Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
cratique qui se transforme actuellement en ville
populaire, fera pour ce coin de la vieille Flandre
ce que Blankenberghe et Ostende ont fait pour la
partie Est.
Rien ne manque en effet à Nieuport-Bains pour
prétendre à la fortune de ses heureuses rivales;
depuis une dizaine d'années son développement et
ses progrès sont constants.
Entourée de plantations obtenues à grands frais
et qui l’embellissent par la masse ondoyante de
leurs verdures, flanquée de deux estacades qui
s’avancent dans la mer, bien plus loin que celles
d’Ostende, égayée par un programme de fêtes et
de distractions qui lui ont trop souvent manqué,
bâtie près de ces dunes dont rien ne peut rendre la
farouche et primitive grandeur, Nieuport-Bains ne
pouvait rester l’hermétique villégiature jalouse-
ment défendue par les quelques grandes familles
qui l’avaient accaparée au début et s’y étaient éta-
blies comme en pays conquis. La petite bour-
Dixmude — L’Hotei. de Ville
geoisie est aujourd'hui dans la place; la conquête
a été vivement menée et les positions sont solide-
ment établies.
Contraste frappant avec le modernisme de la
cité balnéaire : la ville de Nieuport — distante de
3 kilomètres environ de « Crombezville », comme
certains appellent Nieuport-Bains — garde pieuse-
ment ses traditions et semble, comme ces vieilles
gens qui ne vivent plus que dans leurs souvenirs,
se renfermer dans la religion de son passé. Elle
étale les façades de ses maisons et édifices troués
par les boulets des sièges; elle montre fièrement
son église gothique du XIIe siècle, ses halles
de style ogival, les reliques de son Hôtel de
ville et la vieille tour, indestructible, que les
Templiers bâtirent au temps de sa prospérité
commerciale.
George Garnir.
AU SIECLE D’ALBERT ET D’ISABELLE
On a cherché longtemps pour l’Exposition de
1910 et pour les fêtes publiques qui, nécessaire-
ment, doivent l’accompagner un clou, un gros
clou, un clou sensationnel. M. le Ministre des
Sciences et des Arts, que ses fonctions en de telles
circonstances appellent au rôle de suprême ordon-
nateur de réjouissances nationales, croit l’avoir
trouvé, à ce que disent les journaux. Il voudrait
évoquer, aux yeux des peuples sans nombre qui ne
manqueront pas d’accourir à Bruxelles à cette occa-
sion, les gloires de l’époque d’Albert et d’Isabelle.
Aux yeux de l’historien, cette idée au premier
abord peut paraître singulière, car c’est sous le
règne des archiducs que la Belgique entra décidé-
ment dans cette période d’engourdissement et de
décadence dont elle n’est guère sortie qu’après i83o.
L’émigration des populations protestantes persé-
cutées sous Charles-Quint et Philippe II, les
troubles de la Révolution, les guerres continuelles,
les pillages, les amendes, les confiscations avaient
commencé de ruiner l’industrie et le commerce de
nos provinces autrefois si riches. Les vingt-quatre
années de guerre qui suivirent la capitulation
d’Anvers et qui firent des Pays-Bas espagnols la
citadelle avancée de la maison d’Autriche contre
la France et contre la Hollande à la fois, le blocus
maritime étroitement établi, non seulement à l’en-
trée de l’Escaut, mais encore devant Ostende par la
flotte hollandaise, tout avait contribué à ruiner l’in-
dustrie et le commerce qui nourrissaient nos villes.
L’agriculture n’avait pas moins souffert : un
grand nombre de villages avaient été détruits, des
régions entières étaient devenues incultes, et il y
avait, au cœur des plus riches provinces, des can-
tons dépeuplés qui servaient de retraite à des
bandes de loups; les forêts étaient occupées par de
véritables armées de brigands qui se recrutaient
non seulement parmi les mauvais garçons des
villes et des villages, mais aussi parmi les déser-
teurs et les traînards des armées, parmi les soldats
eux-mêmes qui souvent, privés de solde, avaient
pris l’habitude de vivre sur l’habitant. Ce n’étaient
là que des signes visibles d’une décadence dont il
faudrait chercher les causes dans le funeste parti-
cularisme d’une population qui n’avait encore pu
s’élever jusqu’à la conception de la nationalité,
dans des conjonctures politiques et économiques
dont les contemporains ne pouvaient se douter;
enfin, dans l’épouvantable tyrannie religieuse dont
nos souverains espagnols nous avaient gratifiés.
Pour remonter ce funeste courant, il eût fallu le
génie d’un homme d’État merveilleusement clair-
voyant : Albert et Isabelle ne purent guère donner
à leurs sujets que de la bonne volonté et une cer-
taine énergie militaire qui parvint à maintenir à
peu près l’intégrité du territoire. Leur règne donc
ne fut rien moins qu’un des plus glorieux de notre
histoire.
Mais c’est généralement quand une société va
entrer dans sa phase de déclin qu’elle jette son
plus vif éclat, et c’est sous le règne des archiducs
que la civilisation spéciale, l’art autochtone des
Pays-Bas espagnols trouva sa formule définitive.
Aussi bien, ces princes, s’ils furent impuissants à
empêcher une décadence peut-être irrémédiable,
leur zèle, du moins, parvint à l’arrêter un instant.
En dépit de la guerre, en dépit du blocus, Anvers,
jusqu’au jour où le traité de Munster ferma diplo-
matiquement l’Escaut, conserva sa richesse com-
merciale, et son aristocratie marchande, comme si
elle avait prévu la ruine prochaine, s’empressa de
jouir de sa richesse présente avec un faste, un luxe,
une sensualité, qui se traduisirent par l’art somp-
tueux de Rubens ou de Van Dyck. Le règne
d’Albert et d’Isabelle, c’est l’éclosion d’un style un
peu lourd, un peu redondant, un peu tardif, mais
où éclate l’indéfectible vitalité d’une race, son
besoin de jouir et d’aimer la vie, un idéal sain, en
somme, et splendide, bien qu’un peu épais, un
idéal bien belge en tous cas. A proprement parler,
remarquez que c’est ce style du XVIIe siècle, le
style Rubens, qui, en effet, est le style vraiment
national. Le gothique belge ne diffère que par des
nuances du gothique du nord de la France; le
style de nos Primitifs est un style français, ou plus
exactement occidental, à peine modifié par un sens
du pittoresque et par une technique propre à notre
race. Le style « Renaissance flamande », le stvle
« Rubens », au contraire, est propre à nos pro-
vinces. Il a beau s’imprégner d'italianisme, de
classicisme, il est foncièrement belge, et c’est à lui
que l’on retourne instinctivement, dans ce pays,
chaque fois que l’on veut exprimer avec pompe la
joie publique ou la grandeur nationale.
A ce point de vue, l’idée d’évoquer, à l’occasion
de l’Exposition de 1910, l’époque d'Albert et
d’Isabelle est tout à fait heureuse. Mais il faudra
qu’on s’en tienne au domaine de l’art.
Au fait, comment procédera-t-on? Le moyen
classique et populaire d’évoquer un monde disparu
c’est, en Belgique, le cortège. Pour ma part, je ne
verrais aucun inconvénient à ce que l’on fit figurer
dans les rues de Bruxelles une cavalcade reconsti-
tuant l’entrée des archiducs dans leur bonne ville.
Les documents abondent et l’effet serait splendide
des métiers et des serments évoluant sur la Grand’-
Place, comme il est indiqué dans certains tableaux
du musée.
On pourrait aussi rappeler cette journée fameuse
où l’infante abattit l’oiseau.
Mais ce sont là des fêtes d’un jour, et peut-être
conviendrait-il de donner aux étrangers qui visite-
ront la ville à l’occasion de l’Exposition une image
plus durable de l’éclat inouï que prit l’art flamand
en ces premières années du XVIIe siècle. Je ne crois
pas qu’il soit possible de réaliser une exposition
Rubens. Les plus belles toiles du grand maître
sont disséminées dans les musées d’Europe, qui ne
se dessaisissent pas facilement de leurs richesses.
Mais on pourrait, dans nos musées à nous, et dans
quelques collections particulières, faire un choix
parmi les œuvres caractéristiques de tous les
maîtres de cette époque; on pourrait y joindre des
meubles, des sculptures, des bibelots et reconstituer
ainsi les salles de quelque noble demeure flamande
du XVIIe siècle. Ce serait là, semble-t-il, l’évocation
la plus éclatante. Se figure-t-on l’impression que
ferait une suite de salles où l’on aurait disposé,
dans un cadre approprié, des allégories de Rubens
et de Jordaens, des portraits de Van Dyck, des
paysanneries de Teniers, des natures-mortes de Fyt,
des allégories religieuses de De Graver ou de
Seghers, des portraits de Corneille De Vos, des
animaux de Snyders ? Il suffirait que le choix fût
avisé pour qu’une telle exposition apparût comme
le triomphe de l’Ecole flamande. D’autre part, on
exposerait dans des vitrines ces merveilleuses
orfèvreries municipales qui sont une des curiosités
de ce pays. Les beaux meubles de chêne de l’époque
orneraient les salles, et j’imagine qu’il n’y aurait
pas de meilleure leçon d’art décoratif.
Je me rends très bien compte des difficultés d’une
pareille entreprise, mais il y a à Bruxelles des
amateurs pleins de zèle et des organisateurs d’expo-
sition qui ont fait leurs preuves.
L. Dumont-Wilden.