Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
ventre de femme hydropique, couchée la tête en
bas, élevant en l’air deux maigres jambes chaussées
de bas à jour et de mules d’or. »
Le fougueux auteur de A rebours avait, du
reste, proféré les mêmes imprécations contre tous
les monuments classiques
de Paris. C’est tout juste
s’il avait manifesté quelque
indulgence pour la Bourse,
à cause des innombrables
tuyaux de poêle qui cou-
vrent son toit et modernisent
sa colonnade grecque. Le
futur amant des cathédrales
était alors le plus moder-
nisant des esthètes. Aussi
aurait-on pu s’attendre à ce
que l’architecture moder-
niste du fer fît sa conquête.
Il n’en fut rien. Il saisit sa
meilleure plume, donna li-
bre cours à sa plus mauvaise
humeur et produisit un mor-
ceau dont la verve amuse
encore :
« Tous les dithyrambes
ont sévi, dit-il. La Tour n’a
point, comme on le crai-
gnait, soutiré la foudre,mais
bien les plus redoutables des
rengaines : « arc de triom-
» phe de l’industrie, tour de
» Babel, Vulcain, cyclope,
» toile d’araignée du métal, dentelle de fer. » En
une touchante unanimité, sans doute acquise,
la presse entière, à plat ventre, exalte le génie
de M. Eiffel.
» Et cependant sa tour ressemble à un tuyau
d’usine en construction, à une carcasse qui attend
d’être remplie par des pierres de taille ou des
briques. On ne peut se figurer que ce grillage
infundibuliforme soit achevé, que ce suppositoire
solitaire et criblé de trous restera tel.
» Cette allure d’échafaudage, cette attitude inter-
rompue, assignées à un édifice maintenant com-
plet, révèlent un insens absolu de l’art. Que penser
VAN DEN BULCKE
Secrétaire adjoint du Comité Exécutif
d’ailleurs du ferronnier qui fit badigeonner son
œuvre avec du bronze Barbedienne, qui la fit
comme tremper dans du jus refroidi de viande? —
C’est, en effet, la couleur du veau « en Bellevue »
des restaurants; c’est la gelée sous laquelle appa-
raît, ainsi qu'au premier étage de la tour, la dégoû-
tante teinte de la graisse jaune.
» La tour Eiffel est vraiment d’une laideur qui
Travaux du prolongement de l’avenue Louise
déconcerte et elle n’est même pas énorme! — Vue
d’en bas, elle ne semble pas atteindre la hauteur
qu'on nous cite. Il faut prendre des points de
comparaison, mais imaginez, étagés, les uns sur
les autres, le Panthéon et les Invalides, la colonne
Vendôme et Notre-Dame, et vous ne pouvez vous
persuader que le belvédère de la tour escalade le
sommet atteint par cet invraisemblable tas. — Vue
de loin, c’est encore pis.
» De près, de loin, du centre de Paris, du fond de
la banlieue, l’effet est identique. Le vide de cette
cage la diminue; les lattis et les mailles font de ce
trophée du fer une volière horrible.
» Enfin, dessinée ou gravée, elle est mesquine.
Et que peut-être ce flacon clissé de paille peinte,
bouché par son campanile comme par un bouchon
muni d’un stilligoutte, à côté des puissantes cons-
tructions rêvées par Piranèse, voire des monuments
inventés par l’Anglais Martins?
» De quelque côté qu’on se tourne, cette œuvre
ment. Elle a 3oo mètres, et en paraît 100; elle est
terminée'et elle semble commencée à peine.
» A défaut d’une forme d'art difficile à trouver
peut-être, avec ces treillis, qui ne sont, en somme,
que des piles accumulées de ponts, il fallait au
moins fabriquer du gigantesque, nous suggérer
la sensation de l’énorme; il fallait que cette
tour fût immense, qu’elle jaillit à des hauteurs
insensées, .qu’elle crevât l’espace, qu’elle plantât,
à plus de 2,000 mètres, avec son dôme, comme
une borne inouïe dans la route bouleversée des
nues !
» Pourquoi s’arrêter à 2,000 mètres? Pourquoi
ne pas pousser jusqu’à la lune? »
Peut-être la diatribe est-elle trop violente. Nous
avons fini par nous habituer à la tour Eiffel. Elle
ne gêne plus dans le paysage de Paris; on ne l’y
voit pas plus qu’une cheminée d’usine ou un de
ces mâts téléphoniques dont l’Administration a
gratifié Bruxelles. Mais il est incontestable que ce
n’est pas, esthétiquement, un modèle. Il y avait,
du reste, à cette Exposition de Paris, un type
d’architecture du fer qui, d’abord, fit moins d’effet,
fut moins populaire que la tour Eiffel, mais qui
avait une beaucoup plus grande valeur architec-
turale : c’était la galerie des machines. Ici, Huys-
mans approuvera sans réserve du reste.
« L’intérieur de ce palais est superbe, dit-il. Ima-
ginez une galerie colossale, large comme on n’en
vit jamais, plus haute que la plus élevée des nefs,
une galerie s’élançant sur
des jets d’arceaux, décrivant
comme un plein cintre bri-
sé, comme une exorbitante
ogive qui rejoint sous le ciel
infini des vitres ses vertigi-
neuses pointes, et, dans cet
espace formidable, dans tout
ce vide, rapetissées, deve-
venues quasi naines, les
énormes machines, malheu-
reusement trop banales, dont
les pistons semblent paillar-
der, dont les roues volent.
» La forme de cette salle
est empruntée à l’art gothi-
que, mais elle est éclatée,
agrandie, folle, impossible
à réaliser avec la pierre, ori-
ginale avec les pieds en ca-
lice de ses grands arcs.
» Le soir, alors que les
lampes Edison s’allument,
la galerie s’allonge encore
et s’illimite; le phare situé
au centre apparaît ainsi
qu’une ruche de verre poin-
tillée de feux; des étoiles
fourmillent, piquent le cristal dont les tailles brû-
lent avec les flammes bleues des soufres, rouges
des sarments, lilas et orangés des gaz, vertes des
torches à catafalques; l’électricien braque ses
lentilles, darde des pinceaux de poussière lumi-
neuse sous le ciel vitré qui se mue en une nappe
d’eaux. Des ruisseaux de pierres fines semblent
alors couler dans un rayon de lune et les lueurs
du prisme surgissent, se promènent autour de
la salle; comme en une procession, automatique,
réglée, elles passent lentement le long des murs,
tantôt informes ou semblables à de légers frot-
tis, tantôt s’évasant en des tulipes de feux, se
FRANCIS WIENER
Secrétaire du Comité Exécutif
touffant en des végétations inconnues de flammes!
» La souveraine grandeur de ce palais devient
féerique; l’on reconnaît qu’au point de vue de