Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L'EXPOSITION DE BRUXELLES
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ne se sentit pas le courage de refuser à ce garçon.
Il haussa les -epaules, se mit à rire et il disait :
— • Eh bien, va si tu as un billet de cinquante
francs à dépenser. Ça te regarde.
Poppe Snol aussi riait, comme un qui a tout
arrangé dans sa tête. Le soir du samedi, après
avoir bouchonné les chevaux et nettoyé les auges,
il passa son complet de drap noir, noua sept
petits ronds d’un franc dans un des coins de
son mouchoir et partit avec un pain dé cinq
livres sous le bras et une paire de bottines enfi-
lées à l’extrémité de son bâton. Il ne marchait
bien que pieds nus ; il mettrait ses bottines en
arrivant.
Poppe avait tout bien calculé ; il savait qu’en
se dirigeant sur l’Est, il trouverait son chemin et
combien il y avait d’heures de marche. Il avait
laissé croire à tous, même au maître d’école qui
l’avait renseigné, qu’il prendrait le train à la
prochaine ville, trois heures plus loin. Et il était
parti, son bâton sur l’épaule, dans la grande nuit
claire de juillet. En marchant dix-huit heures
sans s’arrêter, il pourrait prendre un petit repos
d’une heure : encore quatre heures de marche
ensuite et il serait enfin rendu. Annah lui prêta
un de ses chapelets. Elle eût voulu l’accompa-
gner jusqu’à la barrière, mais elle avait son
grabat dans le grenier et le fermier chaque soir
retirait la clef.
— Bonne route, Poppe Snol, cria-t-elle à tra-
vers la porte.
D’abord il longea des bois, longtemps. Une
lune rouge avait l’air de toucher les arbres et
puis disparut : la clarté restait la même sur la
terre. Avec le claquement sourd de ses pieds
dans les mousses du chemin, c’était comme si
toujours quelqu’un marchait derrière lui. Il allait
de son large pas égal de paysan habitué à faire
des enjambées, cadencées par le fer de ses che-
vaux. Quand les routes croisaient et qu’il hésitait
sur la direction, il mouillait son doigt et le tour-
nait du côté de l’Est. Le ciel, vers les trois
heures, s’éclaira : il se trouva en plaine, sous le
scintillement des dernières étoiles. Il entendit
alors chanter l’alouette ; près des fermes, dans
les vergers, les merles sifflaient. Les angelus
tintèrent : il retira son feutre et pria : il priait
à haute voix. Il pensait quelquefois à Annah : il
n’y pensait pas plus qu’à ses chevaux.
Maintenant les hameaux se suivaient : les
hommes menaient leurs vieux ronsins prendre un
bain de dimanche à l’abreuvoir. Des femmes en
chapeau à fruits partaient entendre la première
messe. Il eut soif en voyant s’égoutter de l’eau
dans une vasque, ouvrit son bissac, se coupa un
chanteau de pain et puis, la paume en cornet, but
un large coup : l’eau, délicieusement, lui entrait
dans les narines.
Il traversa des villes, longea des champs de
céréales et ensuite encore des arbres, sapinières
et futaies. Il donnait le bonjour à ceux qui pas-
saient ; s'ils l’interrogeaient sur sa destination, il
avançait le menton :
— Là-bas !
C’était la vie de dimanche partout ; les enfants
en tablier blanc, les joues barbouillées de sirop,
jouaient sur les portes. Les cloches sonnaient ;
les gros pigeons bleus volaient comme des Saint-
Esprit. Il y avait un air de bénédiction sur les
champs et les maisons. Déjà, devant les cabarets,
roulaient les boules abattant les quilles. Un vrai
soleil dominical faisait pousser les seigles et les
petits pois. Il tira sa montre. Il y avait seize
heures qu’il marchait ; quand la peau de ses
pieds se séchait, il la fraîchissait avec des herbes
humides. Quelquefois il soufflait dans ses joues
comme les ophicléides à la procession entre deux
airs. Encore une fois il traversa un bois si long
qu’il lui fallut près de deux heures pour atteindre
la plaine, de l’autre côté.
J’ai mon compte, pensa -t-il ; ce doit être
l’heure. Et, en effet, .c’était la dix - huitième
heure : il reconnut le bruit musical d’une source,
trempa ses pieds et s’endormit. L'ombre le venti-
lait d’une petite brise, très doucement. Quand il
s’éveilla, il ne ressentit plus de fatigue. Il tailla
dans sa miche, but une forte gorgée à la source
et se remit en route. A mesure maintenant, de
petites foules défilaient : tous les villages étaient
en marche. Les jeunes hommes soutenaient sous
les bras les infirmes. Poppe vit au loin des
tours ; alors il s’assit sur le bord d’un talus et
passa ses bottines.
Jamais il n’aurait pu se douter qu'il y avait
tant de monde sur la terre. C’est comme si la
terre entière avec tous ses habitants était venue.
Il fit comme il voyait faire aux autres : il tira
une de ses sept pièces d’un franc et la déposa
devant la buraliste. Après quoi il put respirer.
C’est que c’était vrai : il pouvait voir à son tour
ce qu’avaient vu le maître d’école et les gros
fermiers. Il était là maintenant, stupide, avec ses
yeux qui lui sortaient de la tête, comme ceux des
vaches d’Annah. Les bergers aussi, autrefois
avaient eu ces yeux-là quand ils avaient assisté
à la Nativité. Il suivait les files, s’arrêtait devant
les grosses femmes peintes des bars, demeurait
planté devant les kiosques à musique, repartait
par les galeries, les pavillons, les halles de ma-
chines, disant intérieurement God I God ! God !
toujours, comme si quelque chose priait au fond
de lui. Soudain, il se trouva face à face avec un
des hommes du village sénégalais. Poppe Snol
jamais n’avait vu d’homme noir. II eut un saisis-
sement et il ne savait plus s’en aller, pris d un
rire qui le tenait immobile devant ce masque
camard, les mains sur les genoux. Il rencontra
ensuite des Malais, des Chinois, des Japonais,
mais l’effet n’était plus le même : il était habitué
déjà. Comme il voulait jouir de tout pour son
franc, quelquefois il repartait de son long pas de
paysan, jouant des épaules et heurtant les gens,
droit devant lui, comme avec sa charrue.
L’après-midi s’acheva : une fraîcheur monta
des gazons ; et voilà qu’il était repris de la
grande faim des campagnes, quand le soir
tombe. Il s’assit sur une marche de palais, coupa
un morceau de pain, et des femmes, le voyant
manger en tournant ses mâchoires comme des
meules, riaient. 11 riait avec elles.
Tout d’une fois des rampes de feu s’allumèrent :
des cordons électriques coururent ; les jardins se
criblèrent d’étoiles par milliers et une ville tout
en or et en pierreries monta dans le ciel. Il sentit
ses yeux se mouiller : il pensa : « Que dirait saint
Joseph s’il voyait cela ? » Saint Joseph était le
patron du village. Et puis on sonna la retraite :
il quitta le dernier.
Une fois dehors, il ôta ses bottines et il s’en
allait comme il était venu, les pieds nus, avec le
reste de son pain enfilé au bâton. Le vent doux
des bois soufflait : il avait assez souvent dormi à
la belle étoile pour être sûr qu’il trouverait le
gîte et la couchée dans le taillis. Il fit quelques
pas et tomba droit sous lui.
Il se réveilla à l’aube, comme font les oiseaux
et les bêtes errantes, prit son bâton et se remit
en route, faisant à rebours le chemin qu’il avait
fait la veille. Un angelus sonna ; il ôta son
chapeau et fit sa prière. Quelquefois il pensait à
l’homme noir et les merles, en entendant son
gros rire, cessaient de chanter. Jamais il n’aurait
fini de raconter tout cela à Annah et aux cama-
rades et il y en aurait encore pour ses chevaux.
Maintenant il était décidé : il se marierait aux
Pâques pour avoir quelqu’un à qui parler de
l’Exposition jusqu’au grand jour de la mort. Et
du surplus de son argent il avait acheté une
petite broche d’Algérie qu’il comptait bien lui
donner comme gage de sa foi.
Camille Lemonnier.
INFORMATIONS DIVERSES
Manifestation de sympathie à l’égard
des deux Directeurs=généraux
Au lendemain de la brillante Exposition de
Bruxelles, au lendemain de son succès éclatant,
s’il était deux hommes auxquels une manifes-
tation de sympathie et de reconnaissance était
due, c’étaient certes bien à MM. Eugène Keym
et au comte Adrien van der Burch, qui en furent
les deux infatigables directeurs-généraux. Ceux-
ci — contrairement à ce que d’aucuns ont pu
croire, — n’ont pas été seulement aux manifes-
tations officielles des mois écoulés ; pendant plus
de trois ans, sans cesse ni relâche, du matin au
soir, ils furent à la tâche. Ils furent les organi-
sateurs de la victoire, et rien ne l’attestera
mieux que les marques de reconnaissance et de
sympathie unanimes que les membres du comité
exécutif ont voulu leur prodiguer en une mani-
festation intime.
LE PAVILLON DE MONACO.
Il y avait là MM. le baron Janssen, le duc
d’Ursel, Georges Dupret, Gustave Francotte,
Georges Grimard, Delannoy et De Locht.
MM.Lemonnier, Nerincx, retenus à la Cham-
bre, Lepreux, absent, s’étaient associés à la fête
en des lettres particulièrement cordiales.
M. le baron Janssen, en des paroles venues du
cœur, a rendu hommage au zèle et au dévoue-
ment inlassable dont les directeurs-généraux ont
fait preuve depuis le jour où ils sont entres en
fonctions jusqu’à ce moment. Ce zèle et ce
dévouement se sont surtout montrés dans les
circonstances malheureuses que l’Exposition a
traversées. Grâce à leur énergie, l’œuvre a été
reconstituée, et l’Exposition fut quand meme un
succès considérable qui place la Belgique au
rang des nations les plus vaillantes.
Mais le comité exécutif a non seulement à se