Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
tions, déjà très originales; on feignit d'oublier de
lui donner le salaire mérité. Un jour, las des mau-
vais: traitements dont il était l’objet, Adrien
Brouwer quitta Harlem et s’en vint à Amsterdam
tenter la for-
tune. Celle-ci
ne se fit pas
prier.
Le peintre
fut rapide-
ment appré-
cié. Une com-
mande impor-
tante lui fut
faite et payée;
mais alors ce
fut bien autre
chose. Les
exemples dont
Brouwer avait
été pendant si
longtemps le
témoin n’é-
taient pas de
nature à affer-
mir son carac-
tère. Frans
Hals s’adon-
nait à l’ivres-
se, dans les
loisirs que son
artlui laissait.
Et auprès de
lui, le jeune
Frans Snyders — Fruits, légumes et gibier
Adrien n’avait pas puisé exclusivement des ensei-
gnements de peinture et de dessin. Brouwer mena
une existence de débauche. On le rencontrait sou-
vent ivre-mort dans une taverne de bas étage,
cuvant son vin, dégradant son cœur et son esprit.
Un jour, à bout de ressources et d’expédients, le
peintre quitta la métropole néerlandaise.
Il erra sur les grands chemins jusqu’à ce
qu’il vint échouer à Anvers. Mais là une
mésaventure l’attendait. L’artiste avait
négligé de se munir d’un passeport. Le
pays n’était pas sûr; la guerre grondait
aux portes de la ville. On se défiait des
gens venant de l’étranger. Sans autre
forme de procès, Adrien Brouwer fut
incarcéré dans la prison de la ville. Dans
ce lieu de reclusion, le peintre fit une
connaissance tout au moins inattendue,
celle d’un prince d’Arenberg que les
hasards de la politique avaient amené là
pour quelque temps. L’aristocrate s’in-
téressa au sort de l’artiste et, rendu à la
liberté, il obtint la grâce de son protégé.
Il fit mieux encore : il le recommanda à
Rubens, et le grand artiste, appréciant
le talent de son jeune confrère, l’hospi-
talisa chez lui, l’aida de ses conseils et
de sa bourse. Mais Brouwer ne tarda pas
à oublier que l’amitié d’un grand homme
est un bienfait des dieux. Il fut repris
de son désir d’aventures; il quitta Anvers,
vint à Paris, y mena une existence désor-
donnée, selon sa coutume, et ne revint
quelques années après dans la ville illus-
trée par Rubens que pour v mourir
misérablement. C’était en 1688. Il avait
32 ans à peine.
Et pourtant cet homme à la volonté
faible et incertaine créa de petits chefs-
d’œuvre d’observation et de lumière. Son art fut le
reflet de sa vie. Nous y voyons seJdérouler sur ses
toiles les scènes dont il fut si fréquemment le spec-
tateur et l’acteur : rixes, beuveries, manœuvres de
charlatans, pitreries de foires ou de kermesses,
aspects de corps de garde. Il n’a rien poétisé de la
vie qu’il mena, ni des compagnons douteux que
lui choisissaient ses goûts de débauche.
Il nous les montre le verre en main, la face
rubiconde, les traits élargis et dilatés dans l’attente
de l’ivresse prochaine; malandrins pour la plupart,
aux yeux torves, aux attitudes lourdes et épaissies,
hommes grossiers, femmes pareilles aux sorcières des
légendes. Et cependant dans ces scènes de la bohème
flamande il y a une expression de vie extraor-
Adrien Brouwer — Buveurs
dinaire, une puissance d’observation, une recherche
du pittoresque qui furent rarement égalées. Et
quel peintre, quel artiste de la couleur, qui sait si
heureusement combiner ses lumières et ses ombres
et mettre dans le tableau le mieux ordonné la
clarté ou la nuit qui s’harmonisent dans le plus
savoureux ensemble !
Adrien Brouwer eut un rival, un égal même, en
Josse Van Craesbeke. Ils se connurent, se lièrent,
et leur talent
orienté vers
les mêmes di-
rections fit de
l’un le maître,
de l’autre l’é-
lève.
Lorsque
Adrien Brou-
wer vint cher-
cher à Anvers
un asile contre
la fortune con-
traire, il fit la
connaissance
d’un homme
qui partageait
ses goûts de
dissipation :
c’était le bou-
langer Van
Craesbeke.
On dit même
que ce fut l’af-
fection sou-
daine conçue
par le peintre
pour le pétris-
seur de pâtes
qui unit les
deux hommes. Toujours est-il que Brouwer apprit
au boulanger le métier de peintre, que bientôt il
exerça avec une telle maîtrise qu’il fut reçu
membre de la corporation de Saint-Luc.
C’est chez l’élève la même recherche de pitto-
resque et de vie que chez le maître. Les mêmes
scènes sollicitent leur pinceau : rires ou
farces de cabaret, truands qui grimacent,
femmes qui sourient gauchement, mêmes
laideurs, mêmes lourdeurs, même esprit
d’observation aussi.
Dans la pénombre d’une cave, que
rend plus sombre encore le jour gai et
franc tombant d’un escalier ouvert sur la
campagne ensoleillée, trois hommes pris
de vin luttent entre eux. L’un d’eux a
déjà tiré le couteau hors de sa gaine.
Dans le fond de la salle, plongée dans un
de ces clairs-obscurs où se révèle l’habi-
leté suprême de l’artiste, une femme
s’épouvante et tente de retenir l’hôtelier
prêt à se précipiter sur les combattants
pour les séparer. Des enfants jouent,
insouciants du danger menaçant. Et dans
cette toile qui symbolise si bien l’œuvre
tout entière du maître tout est ordonné
selon un rythme parfait; ces groupes
divers sont disséminés parmi l’ombre ou
la lumière, l’agitation et le calme, image
aussi de l’homme qui réalisa, en son âme
troublée, cette œuvre d’ordre, de pitto-
resque et de vie.
Sébastien Vranckx
et Snayers
Mais à l’heure où les peintres fixent
sur la toile les attitudes sublimes des
vierges et des saints, ou d’autres, attirés
par le miracle de la vie qui se révèle autour d’eux,
peignent les joies bruyantes des paysans et des
ribauds, la guerre est déchaînée, des scènes de
tueries, de pillage se déroulent sans cesse. Et celles-
ci, à leur tour, vont tenter le pinceau des artistes.