Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L'EXPOSITION DE BRUXELLES
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l’art, cette galerie constitue le plus admirable
effort que la métallurgie ait jamais tenté. »
Cette opinion s’est trouvée pleinement ratifiée.
La galerie des machines de Paris est demeurée le
type de presque toutes les galeries de machines
des expositions subséquentes. On a vu un exem-
plaire à Bruxelles en 1897, à Liége en igo5. On le
reverra à Bruxelles en 1910, mais modifié, amé-
lioré, ornementé d’une autre façon, selon les per-
fectionnements de l’industrie et les besoins nou-
veaux de l’esthétique.
*
Si c’est à Paris que fut découverte la forme
typique et nécessaire du grand hall vitré où s’abri-
tent passagèrement les expositions mécaniques et
où tant de fètes publiques trouvent asile sous nos
cieux incléments, la Belgique a joué dans le déve-
loppement de l’architecture du fer un rôle consi-
dérable, et l’esthétique architecturale nouvelle qui,
par la force des choses, devra s’orienter de plus en
plus résolument vers l’utilisation du fer, devra
beaucoup à l’art original, hardi et savant de Balat,
l’auteur de ces serres du
palais de Laeken si légè-
res, si gracieuses, si bien
ordonnées, où l’artiste a
fait preuve d’une merveil-
leuse entente des maté-
riaux.
Ces œuvres ont d’a-
bord l’intérêt d’apparaî-
tre comme les manifes-
tations de deux tempé-
raments d’artistes qui ont
trouvé, du moins par
éclairs, à concilier la
tradition et la nouveau-
té. Mais on v trouvera,
d’autre part, la valeur
d’exemple singulière-
ment caractéristique.
Elles indiquent la voie
à l’architecture du fer,
elles montrent comment
cette architecture peut
se rattacher aux plus
grandes traditions d’art
monumental.
On l’a remarqué trop
souvent pour qu’il soit
nécessaire d’y insister :
ce qui fait la beauté
absolue, éternelle de l’art
grec, c’est sa sincérité, son honnêteté. Un temple
qui semblait de marbre était de marbre; une
colonnade qui semblait soutenir un portique le
soutenait, en effet, et comme l’ornementation
ormait une partie intégrale de la construction,
le peuple la lisait d’une façon aussi intelligible
qu’il lisait les poèmes d’Homère. « Rien de sem-
blable ne se rencontra à Rome, dit Brooks-
Adams, dans son curieux ouvrage : La Loi de la
civilisation et de la décadence. Contrairement aux
Grecs, les Romains ne furent jamais sensitifs ou
imaginatifs. A proprement parler,ils n’avaient rien
qu’ils pussent exprimer par l’art. Ils furent utili-
taires dès le début, et leur architecture se formula,
en fin de compte, dans le plus parfait système de
construction matérialiste qui,sans doute, ait existé.
Il saute aux yeux qu’un tel système ne pouvait
mûrir que dans une société capitaliste, et, en consé-
quence, l’architecture romaine n’atteignit la perfec-
tion qu’assez tard peut-être, vers la fin du Ier siècle.
« Les Romains, quoique vulgaires et fastueux,
comprenaient les affaires. Ils s’entendaient à con-
cilier l’économie et même la solidité avec l’étalage
du luxe. Comme l’a observé Viollet-le-Duc, ils
étaient riches et voulaient le paraître. Mais ils
s’efforcèrent d’atteindre leur but sans folle dépense.
Ils commençaient donc par réunir à bon marché
une provision de moellons, de briques et de mor-
tier que pouvait assembler le rude travail des
esclaves sous la direction d’un architecte et de quel-
ques inspecteurs; puis ils revêtaient de plaques de
marbre la sordide bâtisse, ajoutant, par manière
d’ornement, rangée sur rangée de colonnes grec-
ques appuyées contre les murs. Cet extérieur bril-
lanfn’avait rien à voir avec l’édifice même et pou-
vait être enlevé sans lui nuire en quoi que ce fût.
Du point de vue grec, rien de plus faux, de plus
insultant pour l’intelligence et, en un mot, de plus
ploutocratique. Mais l’œuvre était solide et durable
et, jusqu’à un certain point, imposante par sa
masse. Ce système dura en principe sans modifi-
cation jusqu’à Constantin ou jusqu'à la migration
finale du capital vers le Bosphore. La seule diffé-
rence entre les monuments du IVe siècle et ceux du
premier, c’est que ceux-là sont un peu plus gros-
siers, absolument comme les monnaies de Dioclé-
tien sont plus grossières que celles de Néron. »
Construction du soubassement de la Façade principale
La propagation du christianisme et la substi-
tution d’une société idéaliste et imaginative à la
société matérialiste et capitaliste de l’empire
romain ramène l’Europe à une conception archi-
tecturale qui s’apparente à la conception grecque
par sa sincérité, par son honnêteté, par le souci qui
s’y manifeste d’exprimer un grand sentiment
collectif plutôt que d'étaler de la richesse et de la
puissance. C’est l’architecture romane, puis l’archi-
tecture gothique, qui trouvent dans l’occident de
l’Europe, et particulièrement en France, leur
forme la plus parfaite. A mesure que la société
européenne se consolide sous la forme capitaliste,
— toujours suivant Brooks-Adams, dont je
résume ici la thèse, l’architecture revient peu à
peu à la formule romaine, mais amoindrie, et
beaucoup plus mesquine, et elle finit par aboutir
à la décadence actuelle. Pour les Romains
comme pour tous les parvenus, dit-il, la véritable
expression de l’art résidait plutôt dans l’orne-
mentation prodigue que dans la pureté de la
forme Et ce qui était vrai du IIIe siècle est vrai du
XIXe. Le type d'esprit étant le même, son opération
doit être similaire, et l’homme économique, à la
fois plein d’ostentation et parcimonieux, produit
des conceptions mesquines fantastiquement ornées.
Les Romains perchaient la parodie d’une colon-
nade grecque au sommet d’un bain ou d’un
amphithéâtre, tandis que l’Anglais, ayant dérobé
aux nations plus faibles leurs chefs-d’œuvre d’ima-
gination, se délecte à couvrir d’imitations grossières
l’extérieur de maisons de banque et de commerce.
Nulle poésie moderne ne peut fleurir dans l’aride
sol moderne. Le drame est mort, et les patrons de
l’art ne ressentent même plus de honte à profaner
les plus sacrés des idéals, le rêve extatique que
quelque moine du XIIe siècle a découpé dans les
pierres du sanctuaire consacré par la présence de
son dieu est reproduit en vue d’attifer un magasin,
et le plan d’une abbaye que saint Hugues a peut-
être bénie est adapté à une gare de chemin de fer.
La thèse de Brooks-Adams, comme celle de
tous les inventeurs de systèmes, est trop absolue
pour ne pas trouver des contradicteurs, mais il est
incontestable que ses remarques sur l’architecture
monumentale moderne tombent singulièrement
justes, à ce point qu’elles
semblent viser certains
monuments bel ges récem"
ment édifiés. Faut-il citer
les gares de Bruges et
d’Anvers? Si l’architec-
ture domestique a fait
ces dernières années de
notables progrès, il est
incontestable quel’archi-
tecture monumentale de
notre époque, comparée
non seulement à la gothi-
que, mais encore à celle
de la Renaissance ou du
siècle de Louis XIV, est
une décadence; elle pré-
sente tous les caractères
artificiels et mensongers
que l’écrivain américain
reproche si justement à
l’architecture romaine.
Nos grands monuments
de pierre, aussi bien le Pa-
lais de Justice de Bruxel-
les que l’Opéra de Paris
ou l’église Saint-Paul de
Londres, sont de « sordi-
des bâtisses » sur lesquel-
les on a plaqué des orne-
ments disparates et somp-
tueux. Nous pouvons leur trouver une certaine
beauté pittoresque, coloriste et romantique mais
elle choque un goût pur et rationnel, comme le goût
grec ou le goût des gothiques français. L’architec-
ture du fer, au contraire, n’a-t-elle pas cette sincé-
rité, cette franchise que l’on admire dans le Par-
thénon ou dans la cathédrale de Chartres? Ici aussi
les matériaux s’accusent nettement, les piliers sou-
tiennent quelque chose, les voûtes sont nécessaires,
les arc-boutants indispensables. Pas d’ornements
parasitaires, rien que des lignes, des formes plus ou
moins élégantes, plus ou moins nerveuses, des con-
structions logiques où rien n’est sacrifié à l’apparat,
n’est-ce pas là toute la philosophie de l’architecture
aux grandes époques? Est-ce à dire que, suivant
toujours la thèse de Brooks-Adams, nous puissions
conclure que l’Europe va revenir à une époque
d’idéalisme comme celle à laquelle nous devons les
grandes cathédrales? Il serait bien hardi d’oser le
soutenir. Mais cet aspect de la question ne peut
empêcher les observateurs de voir dans l’emploi
rationnel du fer un retour naturel et nécessaire vers
la sincérité architecturale.
L. Dumont-Wilden.