Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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492 L’EXPOSITION DE BRUXELLES
des personnalités suscite le goût de la libre
recherche chez l'artisan, celui-ci comprendra
qu il peut, pour les besoins de notre époque,
faire œuvre originale, créer de la beauté neuve.
Et nous sera rendu peut-être le temps où tout
artisan était naturellement un artiste, faisait ins-
tinctivement œuvre dart ; le temps des Imagiers,
tains points. Nul siècle n’a été, ne sera parfait
ni complet, comme aucune nation, comme aucun
homme ne peuvent l’être : grand par quelques
côtés, tout siècle est par d’autres médiocre, ou
vil, ou criminel.) Le retour de ce sens et de
ce goût abolis ;i créé aussi l’art nouveau.
En France, on vit donc percer un jour cette
*»I
■F
*
LES PHILOSOPHES.
des sculpteurs d'Ulm, de Quentin Metsys ou de
Jean Lamour.
Grâce à l’effort persévérant et méthodique des
œuvres d’éducation populaire, de l’école, des
universités populaires, des sociétés d’art dans la
rue et au foyer, des expositions et musées démo-
cratiques. un goût public se formera parallèle-
ment. Après l’odieuse barbarie d’un siècle qui
n’entendit que la parole de Guizot : Enrichissez-
vous/ qui n’eut aucun style ou qui les eut tous,
il semble qu’une aube consolante se lève.
« Tout autrefois, dit Jean Lahor, le vêtement,
larme que l’on portait, tout, jusqu’au moindre
objet domestique, aux chenets, au soufflet, à la
plaque de la cheminée, à la tasse où l’on buvait,
était orné, avec sa décoration, sa parure, son
élégance ou sa beauté ; décoration, parure, élé-
gance, beauté, semblèrent superflus à ce siècle
qui n eut plus souci que de l’utile. Ce siècle si
grand et si misérable à la fois, « abîme de
contradictions », comme dit Pascal de l’âme
humaine, qui si lamentablement finit par l’in-
souciance ou le brutal dédain de la justice entre
les peuples, commença par une indifférence com-
plète à la beauté ou à l’élégance décoratives,
et il eut et il garda, toute une longue partie de
sa durée, une paralysie singulière du sens et du
goût artistiques. (L’humanité dans sa marche
est un peu comme une armée qui, même victo-
rieuse, a ses défaites, ses insuccès partiels,
n’avance pas sans s’arrêter ou reculer sur cer-
impertinence de demander aux ornemanistes, aux
décorateurs, aux fabricants de meubles, même
aux architectes, à tous ces artistes, les derniers
surtout, de qui la pauvreté d idées, l’indigence
d imagination en ce siècle a été, pour beaucoup
d’entre nous, l’un des étonnements et l’une des
tristesses de ce temps, un peu d’idées, un peu
d’imagination, parfois un peu de fantaisie et de
rêve, quelque nouveauté et originalité enfin, et
dès lors une décoration neuve, répondant aux
besoins nouveaux de générations nouvelles.»
Mais — nous y insistons — à cette question
du renouveau d’art décoratif, se lie immédiate-
ment celle de l’enseignement professionnel. Il
faut remplacer l’apprentissage qu’assuraient les
corporations (qu’il serait puéril d’ailleurs de
vouloir rétablir) ; il faut donner au ferronnier,
au céramiste, à l’ébéniste non seulement de
grandes connaissances techniques, une parfaite
habileté, mais encore du goût et une culture
générale. Il n’est pas absolument nécessaire
d’être une brute pour faire une belle grille ou
un meuble charmant. On l’a compris en Angle-
terre tout d’abord où, à l'initiative d’un Ruskin,
on fonda ce Working men’s College d’Oxford,
œuvre un peu utopique peut-être, mais féconde ;
en Allemagne et en Suisse, pays où toute une
législation spéciale fut édictée qui vise la renais-
sance des antiques métiers d’art et qui nous
montre à Nuremberg, à Berlin, à Darmstadt,
à Carlsruhe, à Stuttgart, à Pforzheim, à Zurich
des écoles et des musées d’art industriel admi-
rables(i) ; en France aussi, où il y a Cluny, le
conservatoire des arts et métiers, le pavillon de
Marsan, 1 ecole de Chartres. On la compris un
peu tard en Belgique, d où l’on a laissé partir
des hommes comme Henri Van de Velde, qui de
Weimar les Allemands le reconnaissent hau-
tement — dirigea l’art décoratif dans les voies
où il prospère maintenant, ou le Gantois |de
Praetere, directeur de l’Ecole de Zurich, qui
organise pour 1912 une importante exposition
ou des artisans de tous les pays seront invités.
Aussi, comparez ce qu’offrait notre section
belge, qui a brûlé, aux merveilles d’art vraiment
nouveau des autres sections. Je revois, dans le
coquet pavillon hollandais, cette bibliothèque, ce
salon, cette salle à manger en chêne clair, aux
tentures mauves ou jaunes, intérieurs cossus mais
sobres, un peu austères peut-être. Je revois tant
de stands de la France, non pas seulement dans
le salonnet des arts décoratifs, mais partout,
dans toutes les branches de 1 industrie. Je revois
surtout les deux ensembles successifs réalisés
par cette céramique anglaise admirable, mira-
culeuse — une révélation! — qui disputa la
palme longtemps incontestée à la porcelaine et à
la faïence neigeuse de Copenhague, aux beaux
gris doux. Il y eut enfin la Maison allemande, et
les tissus, les cérames, les bijoux, les bronzes
réunis dans les vitrines des salles voisines par les
« Vereinigte Werkstätte » des différentes régions
de I empire. Certes, on peut ne pas aimer beau-
coup de choses dont les Allemands nous montrè-
rent l’art. Je conçois qu’inféodés aux vieux styles
français (pourtant bien surannés), nous ayons
été choqués souvent par certaines harmonies de
couleurs un peu hardies, des lignes, des rythmes
barbares, d’un goût douteux. C’est entendu!
Mais prenez garde qu’un effort énorme comme
celui qui s attestait là, que la patiente applica-
tion, l’entêtement qu'apportent les Allemands à
créer un style moderne, ne triomphent bientôt
de la trop grande confiance que certains peuples
ont en eux-mêmes dans leurs qualités innées,
leur virtuosité, leur goût instinctif !
Et la Belgique ?.A part deux charmants pa-
villons installés dans les jardins et décorés avec
infiniment de goût, je ne revois guère dans les
halls qui ont brûlé, à côté de beaucoup de savons
et de chocolats, que deux intérieurs à la fois
très modernes et tout à fait dans la tradition
de la Renaissance flamande, quelques belles
pièces en fer forgé, quelques livres et quelques
affiches de nos grands éditeurs d’art.
faut-il dire: « lant pis ! » Non pas : mieux
vaut accorder confiance aux administrations pu-
bliques, qui ont compris la nécessité d’un ensei-
gnement professionnel sérieux, largement ré-
pandu. Une classe ouvrière instruite, dont le
goût aura été ainsi réveillé, raffiné, nous rendra
le prestige que nos artisans du passé nous assu-
rèrent pendant longtemps dans le monde.
Louis Piérard.
(1) J’ai vu récemment à Stuttgart un « Musée
des fautes de Goût »: ne souriez pas...