Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
LE DERNIER DIMANCHE.
UN GRAND JOUR
Naturellement, ce n’était plus que de la grande
Exposition qu’il était maintenant question au vil-
lage chaque fois qu’on se rencontrait, à la rue
et à l’estaminet ! Le maître d’école disait que
quand on avait vu cela, on pouvait bien attendre
tranquillement sa bonne mort. Ce qu’il y avait
là de gens de toutes les couleurs et de tous les
pays ! Le maître d’école, qui était savant, avait
pu en trois jours repasser toute sa géographie.
Et du plaisir ! Ils avaient, le second jour, tant
mangé de saucissfes servies toutes grésillantes
dans les bierbrauerel qu’ils en étaient restés
enflés jusqu'au lendemain.
On aurait eu de la peine à reconnaître le petit
homme un peu gauche d’autrefois dans celui qui
se trouvait là, debout ou assis, et parlait, riait,
expliquait, en frappant ses cuisses du plat de ses
mains. Les autres se taisaient, les yeux ronds, en
tirant sur leur pipe. Il arriva que, petit à petit,
le notaire, le percepteur, le receveur des impôts,
le pharmacien, partirent comme lui-même était
parti. Sur la vente d’une vache ou d’un veau, les
grands fermiers, à leur tour, prélevèrent le prix
du voyage. On en avait pour des semaines à ra-
conter des histoires au retour. Le Roi leur avait
fait, en passant, un petit signe de tête amical.
Jamais ils n’avaient vu de plus belles femmes
que dans les kiosques où se vendaient des
cigares, des glaces, des charcuteries et des
gobelets de champagne. Ceux-là aussi frap-
paient leurs cuisses du plat de leurs paumes ; il
y en avait qui parlaient bas derrière leurs mains,
confidentiellement.
Poppe Snol, domestique à la ferme des Snutze-
Snew, entendait parler de toutes ces merveilles
depuis près d’un mois. Comme c’était un taiseux,
il ne disait rien et écoutait. Il ne passait pas
pour être très esprité. Chacun son métier, du
reste, et le sien consistait à soigner les chevaux
et à mener les attelages. C’était un bon sujet.
Eh bien, ne voilà -t-il pas que Poppe Snol, tout à
coup, se sentit pris, lui aussi, de la petite folie
qui avait pris tous les autres ! Il allait par les
routes au pas de ses bêtes, tête basse, quelque-
fois manquant de se faire écraser sous les roues,
dans son grand rêve éveillé d’aller voir cette
chose qu’ensuite on ne verrait plus jamais. A
table, en coupant son chanteau avec son eus-
tache ; à l’écurie, en remplissant les auges, et
puis la nuit, couché, les yeux ouverts, sur son
grabat, il ne cessait plus d’y penser. Même à
messe, le dimanche, tout droit contre le pilier,
son feutre mou dans ses mains jointes, l’idée ne
le quittait pas. Ce n’est pas qu’il eût une grosse
réserve d’argent, mais ce qu’il possédait était
bien à lui : il y avait près de trois mois qu’il
avait commencé à mettre ses économies à re-
motis, dans la vieille chaussette qui était cachée
sous le plancher de la soupente où il couchait.
Personne ne le savait, pas même Annah, la petite
servante. On ne pouvait pas dire, d’ailleurs,
qu’ils s’étaient promis, et cependant il existait
quelque chose entre eux. Quand Annah chantait
en revenant de traire ses dix vaches, il savait
que c’était pour lui. Deux ou trois fois déjà, ils
étaient allés ensemble, le long de l’eau, en se
tenant par la main.
Poppe Snol choisit son moment pour parler au
fermier : il ne demandait que son dimanche ; il
partirait dans la nuit du samedi, après avoir
soigné ses chevaux. Le lundi, il reviendrait
prendre son service. Nand, l’autre valet, ferait le
nécessaire dans l’intervalle. Le fermier voulut
savoir si du moins il avait de quoi payer son
train, une somme, fichtre ! Poppe baissa les yeux
et se mit à regarder un caillou.
- Oui, oui, par notre Seigneur ! fit-il.
Le maître avait été si émerveillé, là-bas, qu’il