comme un fil et dont la per- fection dans la délicatesse nous assure de la patience de l’ouvrier. La navigation, difficile dans cet archipel, semé de récifs, d’îlots, a donné lieu à la confection d’innombrables sortes de barques. Dans les baies nombreuses que forment ces îles échan- crées, les barques, serrées les unes contre les autres, forment de véritables villages flottants ; là vivent « gens de mer » et « gens des estuaires », les uns s en allant au loin, les autres simples canotiers. La construction des barques est ce qu’il y a de plus étonnant, avec le mate- riel élémentaire qu’ils utilisent. En voici de toutes simples, c’est le tronc d’arbre évidé, et quand le vent mène ces barques, il est reçu dans une voile qui n’est qu’une natte, plus ou moins vaste. Ils savent aussi faire des barques plus grandes, rejoindre les blocs de bois avec des chevilles, calfater les joints avec des résines. L’ancre de ces embarcations est un harpon de bois avec une (pierre pour donner du poids. Voici une barque de pêche remarquable. Elle est à deux voiles, robuste, massive, prête aux aventures de la mer, elle fait penser au vaisseau d’Ulysse, celui que le héros construisit tout seul dans l’île d Ogygie, d une forêt de pins a abattre, ou le conduisit la déesse Calypso, quand il eut lesolu de partir. Comme le vaisseau d’Ulysse, avec les moyens dont disposent ces pauvres Indiens, de tels ouvrages sont vénérables. On ne peut re- garder sans émotion cette carène faite de pièces lourdes dont l’assemblage représente un labeur immense. Nos travaux modernes, trop parfaits, trop calculés, trop faciles, n’évoquent le senti- ment que du gigantesque, de la puissance col- lective, ne nous parlent que du triomphe de l’industrie, de la grandeur des nations. Il n est plus question de l’individu là-devant. L idée de la fourmilière domine la fourmi. On admire, on ne s’émeut pas. Le tissage des cotons et des soies se fait tran- quillement dans l’ombre reposante de la case, c’est une occupation presque aussi silencieuse dans la demeure que l’était jadis la broderie qu’exécutaient nos grand’mères, en causant, dans leur bergère d’un coin du salon. Rien de l’enfer assourdissant des ateliers de tissage européens où l’on ne rêve, dans chacun, que la vitesse et la production, habiller le monde tout seul ! Oh ! que ce n’est ici rien de cela ! C’est doux, pa- triarcal ; le métier est composé de quelques montants de bois de tack ; les accessoires sont un peigne de rotin, des baguettes et quelques navettes peu bruyantes, peu diligentes de bam- bou luisant et léger. Une femme travaille assise sur un coussin. La journée est, pour elle, finie sans fatigue ni peine ; elle a vaqué aux soins du ménage, des enfants ; ce n’est pas la fatigue, l’usine, c’est la vie heureuse des métiers indi- gènes. On nous montre aussi les tresseurs de cha- peaux, qui, leurs mains de bronze perdues dans les gerbes de fibres blanches, ont tout le calme serein de leurs voisins les vanniers, la gravité réfléchie, le geste précieux de l’Inde entière. Voyez les sculptures de ceux qui travaillent le bois. Ce sont, comme les sculptures de pierre des anciens temples, des morceaux d une ri- chesse inouïe, qui s’inspirent de la luxuriante nature, ce sont de grands ouvrages exécutés toujours avec de petits instruments. Du bois fouillé comme de la dentelle, aux profondeurs TAPIS ET TENTURES. ajourées comme un buisson, sans une erreur, sans une éraillure ; la gouge et le ciseau sont d’une docilité parfaite et façonnent le relief sous leurs paumes tranquilles. Là, non plus, jamais de hâte. Si vous voyez un artisan qui se dépêche, ou bien qui du moins en a l’air, ne vous y trom- pez pas, ce n’est pas le désir du gain qui le presse, il n’y songe guère, c’est un homme ner- veux, voilà tout. Pour le batik, un des plus beaux métiers d’art, et qui a produit des merveilles, on trouvera décrit d’autre part, dans un précédent article sur les colonies néerlandaises, les allures ' silencieuses de ces ouvrières silencieuses, assises en perma- nence près d’un petit feu, et dessinant a la cire sur les cotons ou les soies les fantastiques ara- besques que leur inspirent les capricés de l’ima- gination. Que de métiers originaux, éloignés de l’in- dustrie, caractérisent encore les populations de l’Inde, notamment l’enluminure, qui est célèbre, et dont quelques spécimens présents ne font que rappeler de loin le passé glorieux de cet art ! Hélas ! c’est un avertissement. Tous les métiers traditionnels, où s'accusent la personnalité d< l’artisan, la tournure spéciale d'une pensée ori- ginale, qu’il faut du temps, suivre, caresser avec amour et réaliser, que ce soit dans le bois, dans le coton ou la soie, tous ces métiers' lents et ré- fléchis ne seront bientôt plus possibles, tous les bras, toutes les intelligences, tous les efforts quelconques doivent les uns apres les autres céder au courant torrentiel de la grande indus- trie qui détruit tout, pour faire une chose unique, d'un bout du monde à l'autre, des fortunes !